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Adolescence

Publié le 06 jan 2025Lecture 11 min

L'enfant et le sport - Que reste-t-il des certificats de non-contre-indication ?

François-Marie CARON, Ancien président de l'AFPA, Amiens

Bien que l’activité physique sous toutes ses formes soit recommandée pour améliorer ou maintenir la santé physique et mentale, le sport offre de nombreux avantages supplémentaires : favoriser la socialisation, le respect des règles, le développement du sens de l’engagement, ainsi qu’une meilleure connaissance de soi. Malgré sa disparition pour la plupart des enfants ayant une activité sportive, un certificat de non-contre-indication peut être exigé dans certaines circonstances. Cet article détaille le bilan à réaliser au cours de la consultation dédiée.

Promouvoir l’activité physique et lutter contre la sédentarité sont des priorités majeures en santé publique. Cela commence dès le plus jeune âge et le pédiatre joue un rôle clé dans ce domaine. Le manque d’activité physique et la sédentarité sont deux facteurs de risque distincts mais qui exposent aux mêmes maladies non transmissibles, telles que les maladies cardiovasculaires, métaboliques, ostéoarticulaires, la dépression ou certains cancers. Et comme les performances cognitives sont également positivement influencées par l’activité physique et le sport, ce point essentiel à souligner aidera à convaincre les parents. Un petit enfant aime se déplacer, courir, sauter. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a d’ailleurs émis des recommandations pour les 0-5 ans en 2020(1). De la même façon que la lecture et l’arithmétique développent les compétences avec les mots et les chiffres, la littératie physique aide à développer un « vocabulaire du mouvement » et instille des habiletés motrices fondamentales et sportives. Les enfants qui possèdent une bonne littératie physique ont l’habileté, la confiance et la motivation nécessaires pour prendre plaisir à participer à un éventail d’activités sportives et physiques. Ils sont plus susceptibles de maintenir un mode de vie actif. Depuis 2009, les recommandations pour les enfants âgés de 5 à 17 ans(2) sont d’effectuer au moins 60 minutes par jour d’activité physique d’intensité modérée à soutenue. Une durée supérieure à 60 minutes offre des bénéfices supplémentaires pour la santé. L’activité physique quotidienne devrait principalement être axée sur l’association endurance et renforcement musculaire, avec incorporation d’activités d’intensité soutenue, en particulier celles renforçant les muscles et les os, au moins trois fois par semaine. L’activité physique va permettre le développement des capacités cardiovasculaires et respiratoires, le développement musculaire, l’acquisition de la coordination, la psychomotricité, l’adresse, l’équilibre, l’acquisition du capital osseux, etc. Ce dernier point est l’illustration concrète de l’importance de cette activité physique (AP), car le capital osseux s’acquiert avant 20-25 ans pour toute la vie. C’est donc surtout dans l’enfance et l’adolescence que se joue une grosse partie de notre santé. Seulement voilà, si en 1971, un collégien courait 600 mètres en 3 minutes, en 2013, pour la même distance, il lui faut 4 minutes, soit une baisse de 25 % de leurs capacités physiques en 40 ans. En 2016, seulement 41,8 % des enfants (50,7 % des garçons et 33,3 % des filles) de 6 à 17 ans atteignaient les recommandations de l’OMS. Aucune évolution significative du niveau d’activité physique des enfants et adolescents n’a été observée entre 2006 (étude ENNS)(3) et 2016 (étude Esteban)(4). Ce phénomène n’est pas propre à la France. Selon une étude de l’OMS réalisée en 2019, 80 % des adolescents scolarisés dans le monde ne pratiquent pas suffisamment d’activité physique et sportive.   Le certificat de non-contre-indication Lorsqu’il s’agit de sport chez les enfants, plusieurs situations peuvent nécessiter un certificat médical. En cas de pathologie connue, l’objectif est d’adapter l’activité physique et sportive individuellement plutôt que de l’interdire. Voici les différents types de certificats médicaux possibles : - certificat d’inaptitude partielle précisant les limitations et adaptations nécessaires pour l’éducation physique et sportive à l’école ; - certificat de non-contre-indication à la pratique d’un sport. En l’absence de pathologie connue, la loi n° 2022-296 du 2 mars 2022, visant à démocratiser le sport, a introduit de nouvelles règles concernant le contrôle médical préalable à la pratique sportive. Aujourd’hui, pour les mineurs, l’obligation de fournir un certificat médical de non-contre-indication a été supprimée pour encourager la pratique sportive. Pour obtenir ou renouveler une licence, ou participer à des compétitions organisées par des fédérations sportives scolaires, les enfants sont considérés aptes par défaut, aucun certificat n’est requis, aucun questionnaire de santé à remplir. (articles L.552-1 et L.552-4 du Code de l’éducation). Aussi, il faut bien anticiper l’éventuel certificat d’inaptitude partielle lors des consultations de suivi. Pour les licences fédérales et compétitions sportives, aucun certificat n’est demandé à condition que les examens de santé prévus par l’article R. 2313-1 du Code de la santé publique soient réalisés. Un questionnaire de santé doit être rempli par le sportif et ses parents, et une attestation de réponse négative à toutes les questions est nécessaire. Sinon, un certificat médical de non-contre-indication récent (moins de 6 mois) doit être fourni. Les associations non affiliées à une fédération peuvent demander un certificat selon leur propre fréquence, et les organisateurs de compétitions non fédérées sont libres de fixer leurs exigences. Certaines disciplines nécessitant des contraintes particulières imposent un certificat de non-contre-indication annuel avec des examens spécifiques, selon la nature du sport. Enfin, curiosité législative, pour l’adhésion à un club de danse (classique, modern jazz, contemporaine), un certificat médical de non-contre-indication reste obligatoire (articles R. 362-1 et R. 362-2 du Code de l’éducation). Pourtant, comme pour les sports sans contrainte particulière, on pouvait penser que les 20 consultations prévues dans le parcours de santé des jeunes permettent de détecter d’éventuelles inaptitudes à la pratique de la danse ? Le certificat d’absence de contre-indication, comme tout autre certificat médical, engage la responsabilité de son signataire. En cas d’accident lié à la pratique sportive, les enquêteurs peuvent interroger le médecin signataire, qui devra alors démontrer qu’il a bien effectué les examens nécessaires pour détecter d’éventuelles contre-indications. Il est donc essentiel de consigner toutes ses observations dans le dossier de l’enfant.   La consultation de non-contre-indication Cette consultation a pour objectif de détecter la présence d’un état ou d’une pathologie qui puisse contre-indiquer partiellement ou totalement, de manière temporaire ou définitive, la pratique de certaines activités sportives du fait d’un risque d’aggravation de la pathologie ou de la survenue d’une complication lors de la pratique sportive intense. Bien entendu, l’examen ne se limite pas à un bilan cardiovasculaire, mais l’importance de ce dernier est primordiale. Contrairement à la plupart des causes de contre-indications à la pratique sportive, la pathologie cardiovasculaire limitante est le plus souvent asymptomatique, mais la survenue d’un accident à l’exercice peut être mortelle. Chez les sujets jeunes âgés de 1 à 35 ans, la majorité des morts subites cardiaques (MSC) sont causées par des maladies cardiaques potentiellement héréditaires. Parmi celles-ci, on retrouve principalement les canalopathies (syndrome du QT long, syndrome de Brugada, tachycardie ventriculaire catécholaminergique, etc.) et les cardiomyopathies arythmogènes, telles que la cardiomyopathie hypertrophique, la cardiomyopathie arythmogène du ventricule droit et la cardiomyopathie dilatée. Toutefois, d’autres causes peuvent être impliquées, comme la coronaropathie, les anomalies des artères coronaires, la dissection aortique, les cardiopathies congénitales et la myocardite. Il est donc crucial de dépister, chez une personne asymptomatique, les maladies cardiovasculaires susceptibles de s’aggraver ou de provoquer une arythmie potentiellement létale lors de la pratique sportive. Le contenu optimal de ce bilan fait débat, notamment en ce qui concerne la nécessité d’un électrocardiogramme (ECG) de repos systématique. Interrogatoire Le questionnaire officiel est rempli en présence de l’enfant ou relu pour préciser correctement les réponses. Les antécédents familiaux sont particulièrement importants, car la plupart des pathologies visées, comme les myocardiopathies et les canalopathies, sont d’origine génétique. Les morts subites dans la famille chez des sujets de moins de 50 ans, y compris les morts inattendues du nourrisson, doivent être signalées. C’est l’occasion de recommander un bilan cardiologique plus approfondi, indispensable aux apparentés de 1er degré. Sur le plan personnel, il est essentiel de rechercher d’éventuels symptômes, même s’ils peuvent être minimisés ou omis, intentionnellement ou non. Le lien entre ces symptômes et l’effort physique doit être précisé, car la disparition d’un symptôme pendant l’exercice n’est pas un signe de bénignité, contrairement à ce que beaucoup de sportifs pensent. Examen L’examen physique sera complet, incluant la prise de poids, de taille, le suivi de l’évolution de l’indice de masse corporelle (IMC) et du tour de taille. Un souffle est souvent perçu chez l’enfant : 40 à 70 % d’entre eux selon la littérature, et surtout avec une prévalence de cardiopathie < 1 pour 1 000. Un souffle fonctionnel(5) se distingue par une intensité faible (pas plus de 2/6, jamais frémissant), systolique uniquement avec une durée non holosystolique (courte, mésosystolique le plus souvent), une sonorité musicale, un dédoublement de B2 possible mais variable avec la respiration. Ce souffle tend à diminuer, voire disparaître, en position debout. Ce signe à lui seul élimine toute pathologie à retentissement hémodynamique significatif. Les anomalies manquées à l’examen clinique sont mineures (communication interauriculaire [CIA], interventriculaire [CIV] ou insuffisance mitrale [IM]) et sans conséquences pour une pratique sportive. En cas de doute sur la nature organique d’un souffle, un avis cardiologique sera demandé. Les pouls fémoraux seront également palpés pour rechercher une éventuelle coarctation de l’aorte, et la mesure de la pression artérielle est effectuée aux deux bras. Enfin, chez les sujets de grande taille, on recherchera des signes d’hyperlaxité et un morphotype évocateur de la maladie de Marfan, associé à un risque de dilatation de l’aorte. Électrocardiogramme (ECG) de repos L’ECG est un examen simple, reconnu comme la stratégie de dépistage la plus efficace pour identifier les pathologies cardiovasculaires à risque arythmogène. Sa sensibilité est cinq fois supérieure à celle de l’interrogatoire et dix fois supérieure à celle de l’examen physique. De plus, il présente un faible taux de faux positifs et des rapports de vraisemblance positifs et négatifs optimaux(6). Cet examen est recommandé pour la pratique sportive en compétition par les Sociétés européennes et françaises de cardiologie, en particulier par le GRS-P (Groupe exercice réadaptation, sport et prévention). L’ECG est recommandé à partir de l’âge de 12 ans, avec un renouvellement tous les 3 ans. Avant cet âge, sa lecture peut être plus délicate et les accidents plus rares. Des examens complémentaires, tels que l’échocardiographie, l’IRM et le test d’effort, n’apportent aucun avantage dans le cadre d’un dépistage de masse.   Discussion sur les recommandations actuelles Les adversaires à cette recommandation arguent du fait que la mort subite à l’effort chez l’enfant est rare, que la plupart des morts subites surviennent en dehors d’un effort, que la lecture de l’ECG est délicate, et qu’il existe trop de faux positifs, ce qui risque d’empêcher la pratique sportive. L’idéal dans la prévention primaire de la mort subite serait de réaliser un ECG à tous les enfants, à un âge à préciser, pour détecter les canalopathies. Les progrès technologiques aidés de l’IA rendront cela possible probablement. D’ici là, il importe de garder ce message : tout symptôme à l’effort évocateur d’une origine cardiovasculaire et, en particulier tout malaise, même s’il a toutes les caractéristiques d’un mécanisme vagal, doit entraîner la réalisation d’au moins un ECG. En cas d’activité physique intense, le risque de mort subite des cardiopathies à risque est multiplié par 2,8(7). Pour autant, faut-il limiter ce certificat de non-contre-indication, comme c’est le cas actuellement, aux seuls sportifs faisant de la compétition, moins concernés par les morts subites à l’effort que les pratiquants de loisir ? Vu le très faible nombre annuel de morts subites répertorié, certains pays comme le Danemark ont fait le choix de ne pas en réaliser. Mais si cette visite est réalisée, il faut bien garder à l’esprit que sans ECG de repos, on ne détecte que 15 % des pathologies cardiovasculaires à risque et si on ajoute l’ECG la détection monte à 80-85 %. En pratique, il est demandé de savoir reconnaître un ECG normal, ce qui en étant rigoureux ne présente pas de difficultés majeures ; et se former ou rafraîchir ses connaissances, car il existe de nombreuses autres indications en pédiatrie courante. Pour les anomalies à repérer chez le sportif, dont une pratique intensive peut modifier le tracé ECG (> 4 heures de sport intense avec essoufflement marqué par semaine), la classification internationale des signes électriques du sportif facilite grandement l’analyse et l’interprétation, et a permis de limiter les faux positifs à 3-5 %(8). En cas de doute, la téléexpertise avec un confrère cardiologue est d’un grand secours, avant d’adresser le jeune patient, si besoin. Dans ce cas, il faut joindre à la demande les données de l’interrogatoire, de l’examen clinique et un tracé interprétable, six pistes plus une ligne de rythme (DII long ou autre).   Éducation du sportif Outre le recueil des données médicales, cet examen joue également un rôle éducatif. La population sportive, souvent persuadée à tort que l’activité physique protège totalement contre les accidents cardiovasculaires, est peu sensibilisée aux symptômes d’alerte et aux comportements à risque. Il est donc important de présenter et d’expliquer les dix règles de bonne pratique du sport, élaborées et validées scientifiquement par le Club de cardiologie du sport(9). Dans un cas sur deux, des signes précurseurs non pris en compte précèdent une mort subite. La déshydratation, en plus de ses effets négatifs sur les performances, favorise les arythmies, de même que les conditions climatiques extrêmes et les pics de pollution. Le tabagisme, la consommation de cannabis, les boissons énergisantes, les produits dopants et d’autres substances illicites représentent également des risques importants. De plus, après un épisode infectieux marqué, le risque d’une myocardite impose de respecter un délai de 7 jours avant de reprendre le sport. Enfin, la prévention secondaire ne doit pas être négligée, en particulier la triade « appeler, masser, défibriller ». L’apprentissage des gestes de premiers secours et la présence de défibrillateurs externes automatiques (DEA) dans les lieux publics ou sportifs ont démontré leur efficacité, avec un taux de survie sans séquelles neurologiques d’au moins 50 %.   Conclusion Au même titre que la protection du sommeil et une bonne alimentation, la réduction de la sédentarité, une activité physique suffisante et la pratique d’un sport font partie des messages de prévention à transmettre aux parents et aux enfants lors de nos consultations. Cela contribue également à une utilisation plus régulée des écrans, outils formidables du XXIe siècle, mais dont l’usage nécessite un encadrement. Si un certificat de non-contre-indication est requis, soit par la loi (pour des pratiques spécifiques ou en cas de réponse positive à une question de l’autoquestionnaire), soit par une fédération ou un autre organisme, une consultation dédiée est nécessaire. Toute fois, sans électrocardiogramme, son utilité reste limitée. L’ECG a toute sa place dans un cabinet de pédiatrie générale.

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