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Adolescence

Publié le 30 déc 2024Lecture 8 min

Violence et sport chez l’enfant et l’adolescent - Un détour par la protection de l’enfance

Simon LATOURNERIE, Directeur général adjoint de l’association Colosse aux pieds d’argile.

La violence dans le sport, en particulier chez les enfants et les adolescents, est un phénomène préoccupant qui soulève de nombreuses questions. Le sport est souvent perçu comme un vecteur de valeurs positives, telles que le fair-play, le dépassement de soi et le respect. Il constitue un espace de pratique ludique et social nécessaire à leur bon développement. Pourtant, il apparaît désormais régulièrement comme le théâtre d’actes de violence, qu’ils soient physiques ou psychologiques. Les statistiques entretenues ces dernières années par les autorités du sport français sont vertigineuses(1). Elles soulignent la gravité des infractions, mais aussi la généralisation des actes violents et leur prépondérance à l’endroit des mineurs.

Au vu de ces données, faut-il diaboliser le sport ? Ou, au contraire, faut-il redoubler d’effort pour faire du sport le premier véhicule social capable de dispenser auprès de toutes et tous des actions de prévention contre les violences ? Le sport demeure d’abord une activité nécessaire au développement et à l’épanouissement des mineurs. En effet, il n’est plus à démontrer que les activités physiques et sportives favorisent le bon développement de l’enfant dans l’acquisition de compétences holistiques, tout à la fois physiques, physiologiques, cognitives ou encore psychosociales. Très largement, les parents reconnaissent au sport diverses vertus pour le développement physique et mental de leur enfant : assurer la croissance saine et équilibrée du corps, stimuler la motricité, canaliser les émotions, renforcer l’obéissance face à l’autorité représentée par l’éducateur, la règle et parfois l’arbitre, donner le goût de la réussite, renforcer l’estime et la confiance en soi, faciliter l’inclusion auprès de pairs. Les parents s’attachent donc à initier à la « chose sportive » leurs enfants dès le plus jeune âge. Ainsi, nous voyons éclore de plus en plus de structures et sections sportives à destination des « baby » ou des sections inclusives « adaptées » proposant des activités pour le plus grand nombre. C’est une face du vivre ensemble.   Un environnement propice aux violences   Le sport peut se révéler comme un environnement propice à des faits de violence à l’encontre des enfants et adolescents. Depuis le mouvement de libération de la parole sur les violences dans le sport en 2020, le ministère chargé des Sports a engagé une stratégie nationale de prévention contre les violences, avec notamment la création de la cellule de signalement Signal-sports(2) qui a recueilli plus de 2 800 signalements depuis sa mise en place. Il ne se passe pas un jour sans que des révélations soient faites sur ce sujet. Parmi les chiffres clés pour comprendre l'ampleur et la gravité du phénomène, on relèvera la prééminence des violences à caractère sexuel à l’encontre des mineurs. C’est l’autre face du vivre ensemble… Les enfants et adolescents sont les plus vulnérables et les premières victimes. Les constats font apparaître que certains facteurs du sport sont propices aux relations déviantes émanant des adultes, en particulier le lien d’autorité sur le sportif que confère la fonction d’éducateur ou de dirigeant, le conditionnement de l’athlète pour lui faire supporter des charges physiques et psychologiques, ou encore la relation d’attachement, l’idéalisation de l’entraîneur et le rapport au corps rejetant comme incompatible la notion même d’intimité.   La question du bizutage   Le bizutage, un phénomène spécifique dans le sport et entre mineurs. Derrière le « bizutage rigolo » ou l’épreuve d’intégration, se cachent nombre d’actes qui occasionnent des traumatismes et conséquences sur l’intégrité physique, psychique et morale des pratiquants. La sacralisation des vestiaires et la banalisation des jeux dits « drôles » parce que sexuels qui peuvent s’y dérouler, lors des entraînements ou bien lors des déplacements, sont autant de secrets transmis et entretenus par les représentations persistantes du devoir de gagner par la force physique, le mental de fer et la solidarité inconditionnelle. Ces représentations sont imprimées dans la mémoire et le corps des générations antérieures, elles permettent une forme de banalisation, d’acceptation, voire d’autorisation à participer à des actes et comportements violents pendant et en marge du sport (alimentation stricte, conditionnement physique, relations « amoureuses », etc.). Ces conditions favorisent à la fois l’impunité des auteurs de violence, leur passage à l’acte et leur récidive, tout en renforçant le verrouillage de la parole des victimes et des témoins. Actions de prévention   Des experts pluridisciplinaires se mobilisent pour venir au secours des autorités et acteurs du sport. Les professionnels de la prévention des violences dans le sport, qui forment et outillent les salariés et bénévoles de structures sportives, identifient et maîtrisent de mieux en mieux les notions d’emprise et de contrôle coercitif(3). Mais, incontestablement ces notions et les « bonnes pratiques » adaptées aux mineurs, quels que soient leur âge et leurs projets sportifs, ne sont pas suffisamment acquises par les différents acteurs des structures sportives. La formation est insuffisante pour la plupart des éducateurs et dirigeants qui exercent auprès de mineurs. Les familles ne sont pas mieux renseignées, même si elles veillent sur ces apprentis citoyens, etc. Pourtant c’est bien sur le développement psycho-affectif de l’enfant, par catégories d’âge, que nous devrions tous concentrer notre vigilance. Le pratiquant mineur emmène dans son sac de sport tous les éléments constitutifs de son état de jeune enfant ou adolescent vulnérable. Certes, la pression de la compétition, le désir de satisfaire les adultes qu’ils soient entraîneurs ou parents, ou les conséquences d’un parcours traumatique violent chez l’enfant, peuvent engendrer des comportements agressifs ou de vulnérabilité accrue dans la sphère sportive. Tout comme le manque de discernement et la volonté de réussir, voire simplement l’espoir d’intégrer un groupe de camarades, vont l’exposer à des comportements déviants ou le conduire à devenir auteur de violences. Des actions de prévention s’organisent tout au long du parcours sportif des enfants et adolescents. Elles doivent être initiées au-delà de celles qui font la promotion de valeurs éducatives et des idéaux de notre société. Les clubs, et plus largement le mouvement sportif dans son ensemble, jusqu’aux fédérations, tout comme les institutions, ont un rôle clé à jouer dans la création d’environnements sains et sécurisés où le respect des règles, la tolérance mutuelle et le « faire société » sont au cœur de la pratique sportive. Il faut prévenir pour mieux connaître, en parler et savoir agir. Lutter contre les violences dans les sports c’est informer, écouter, aider. Les violences dans le sport chez les mineurs ne doivent pas être une fatalité. Protéger un mineur est un acte citoyen. À cette fin, les associations spécialisées défendent les droits de l’enfance depuis des années, comme l’association précurseur Colosse aux pieds d’argile qui, depuis 2013, œuvre contre les violences dans le sport. Aujourd’hui, de nombreuses initiatives se multiplient sous l’impulsion du ministère des Sports. Voici quelques actions menées par Colosse aux pieds d’argile : • des informations sur les victimes et les actes de violence : https://colosse.fr/victimes/ou les « red flags » sur les changements de comportements ; • le guide de l’encadrant est téléchargeable sur le site.   Et si nous pensions l’avenir… en actes !   Pour lutter contre la violence dans le sport commises sur les enfants et les adolescents, plusieurs mesures fortes pourraient être déployées massivement avec, en premier lieu, le concours du gouvernement et des collectivités locales : 1. Éducation aux valeurs du sport : sensibiliser les jeunes aux principes de fair-play, de respect et de coopération, par le biais d’ateliers de prévention ou des animations sur les valeurs du sport et contre les violences ; 2. Formation des encadrants : former les éducateurs à détecter les signaux d’alerte et à agir de manière appropriée, en favorisant le recours à des partenaires spécialisés (notamment s’agissant de publics en situation de handicap, le Règlo’Sport) ; 3. Implication des parents : associer les parents pour qu’ils encouragent des comportements positifs, qu’ils comprennent l’importance de donner l’exemple en matière de respect et de maîtrise de soi, et qu’ils veillent au bon environnement de pratique de leur enfant ; 4. Mise en place de règles strictes : établir des bonnes pratiques claires contre la violence et les mauvaises interprétations, avec des sanctions et mesures socio-éducatives appropriées (#tolerancezero) lorsque les auteurs sont mineurs ; 5. Promotion du dialogue : favoriser dans l’environnement de pratique et au domicile des espaces où les jeunes peuvent s’exprimer librement sur leurs émotions, leur vécu et leurs craintes ; 6. Traiter toutes les situations : enquêter de façon systématique et inconditionnelle en cas de révélation et de doutes, puis condamner administrativement et pénalement les auteurs de faits – fin de l’omerta – ce que fait activement le ministère des Sports mais pas suffisamment l’Éducation nationale, la culture, la religion, etc. 7. Éviter la récidive : renforcer l’interdiction d’exercer auprès des mineurs pour les auteurs et mis en cause ; contrôler annuellement l’honorabilité des encadrants professionnels, bénévoles et dirigeants (B2 et FIJAIS). En combinant et complétant ces approches plurielles, et en favorisant les démarches volontaristes et collectives, il est possible de créer un environnement sportif plus sain et sécurisé pour les enfants et adolescents. On ne retiendra alors que le rôle salvateur du sport pour libérer la parole des victimes et participer à la résilience, pour mieux vivre tous ensemble. Les "red flags" de l'association Colosse aux pieds d'argile ; nous dirions "signes d'alerte" qui doivent faire évoquer l'éventualité de violences subies. Notes. 1. Cf. Dossier de presse de la 5e Convention nationale de prévention des violences dans le sport : depuis la création de la cellule signal-sports, 1 680 personnes ont été mises en cause pour des violences, plus de 70 % des victimes étaient mineures au moment des faits. 2. Cellule de signalement du ministère des sports. Disponible sur : https://www. sports. gouv.fr/cellule-signal-sports-63. 3. « Le contrôle coercitif englobe les actes de coercition et de contrôle par l’entremise du recours à la force et/ou de la privation afin que la victime obéisse à son agresseur, éliminant ultimement son sentiment de liberté dans la relation », d’après Evan Stark dans “Une représentation des femmes battues : contrôle coercitif et défense de la liberté », Violence envers les femmes – Réalités complexes et nouveaux enjeux dans un monde en transformation, sous la direction de Maryse Rinfret-Raynor et coll., Presses de l’Université du Québec, 2014.

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