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Adolescence

Publié le 23 déc 2024Lecture 8 min

Le sport pendant la puberté : un cap vers la santé dans une période de transition

Pierre BILLARD, Urgences et médecine du sport, Fédération française de gymnastique, Paris ; Grand hôpital de l'Est francilien, Meaux ; DRAJES Île-de-France, Paris ; Maison sport santé, Meaux

Les bénéfices de l’activité physique sont largement démontrés à tous les âges de la vie. La puberté marque la fin de l’enfance et constitue une période de transition vers la physiologie et la psychologie de l’adulte. Au cours de cette période, des vulnérabilités physiques et psychologiques peuvent être révélées par certaines pratiques sportives, même si les bénéfices d’une activité physique sont toujours supérieurs aux risques.

La première phase de la puberté, marquée notamment par une accélération de la croissance et des changements hormonaux modifiant le corps et l’esprit (composition corporelle, facultés cognitivo-comportementales et capacités physiques), impacte le niveau d’activité physique. Une bonne connaissance des particularités de cette période permettra aux pédiatres de mieux conseiller pour ajuster et adapter, plutôt que de contre-indiquer, dans la plupart des situations.   La puberté : un orage hormonal responsable de modifications rapides   • Sur le corps et les aptitudes L’accélération de la croissance staturale et une diminution de la souplesse augmentent les contraintes sur les noyaux épiphysaires. Il existe une modification de la composition corporelle au profit d’une prise de masse musculaire chez le garçon (effet de la testostérone) et d’une augmentation de masse grasse chez les filles (effet des estrogènes). La force et l’endurance sont augmentées du fait du développement de la masse musculaire, qui dépend elle-même du niveau d’activité physique. La coordination et la proprioception sont transitoirement altérées par les changements rapides de proportion des segments corporels. • Sur le comportement et développement neuropsychologique Cette période est marquée par des changements psychologiques en partie dépendants de l’environnement du jeune, pouvant fonder les bases d’une santé mentale robuste, ou au contraire, faire émerger des vulnérabilités (conduites addictives, TCA, troubles dépressifs) potentiellement accentuées par les troubles du sommeil, également plus fréquents que pendant l’enfance. La pratique sportive pendant la puberté reste cependant un des piliers de la santé physique et mentale.   Bénéfices du sport   • En prévention primaire Pendant la puberté, la pratique sportive permet de tirer profit du climat hormonal propice au développement des deux qualités physiques les plus corrélées avec la santé : l’endurance et la force musculaire. Leur développement à un bon niveau participe à la prévention de la plupart des maladies chroniques, et impactent également positivement la composition corporelle. Le niveau d’activité physique d’un adulte est fortement conditionné par son niveau de pratique régulière dans l’enfance. Le maintien d’une pratique sportive régulière pendant le passage du cap de la puberté permet d’ancrer un peu plus la pratique dans les habitudes de vie, et favorise le prolongement de ses bénéfices tout au long de la vie. À l’inverse, l’inactivité physique et la sédentarité (majorées par l’exposition aux écrans et réseaux sociaux) accentuent les risques sur la santé : faible masse musculaire, surpoids et obésité, font le lit des maladies chroniques. Parce qu’ils comportent des exercices d’assouplissement réguliers et adaptés, les sports limitent l’enraidissement lié à la phase d’accélération de croissance. Ils contribuent à limiter les risques de lombalgies pouvant apparaître sur cette période. Le maintien d’une activité sportive comportant des contraintes mécaniques au travers de la puberté et jusqu’à l’âge de 20 ans, permet d’augmenter le stock osseux en prévention de l’ostéoporose. La majorité des pratiques et de leurs environnements sont propices au développement de la confiance en soi, de la stratégie, de la persévérance et d’autres qualités psychologiques utiles à la construction d’une santé mentale robuste. • En thérapeutique non médicamenteuse Dans la quasi-totalité des maladies chroniques préexistantes ou pouvant apparaître sur cette période, l’activité physique régulière est efficace et intégrée aux recommandations de bonnes pratiques. Toutefois, malgré ces bénéfices, la période de la puberté est caractérisée par une baisse de la pratique régulière d’activité sportive, plus marquée chez les filles, positionnant la France au 119e rang/146 pays pour le niveau d’activité physique des adolescents. En 25 ans, les enfants ont perdu 40 % de leurs capacités cardiovasculaires.   Le sport comme révélateur des vulnérabilités   La symptomatologie de l’appareil ostéoarticulaire, en lien avec la croissance rapide est un motif fréquent de consultation : – les ostéochondroses extraarticulaires, plus fréquentes chez les garçons (ex. : maladie d’Osgood-Schlatter), sont favorisées par un déséquilibre entre les contraintes mécaniques sur les noyaux épiphysaires (augmentées par les tensions musculaires liées à la croissance osseuse et à l’augmentation de la force musculaire) et leur seuil limité de tolérance à la traction, jusqu’en fin de fusion du cartilage de croissance concerné ; – les syndromes fémoraux patellaires, plus fréquents chez les filles, sont favorisés par certains morphotypes (hyper-rotations interne de hanche, genu valgus, dysplasies, etc.), par une force et un contrôle proprioceptif insuffisant, ou par la prise de poids ; – les troubles de la statique rachidienne peuvent se majorer indépendamment de la pratique sportive. Le risque cardiaque ne concerne que les rares maladies cardiovasculaires congénitales non symptomatiques ou non dépistées auparavant. IL n’a pas été évalué comme étant plus élevé au cours de cet orage hormonal, mais le risque d’accident cardiovasculaire est reconnu comme progressivement croissant, avec la maturation cardiaque et l’intensité cardiovasculaire des efforts pour les jeunes vivant avec des cardiopathies. Des aménorrhées primaires ou retards de croissance peuvent être révélateurs d’un syndrome de déficit energétique relatif (RED syndrome). Ce syndrome, qui ne concerne que la pratique sportive intensive, est la conséquence d’un déséquilibre entre la dépense énergétique totale (augmentée par la pratique sportive) et les apports diminués. Il doit être évoqué devant des blessures à répétition, notamment des fractures de fatigue ou autres lésions microtraumatiques, une aménorrhée primaire, une faible masse grasse et un retard de croissance dans un contexte de haut volume d’entraînement. Les troubles du comportement alimentaire (TCA) et troubles anorexiques sont plus souvent révélés au cours de cette période, induisant une appétence pour certaines pratiques (sport à silhouette ou contrôle du poids). Leur fréquence dans le sport de haut niveau est plus élevée qu’en population générale (10 % versus 1 %). À l’image des TCA, les conduites addictives et comportements à risque, non spécifiques à la pratique du sport, peuvent être révélés ou entretenus par des pratiques non ou mal encadrées dans certains environnements.   Un accompagnement médical tourné vers l’aménagement plutôt que l’arrêt sportif   Dans la plupart des situations, la découverte d’un signe de mauvaise tolérance de la pratique sportive doit amener le praticien à susciter une adaptation de la pratique, pour éviter de l’interrompre totalement, tout en respectant les processus de guérison. En effet, un arrêt sportif prolongé en période pubertaire expose au risque d’interruption définitive (favorisée par les modifications corporelles, la baisse de condition physique, les habitudes, etc.) dont les effets délétères sur la santé sont bien établis. La prise en charge de la maladie d’Osgood-Schlatter illustre cette démarche. La majorité des formes non compliquées requièrent un aménagement (limitation des courses rapides, sauts, réceptions) à visée antalgique, associé à une correction des facteurs aggravants (rééducation, contrôle du surpoids, supplémentation en vitamine D, etc.). Les exceptionnelles formes compliquées (début d’arrachement, hyperalgie) pouvant justifier d’un arrêt total et d’une immobilisation transitoire, doivent préférablement être suivies en milieu spécialisé. En cas de syndrome fémoropatellaire, le principe est similaire : pendant la phase de rééducation et/ou de correction posturale, la poursuite d’une activité adaptée (infradouloureuse) est recherchée, car complémentaire avec des objectifs rééducatifs (renforcement musculaire). La plupart des scolioses ou attitudes scoliotiques ne nécessitent pas de limitation de pratique sportive, y compris des activités asymétriques (tennis, escrime, etc.). Seules les formes symptomatiques, extrêmes ou évolutives, ou encore la pratique compétitive intensive, nécessiteront un avis spécialisé. La réalisation d’un électrocardiogramme de repos, à partir de 12 ans, doit facilement trouver sa place dans l’examen systématique de l’adolescent, s’il n’a pas déjà été réalisé. Les TCA, RED syndromes, conduites addictives et pratiques à ris que (ex. : sports extrêmes, sports mécaniques) peuvent par contre nécessiter un changement d’activité sportive ou d’environnement de pratique, et méritent souvent une prise en charge multidisciplinaire compte tenu de la potentielle gravité de leur évolution (ostéoporose, accidents, suicides, etc.). Les violences sexuelles, non exceptionnelles dans le milieu du sport, y compris pendant cette phase de vulnérabilité psychologique et début de maturation sexuelle, restent sous-diagnostiquées et doivent être recherchées et signalées. Les maladies chroniques peuvent apparaître comme un frein à la pratique sportive par une surreprésentation des risques, une méconnaissance des bénéfices ou un manque de temps du médecin pour les réajustements réguliers nécessaires dans l’accompagnement médical de la pratique. Le pédiatre peut s’appuyer sur les réseaux de santé, tels que les maisons sport santé ou autres structures d’accompagnement pour lever ces obstacles.   Conclusion   Le maintien d’une activité sportive régulière associé à la lutte contre la sédentarité pendant la phase de puberté constitue un enjeu de santé publique. Cette préoccupation doit être partagée par l’ensemble des professionnels de santé durant cette période de modifications physiques et cognitives brutales. Une bonne connaissance de ces phénomènes et de leur lien avec l’activité physique permet au praticien de mieux identifier les signes de mauvaise tolérance d’une pratique sportive et de les prendre en charge en privilégiant l’adaptation de la pratique plutôt que son interruption complète. Dans une minorité de cas, un changement d’activité ou d’environnement sportif associé à une prise en charge multidisciplinaire est nécessaire (anorexie, RED syndrome, conduites addictives, etc.). Dans tous les cas, l’activité sportive doit rimer avec plaisir du jeune, pour être durable. Pour en savoir plus : • Haute Autorité de santé (HAS). Guide des connaissances sur l’activité physique et la sédentarité. 2022. Disponible sur : https:// www.has-sante.fr/ upload/ docs/ application/pdf/2022-08/ guide_connaissance_ap_sedentarite_vf.pdf • Agence nationale de sécurité sani taire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Rapport d’expertise collective : actualisation des repères du PNNS – Révision des repères relatifs à l’activité physique et à la sé dentarité. 2016. Disponible sur : https:// www.anses.fr/fr/system/files/NUT2012S A0155Ra.pdf • Académie de médecine. Conséquences de la pratique sportive de haut niveau chez les adolescentes : l’exemple des sports d’apparence. Disponible sur : https://www.academie-medecine.fr/ wp-content/uploads/ 2018/12/Consequences-de-la-pratique-sportive-dehaut-niveau-chez-les-adolescentesVersion-07-11-2018-1.pdf • Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité (ONAPS). Facteurs d’influence de l’activité physique et sportive et de la sédentarité chez les jeunes (10-19 ans). Disponible sur : https://onaps.fr/wp-content/ uploads/2024/08/2024-07-25-Rapportfinal.pdf

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