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Allergologie - Immunologie

Publié le 29 jan 2025Lecture 16 min

Dépistage biologique d’une allergie alimentaire : attention aux évictions inutiles !

Caroline KLINGEBIEL*, Céline PALUSSIÈRE**, Édouard SÈVE***, *Synlab Provence, Marseille, **Cabinet médical, ***Service de pédiatrie générale, Centre hospitalier sud-77, Fontainebleau

On parle depuis quelques années d’«épidémie silencieuse» de maladies allergiques. En effet, depuis 40 ans, le nombre de patients allergiques ne cesse d’augmenter, avec actuellement environ 25 % des Français touchés par une allergie(1). Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 50 % de la population mondiale sera touchée en 2050. La morbidité liée au terrain atopique (rhinite allergique, asthme, dermatite atopique, allergie alimentaire) augmente à travers le monde. Les données épidémiologiques récentes confirment cette tendance, avec 40 % de la population mondiale atteinte par les pathologies atopiques(2). Les allergies alimentaires constituent en particulier un enjeu majeur de santé publique. Selon les études et les définitions retenues, le taux de prévalence varie en Europe de 1,4 à 3,8 % des enfants atteints(3,4).

Outre leur augmentation de fréquence, ces allergies sont de plus en plus sévères avec des enfants polyallergiques dès le plus jeune âge. La pollution, les changements d’habitude de vie, les procédés agro-alimentaires et le recours aux aliments industriels transformés, l’utilisation plus grande des antibiotiques, sont incriminés chez les patients y compris ceux qui n’ont pas un terrain génétiquement prédisposé(5). En parallèle, le nombre d’allergologues n’a fait que décroître, comme pour d’autres spécialités médicales, faute de renouvellement suffisant et ce malgré la création d’un DES d’allergologie en 2017(6). Cette situation rend plus difficile l’accès aux consultations en allergologie. Ce phénomène est aggravé par une méconnaissance ou une banalisation des symptômes, avec en moyenne 7 ans d’errance diagnostique et thérapeutique entre les premiers signes et la consultation avec un allergologue(7). Ce retard de prise en charge contribue à l’aggravation de la maladie, à l’altération de la qualité de vie des patients et de leur entourage, et à laisser le champ libre aux idées fausses en matière d’allergie alimentaire (AA). La gradation des soins en allergologie a été formalisée dans la note d’information N° DGOS/ R4/2022/265 du 16 décembre 2022 relative à la structuration de la prise en charge en allergologie sur les territoires(8). Le niveau 1 concerne les soins médicaux de proximité dispensés par les médecins généralistes et les autres spécialistes médicaux disposant de connaissances et de compétences générales mais non spécifiquement formés à l’allergologie. En cas de suspicion d’AA, ceux-ci se trouvent face à un double défi : ne pas ignorer le risque de gravité d’une AA, mais aussi ne pas demander d’éviction alimentaire inutile.   Quand suspecter une allergie alimentaire ?   Nous ne parlerons ici que des allergies immédiates médiées par les immunoglobulines E (IgE) et non des autres formes d’allergies, notamment retardées, dont la prévalence est plus faible et la prise en charge ne relève pas d’une exploration biologique de routine. Les allergies alimentaires (AA) sont des réactions d’hypersensibilités, avec des mécanismes physiopathologiques distincts selon la classification de Johansson de 2001 et plus récemment celle proposée par l’Académie européenne d’allergie et d’immunologie clinique (EAACI) en 2023(9,10). La classification physiopathologique de Johansson est actuellement retenue en pratique courante pour la démarche diagnostique (figures 1 et 2). « Nous proposons d’appeler hypersensibilité alimentaire une réaction indésirable de l’organisme vis-à-vis d’un aliment (figure 1). Lorsque les mécanismes immunologiques ont été démontrés, le terme approprié est celui d’allergie alimentaire et, si le rôle des IgE est mis en évidence, on parle d’allergie alimentaire IgEmédiée. Toutes les autres réactions, auparavant parfois appelées « intolérance alimentaire », doivent être qualifiées d’hypersensibilité alimentaire non allergique. Les réactions allergiques sévères et généralisées aux aliments peuvent être classées comme anaphylaxie. » Figure 1. Classification des hypersensibilités aux aliments (adaptée de Johansson. Allergy 2001). Figure 2. Démarche diagnostique devant des manifestations d’hypersensibilité après ingestion d’aliments.   La sévérité des allergies IgEmédiées est variable. Les réactions peuvent être bénignes, avec une simple atteinte cutanée à type d’urticaire, ou sévères sous forme de réaction généralisée avec risque de choc anaphylactique. Des critères diagnostiques d’anaphylaxie(11) sont proposés par l’EAACI, qui prennent en compte la connaissance du statut allergique du patient et/ou son exposition éventuelle à l’allergène. L’anaphylaxie est hautement probable si un des 3 critères suivants est rempli : – apparition aiguë des symptômes suivants (de quelques minutes à plusieurs heures) : atteinte de la peau, des muqueuses ou des deux (urticaire généralisée, prurit ou bouffées vasomotrices, gonflement des lèvres, de la langue et de la luette) ; – et au moins l’un des éléments suivants : • atteinte respiratoire : dyspnée, respiration sifflante, bronchospasme, stridor, réduction du débit expiratoire de pointe (DEP), hypoxémie, • diminution de la tension artérielle ou hypotonie (collapsus), syncope, incontinence. Deux ou plusieurs des symptômes suivants survenant rapidement après l’exposition à un allergène probable pour ce patient (de quelques minutes à plusieurs heures) : – atteinte de la peau et des muqueuses : urticaire généralisée, démangeaison-rougeur, gonflement des lèvres, de la langue et de la luette ; – troubles respiratoires : dyspnée, respiration sifflante, bronchospasme, stridor, réduction du DEP, hypoxémie ; – baisse de la tension artérielle (TA) ou symptômes associés : hypotonie (collapsus), syncope, incontinence ; – symptômes gastro-intestinaux persistants : douleur abdominale, crampes abdominales, vomissements. Diminution de la tension artérielle après exposition à un allergène connu pour ce patient (de quelques minutes à plusieurs heures) : – nourrissons et enfants : TA systolique basse (en fonction de l’âge) ou diminution > 30 % ; – adultes : TA systolique < 90 mmHg ou diminution > 30 %. Avant de devenir allergique, le patient a pu consommer le même aliment pendant des années sans réaction. La première phase de sensibilisation, pendant laquelle le système immunitaire synthétise des IgE spécifiques, ne s’accompagne pas de signe clinique. Ce n’est qu’au contact suivant avec l’aliment que les IgE spécifiques vont activer les différents médiateurs de la réaction allergique et la déclencher. Dès lors que le sujet est devenu allergique, les symptômes récidivent à chaque prise, avec une sévérité variable, notamment en fonction de la quantité d’aliment consommée ou bien l’existence concomitante de cofacteurs comme le stress, la fatigue, l’alcool, la prise de certains médicaments (AINS) ou les efforts physiques(12,13). L’histoire naturelle de l’allergie est imprévisible, elle peut guérir avec le temps ou s’aggraver. L’anamnèse doit rechercher la présence d’un terrain atopique familial. Cette prédisposition génétique favorise la sensibilisation allergique et augmente le risque de développer plusieurs maladies allergiques au cours de la vie. Ensuite, l’interrogatoire s’efforce de vérifier l’imputabilité de l’AA dans les symptômes observés. Cliniquement, les symptômes décrits par le patient et surtout la chronologie d’apparition de la réaction après le contact alimentaire (classiquement dans les 2 heures) orientent le médecin vers une allergie de type immédiate. À ce jour, la réalisation d’un bilan biologique est indiquée dans les tableaux cliniques précédemment cités. Elle n’a pas d’intérêt dans les allergies retardées ou les intolérances alimentaires (figure 1).   Diagnostic de certitude   Le diagnostic d’allergie immédiate IgE-médiée peut être posé lorsqu’il y a concordance entre des tests (cutanés ou biologiques) positifs et une histoire clinique convaincante : – la réaction clinique doit avoir eu lieu dans les 2 heures suivant l’ingestion de l’aliment, qui n’a pas été reconsommé par la suite ; – les tests allergologiques recherchent la présence d’IgE spécifiques vis-à-vis d’un allergène, c’est ce qu’on appelle une sensibilisation. Elle peut être mise en évidence in vitro par dosage biologique ou in vivo par tests cutanés réalisés avec des extraits commerciaux (prick-tests) ou des échantillons des aliments suspectés (prick to prick-tests). Selon les recommandations de la Société française d’allergologie (SFA) publiées en 2021(14,15), le dosage des IgE spécifiques est indiqué en cas de discordance entre le tableau clinique et les tests cutanés ou lorsque ceux-ci sont impossibles à réaliser du fait d’un dermographisme, d’un eczéma diffus, de la prise d’antihistaminiques ou parce que le médecin ne les pratique pas. La méthode de référence diagnostique est le test de provocation par voie orale. Il consiste à faire ingérer au patient des doses croissantes de l’aliment incriminé, sous surveillance médicale et en milieu hospitalier. En raison du risque de réaction clinique à l’ingestion, les indications sont spécifiques : confirmation de la présence d’une allergie avec détermination de la dose réactogène, vérification de la guérison d’une allergie ou de la tolérance ou acquisition de tolérance à un aliment.   Tests biologiques utilisés dans le diagnostic d’allergie alimentaire   En attendant la consultation chez un allergologue et afin de ne pas retarder la prise en charge des patients chez qui le praticien évoque une allergie alimentaire, différents tests biologiques pour la mise en évidence d’IgE spécifiques sont disponibles. Cette mise en évidence n’est pas toujours accompagnée de symptôme clinique : il s’agit alors de sensibilisation et non d’allergie. L’interrogatoire et le lien avec la clinique sont indispensables dans l’interprétation des résultats. À noter que le dosage des IgE totales n’a pas d’intérêt dans le dépistage d’une AA, pas plus que la recherche d’une éosinophilie.   Recherche d’IgE spécifiques vis-à-vis d’allergènes unitaires En cas d’histoire clinique évidente permettant de suspecter un aliment en particulier, une recherche ciblée d’IgE spécifiques vis-à-vis de l’aliment suspecté peut être demandée d’emblée. La spécificité de ces tests est bonne (70-100 %), avec une sensibilité variable (40-70 %) selon l’aliment(15). Les résultats sont quantitatifs, en kUA/L habituellement (ou kU/L) avec un seuil de détectabilité à 0,1 kUA/L. En cas de résultat positif, dans le cadre d’une histoire clinique évocatrice d’allergie de type immédiat avec cet aliment, la mise en sécurité du patient est primordiale : – éviction de l’aliment incriminé jusqu’à la consultation avec l’allergologue ; – prescription d’une trousse d’urgence adaptée à la sévérité de la réaction. Un stylo auto-injecteur d’adrénaline doit être prescrit en cas de risque d’anaphylaxie ou d’angiœdème laryngé, son utilisation doit être enseignée au patient avec un plan d’action personnalisé ; – rédaction d’un projet d’accueil individualisé (PAI) pour les enfants. Le médecin peut se procurer un modèle de PAI et une fiche pratique de conduite à tenir en cas d’allergie sur le site du ministère de l’Éducation nationale (Eduscol)(16). En l’absence d’un ou plusieurs aliments suspectés malgré un interrogatoire bien conduit (histoire clinique peu évocatrice, prise alimentaire multiple/complexe), il est possible de réaliser un test biologique de dépistage d’atopie (test multiallergénique respiratoire ou alimentaire ou mixte). En cas de positivité, ce test est en faveur d’un terrain atopique du patient, c’est-à-dire une prédisposition à synthétiser des IgE spécifiques et l’origine allergique IgE-médiée est probablement en cause, nécessitant des explorations complé mentaires et l’adressage à l’allergologue. En cas de test négatif, il convient de rechercher d’autres étiologies à l’origine des manifestations d’hypersensibilité alimentaire (figure 3). Figure 3. Aide décisionnelle devant une suspicion d’allergie alimentaire. Fiche pratique élaborée par le GTBA, disponible en ligne sur le site de la SFA.   Test de dépistage utilisant des allergènes multiples mélangés Il s’agit d’un test unique vis-à-vis d’allergènes multiples mélangés : – dans un même réactif (AlaTOP® ou SX01 : mélange d’allergènes respiratoires liquides associés à un ligand ou mélanges prédéfinis alimentaires) ; – ou sur un même support (Phadiatop® : mélange respiratoire prédéfini ; Trophatop® : 3 mélanges de 4-6 aliments chacun). Ces tests contiennent des allergènes respiratoires (pneumallergènes) ou alimentaires (trophallergènes) courants permettant de détecter le terrain atopique d’un grand nombre de patients. Ce sont des tests qualitatifs, avec un rendu positif ou négatif. En cas de positivité, on parlera de sensibilisation à un ou plusieurs allergènes du mélange. Si le test est négatif, le patient n’est sensibilisé à aucun des allergènes du mélange.   Test de dépistage utilisant des allergènes multiples séparés Il s’agit d’un test unique vis-à-vis d’allergènes multiples séparés dans un même réactif ou sur un même support (CLA®) : pneumallergènes, trophallergènes, mixte.   Ces tests, semiquantitatifs, permettent ainsi de distinguer les différentes sources allergéniques auxquelles le patient est sensibilisé. Le danger d’un rendu de tels résultats est de faire suspecter des allergies alimentaires multiples alors qu’il peut s’agir en fait de sensibilisations sans pertinence clinique. De plus, ces tests manquent de sensibilité et de spécificité, les recommandations françaises du groupe de travail biologie de l’allergie (GTBA) de la SFA, publiées en 2021, leur attribuent un avis défavorable. Ils ne doivent plus être demandés.   Nomenclature La nomenclature des actes de biologie médicale (NABM) accepte, depuis 2024, le remboursement par l’Assurance maladie de trois tests de mélanges alimentaires ou jusqu’à cinq IgE spécifiques unitaires de trophallergènes sur la même prescription(17).   Interprétation des examens biologiques L’interprétation des tests allergologiques biologiques nécessite de tenir compte de l’histoire clinique du patient. De nombreux patients présentent en effet des sensibilisations (détection d’IgE spécifiques) non pertinentes cliniquement (absence de réaction clinique au contact de l’aliment suspect), notamment en cas de terrain atopique. Dans ces cas, les évictions alimentaires ne sont pas nécessaires. Il existe également des biais en cas d’allergie croisée. Certains allergènes alimentaires peuvent en effet posséder des protéines homologues à des allergènes respiratoires, et donc positiver le résultat d’IgE spécifiques. Or, la pertinence clinique peut être faible, voire nulle, sans symptomatologie clinique à l’ingestion. Par exemple, en cas d’allergie aux pollens de bétulacées (bouleau, noisetier, etc.) via la famille de protéines PR-10 (Bet v 1 pour le bouleau), les mélanges d’aliments contenant des protéines PR-10 peuvent également être positifs (notamment le céleri, la noisette, le kiwi). De la même façon, une allergie aux acariens peut positiver la recherche d’IgE vis-à-vis de la crevette (unitaire ou dans un mélange) via les tropomyosines. Les réactions cliniques à l’ingestion de ces aliments sont variables d’un patient à l’autre. Les conseils d’éviction doivent être adaptés précisément à chaque cas. Si l’aliment est consommé et toléré, l’éviction alimentaire n’est pas justifiée. Les tests de dépistage avec allergènes multiples mélangés rendent un résultat global, qui peut être difficile à interpréter pour le patient. Au sein du groupe d’allergènes testés, les IgE du patient reconnaissent un ou plusieurs aliments, sans qu’il soit possible de définir lequel (ou lesquels). Ces résultats globaux peuvent être source de confusion et d’angoisse pour les patients en attendant l’interprétation d’un médecin spécialiste. Par exemple, un mélange Fx5 (arachide, blé, blanc d’œuf, protéines du lait de vache, poisson et soja) positif signifie que le patient est sensibilisé à un ou plusieurs des allergènes de ce mélange. Il peut y avoir : – une vraie et unique allergie ; – une allergie et une sensibilisation à un autre allergène ; – ou même une polysensibilisation à plusieurs aliments sans allergie réelle. Ce sont l’histoire clinique et l’ensemble du bilan allergologique qui permettront de poser le diagnostic. Un régime d’éviction recommandé à tort suite à un résultat biologique positif peut être compliqué à lever ultérieurement, même si le patient consommait auparavant l’aliment sans réaction. En effet, si le patient a arrêté la consommation par crainte, il faudra du temps et un discours argumenté pour le rassurer. En outre, un régime d’éviction inutile prolongé peut lui faire perdre la tolérance et déclencher une réelle allergie lors de la reprise de l’aliment. Enfin, il ne faut pas négliger le retentissement social et économique d’un régime d’éviction. Les plats préparés « sans allergène » sont souvent plus chers que leurs équivalents usuels, préparés sans précaution particulière. Chez un enfant, un régime d’éviction implique la mise en place d’un PAI en milieu scolaire et périscolaire, avec parfois des excès comme une mise à l’écart, voire un harcèlement de l’enfant par ses camarades et des comportements de discrimination de la part du personnel de restauration collective insuffisamment formé aux problématiques d’allergie(18).   Conduite à tenir devant une suspicion d’allergie alimentaire : propositions du GTBA de la SFA   Le groupe de travail biologie de l’allergie (GTBA) de la SFA a adressé des propositions de prise en charge aux médecins de première ligne pour les patients suspectés d’AA, alors que les tests cutanés ne sont pas réalisables en première intention. Dans tous les cas, la réalisation d’un bilan biologique de première intention ne doit pas empêcher d’orienter le patient vers un allergologue, si nécessaire. • En cas d’orientation clinique : symptômes cliniques apparaissant dans les minutes à quelques heures suivant l’ingestion de l’aliment suspecté Il convient d’effectuer une recherche ciblée d’IgE spécifiques vis-à-vis de ou des aliments suspectés. La présence d’IgE spécifiques vis-à-vis de l’aliment suspect confirme la sensibilisation du patient et permet de porter le diagnostic d’AA si cette sensibilisation est associée à l’histoire clinique convaincante. Après un interrogatoire minutieux et en l’absence de détermination de l’aliment en cause, un test de dépistage biologique peut être réalisé afin d’orienter le praticien vers une hypersensibilité IgE-médiée. En cas de résultat positif, le mécanisme IgE-médié est probablement en cause et il convient de poursuivre les investigations afin de déterminer l’aliment en cause. En cas de résultat négatif, il faut reprendre l’interrogatoire et chercher une autre cause, allergique ou non, aux symptômes. • En l’absence d’orientation clinique : l’interrogatoire ne permet pas d’identifier un aliment particulièrement suspecté L’enquête clinicobiologique peut être guidée par les données statistiques suivantes. Au niveau mondial, les aliments les plus fréquemment à l’origine d’une anaphylaxie chez l’enfant sont le blanc d’œuf, le lait de vache, le blé et l’arachide(19). Les aliments en cause varient en fonction de l’aire géographique et l’exposition locale. Au niveau européen, l’étude de cohorte Europrevall retrouve le lait de vache et le blanc d’œuf chez l’enfant en âge préscolaire, puis l’arachide et la noisette chez l’enfant à l’âge scolaire(2). En France, les données épidémiologiques de la cohorte Elfe trouvent plus fréquemment le lait de vache et l’œuf de la naissance à 3 ans, et l’arachide, la noisette et le kiwi de 3 ans à 5,5 ans(20). Une enquête épidémiologique auprès des pédiatres allergologues des Bouches-du-Rhône présentée au Congrès de la World Allergy Organization en 2019 retrouve tout âge confondu par ordre de fréquence décroissant pour le lait de vache, l’arachide, l’œuf, la noix de cajou (souvent associée à la pistache) et la noisette(21). Les données du Réseau allergovigilance, recensant les cas d’anaphylaxies sévères en France incriminent les fruits à coque, l’arachide, les légumineuses (soja, pois) et le lait de vache(22).   Interprétation des résultats biologiques Les évictions alimentaires non justifiées chez un enfant ont un impact négatif majeur, avec un retentissement psycho-social important, un risque de perte de tolérance et de potentielles carences alimentaires. Les tests de dépistage alimentaire doivent donc être interprétés en tenant compte du risque de sensibilisation non pertinente. Les enfants atteints de dermatite atopique synthétisent des IgE vis-à-vis des protéines qu’ils rencontrent par voie cutanée. Il s’agit le plus souvent d’une sensibilisation : ils ne sont pas allergiques à ces protéines mais tolérants. Ainsi : – en présence d’IgE positives mais sans antécédent de réaction clinique (le patient consomme habituellement l’aliment) : il s’agit d’une sensibilisation avec tolérance. Le patient doit continuer à consommer cet aliment ; – en présence d’IgE positives chez un sujet ayant présenté des symptômes compatibles avec une allergie IgE-médiée, dans les 2 heures : il s’agit d’une AA jusqu’à preuve du contraire. Le patient doit effectuer l’éviction de l’aliment en attendant la consultation avec l’allergologue. Le médecin traitant doit prescrire une trousse d’urgence adaptée aux symptômes présentés. Le groupe de travail propose d’ajouter systématiquement aux résultats des tests de dépistage la mention explicative suivante à l’attention du patient. Il n’y a actuellement aucun consensus parmi l’ensemble des laboratoires en France, cette mention devra idéalement être commune aux différents laboratoires : « une recherche positive d’IgE spécifiques d’aliments ne signifie pas toujours une allergie à l’aliment ou à l’ensemble des aliments testés. En présence d’un test positif, il n’est pas recommandé d’arrêter la con sommation d’un aliment bien toléré jusque-là. Tout résultat doit être interprété par un médecin avant décision thérapeutique (dont l’éviction alimentaire) ».   Conclusion   En cas d’histoire clinique compatible avec une AA IgE-médiée, et en attendant la consultation chez un allergologue, les tests biologiques peuvent aider les médecins traitants à prendre en charge leurs patients. Les dosages d’IgE spécifiques doivent être ciblés lorsque cela est possible. Les tests de dépistage multiallergéniques peuvent orienter sur le mécanisme IgE-médié de l’hypersensibilité alimentaire ou non, mais leur interprétation est délicate en raison du risque de sensibilisation non pertinente cliniquement. Les résultats des tests allergologiques biologiques ou cutanés doivent être interprétés en fonction de la clinique. Il faut différencier les aliments tolérés, c’est-à-dire habituellement con sommés par le patient, et ceux suspectés d’entraîner les symptômes d’allergie immédiate. Compte tenu du risque majeur de perte de tolérance et du poids psycho-social des évictions alimentaires inutiles, il est primordial que le praticien sache interpréter les résultats des tests allergologiques afin d’optimiser la prise en charge de son patient. Une mention explicative claire et commune permettrait d’éviter ces évictions alimentaires inutiles et leurs conséquences. Lien d’intérêt. Les auteurs ne déclarent aucun lien d’intérêt en rapport avec cet article. Remerciements : les auteurs remercient les relecteurs du GTBA : P.-A. Apoil, L. Attia, P. Mathieu, D. Caimmi, S. Francois, J. Goret, S. Lefevre, E. Lozes, M. Michel, B. Trouche Estival. Ils remercient également C. Agabriel-Parent et B. Sterling, pédiatres allergo logues. Références sur simple demande à la rédaction : biblio@mail.len-medical.fr

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