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Adolescence

Publié le 31 déc 2024Lecture 7 min

Adolescents : trouver l’équilibre entre l’inactivité et l’activité physique intensive

Kevin HAFFNER(1), Marjorie BERNIER(1), Laurence KERN(2,3), Brest*

L’activité physique (AP) s’étend sur un continuum allant de l’inactivité physique (non-respect des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé [OMS]) à la pratique excessive, caractérisée par une fréquence, une durée ou une intensité de pratique physique qui n’est pas adaptée au profil des personnes, au point d’entraîner des conséquences négatives pour la santé physique, mentale ou sociale. Si l’AP reste insuffisante pour 80 % des adolescents, d’autres s’engagent de manière intensive très tôt dans un seul sport, ce qui peut être source de blessures, de surentraînement ou d’épuisement mental.

La lutte entre sédentarité, activité physique et sport   Présentons les concurrents qui se battent pour diriger notre santé. D’un côté, la sédentarité correspond au temps passé en position assise ou allongée durant la journée, hors sommeil, que ce soit au travail, à l’école, lors des déplacements en transports motorisés, ou durant les loisirs, notamment les écrans, qui implique alors une dépense énergétique proche de celle du repos (OMS, 2024). C’est actuellement la championne de notre société. Pour la destituer, son adversaire direct est l’activité physique (AP), définie comme « tout mouvement corporel produit par la contraction des muscles squelettiques entraînant une dépense énergétique supérieure à celle de repos » (OMS, 2024). Elle est caractérisée par sa durée, son intensité, sa fréquence et ses modalités de pratique, par exemple : à la maison, au travail, seul ou accompagné, pour des objectifs variés (loisir, déplacements, etc.). Le sport est son allié majeur. C’est une forme d’AP, codifiée, généralement orientée vers la compétition, respectant des règles et des valeurs spécifiques partagées par les participants, et se déroulant sous l’égide d’une fédération. Au cours de la journée, ces trois maîtres de la santé se livrent une lutte acharnée. La sédentarité élevée (plus de 6 heures assis par jour) gagne du terrain en aggravant le risque de surpoids et d’obésité chez les enfants, ainsi qu’en altérant la qualité de sommeil et de vie (Anses). Pour contrebalancer ses effets (maladies chroniques, mortalité prématurée), une AP d’intensité modérée ou élevée pendant 60 à 75 minutes par jour est nécessaire, bien que cela ne protège pas complètement des conséquences prolongées de la sédentarité. Pour ce faire, la pratique d’activités aérobies d’intensité soutenue, ainsi que des AP renforçant les systèmes musculaire et osseux, au moins trois fois par semaine, sont nécessaires. Par ailleurs, son alliance avec le sport aide les adolescents à atteindre les recommandations d’AP journalière. Malheureusement, il arrive parfois que le sport prenne l’ascendant et dirige les jeunes vers une AP intensive pouvant causer des dégâts physiques, psychologiques et sociaux.   Quand le sport nuit à l’activité physique harmonieuse   Le sport de haut niveau, une AP intensive Tanné (2023) nous rappelle que « nul ne naît sportif de haut niveau ! Ce statut est le résultat d’un apprentissage lent et long », régulier et souvent empreint de sacrifices, exigeant une AP intensive. Le Comité international olympique (CIO) reconnaît ainsi que malgré les bienfaits connus du sport, il existe également des influences négatives sur la santé, le bien-être et l’intégrité des athlètes. Pour réaliser des performances en sport, les athlètes doivent à la fois protéger et risquer leur santé. Les athlètes élite adolescents doivent en outre faire face à d’importantes transformations physiques, psychologiques et sociales qui peuvent impacter leur état de santé (Thiel et coll., 2011). Dégradation du sommeil C’est ainsi qu’en général, les jeunes athlètes dorment moins que la quantité de sommeil recommandée par 24 heures, leur sommeil étant fortement influencé par la charge d’entraînement, les horaires d’entraînement et les exigences scolaires. Les études démontrent de manière consistante que le manque de sommeil entraîne un manque de bienêtre, une augmentation de la charge d’entraînement perçue, de moins bons résultats en compétition et un risque de blessure accru (Riederer, 2020).   Risque de blessure D’ailleurs, plusieurs études tendent à montrer une prévalence accrue du risque de blessure avec l’augmentation du niveau sportif et du niveau de compétition. Burlot et coll. (2021) démontrent qu’en sport de haut niveau, les douleurs et les blessures deviennent une norme avec laquelle il faut composer : « Ne pas avoir mal et/ou ne pas être blessé devient anormal, et les acteurs, qui les encadrent, participent également à cette construction ». Cependant, alors que ces blessures impactent le niveau de performance et détériore la santé future, elles peuvent créer des troubles émotionnels chez les jeunes athlètes de haut niveau avec des dépressions ou des restrictions alimentaires trop importantes pour éviter de prendre du poids (Putukian, 2016).   Pratique alimentaire à risque Cette importance du poids et de l’image corporelle dans la culture de certains sports amène les jeunes athlètes à mettre en place des comportements dangereux pour leur santé comme la restriction calorique, l’augmentation de l’entraînement, des méthodes purgatives, la prise de protéine à outrance, etc., des stratégies qui peuvent conduire à une addiction au sport ou être sa résultante. Le mauvais état nutritionnel peut prédisposer certains athlètes à un dysfonctionnement immunitaire et à une augmentation des troubles du cycle menstruel en raison d’une insuffisance de disponibilité énergétique (Maitre, 2020). Plusieurs études rapportent ainsi une prévalence plus élevée des troubles des conduites alimentaires (TCA) par rapport à une population non sportive (Smolak et coll., 2000).   Troubles de la santé mentale Ainsi, les recherches portant sur les troubles de la santé mentale chez les jeunes athlètes d’élite (moins nombreuses que pour les adultes) ont recensé les TCA comme principal trouble de la santé mentale, suivi des troubles anxieux et dépressifs (Gwyther et coll., 2024). Il semblerait notamment que le genre, le statut du sportif et les relations sociales soient les principaux facteurs de risque d’une dégradation de la santé mentale. La pression ressentie par l’adolescent de la part des parents, des entraîneurs, des pairs peut donc être à l’origine d’une dépression, d’un surmenage, d’un burn-out, etc. Au total, une AP trop intensive mène parfois les adolescents athlètes à mettre en place certains comportements défavorables pour leur santé. Pour prévenir et prendre en charge ces problématiques, médecins, praticiens, entraîneurs, famille et amis doivent s’unir pour accompagner le développement harmonieux de la pratique sportive.   Unir nos forces pour rallier le sport à la santé et lutter contre la sédentarité Pour aider les jeunes à développer une AP harmonieuse, ou accompagner ceux étant dans une pratique intensive, il est important qu’ils évoluent dans un environnement encadrant leurs comportements. De multiples travaux en psychologie de la santé montrent l’importance de l’intention comme variable centrale du changement (par exemple, la théorie du comportement planifié). Cette théorie postule que pour être effectifs les comportements humains doivent d’abord être raisonnés et planifiés, qu’ils partent d’une intention. Cette intention de s’engager dans un comportement dépend essentiellement de trois facteurs : la perception (positive ou négative) de ce comportement ; la pression sociale perçue ; la facilité ou la difficulté à le réaliser [Ajzen,1991]). Cependant, pour développer cette intention, il est nécessaire que les adolescents puissent, d’une part, accéder à des professionnels du sport et de la santé formés afin d’échanger avec eux sur les comportements à mettre en place et comment. D’autre part, la famille et les proches doivent être capables d’encourager l’adoption de comportements, puis de les soutenir dans le temps, ce qui est souvent la plus grande difficulté (Kwasnicka et coll., 2016). Une vision systémique incluant la formation et l’accompagnement des différentes personnes ressources des jeunes est donc indispensable pour optimiser leur intention de changement.   En conclusion, l’activité physique est un combat sur plusieurs fronts   Encourager des comportements plus actifs chez les jeunes, en augmentant leur AP harmonieuse et en réduisant leur sédentarité, est une priorité de santé publique. Si les parents, l’école et les activités périscolaires jouent un rôle clé, il ne faut pas négliger les risques liés à une AP intensive et inappropriée dans le sport. Des signes comme la fatigue chronique, les troubles du sommeil, les blessures fréquentes, les symptômes de burn - out ou des addictions sont importantes à prendre en considération. Les professionnels de santé et du sport doivent promouvoir des pratiques adaptées, en s’appuyant sur des méthodes de changement de comportement efficaces. La bataille continue et nos armes évoluent !   * 1 Université de Brest, CREAD, EA 3875 2 Laboratoire EA 2931, LINP2-2APS (Laboratoire interdisciplinaire en neurosciences, physiologie et psychologie : apprentissages, activité physique et santé), UPN 3 Laboratoire EA 4430, CLIPSYD (psychologie clinique, psychanalyse et psychologie du développement), UPN Pour en savoir plus : • Ajzen I. The Theory of planned behavior. Organizational Behavior and Human Decision Processes, 1991. • Burlot F, Dalgalarrondo S, Joncheray H, Couckuyt S, Chavignier-Réla S. La blessure dans le sport de haut niveau : des conditions de survenue au dispositif de prise en charge. Doctoral dissertation, Sep Insep 2021. • Gwyther K, Pilkington V, Bailey AP, Mountjoy M, Bergeron MF, Rice SM, Purcell R. Mental health and well-being of elite youth athletes: a scoping review. Br J Sports Med 2024 ; 58(17) : 1011-9. • Kwasnicka D, Dombrowski SU, White M, Sniehotta F. Theoretical explanations for maintenance of behaviour change: a systematic review of behaviour theories. Health Psychol Rev 2016 ; 10(3) : 277-96. • Maître C. Risk of intensive practice in sportswomen. Rev Prat 2020 ; 70(8) : 881-5. • OMS. 2024. https://www.who.int/fr/ news-room/fact-sheets/detail/physicalactivity • Putukian M. The psychological response to injury in student athletes: a narrative review with a focus on mental health. Br J Sports Med 2016 ; 50(3) : 145-8. • Riederer MF. How sleep impacts performance in youth athletes. Curr Sports Med Rep 2020 ; 19(11) : 463-7. • Smolak L, Murnen SK, Ruble AE. Female athletes and eating problems: A meta analysis. Int J Eat Disord 2000 ; 27(4) : 371-80.

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