Publié le 16 déc 2007Lecture 5 min
Une fiévre inexpliquée chez un enfant atopique
N. KRAMKIMEL, E. MAHÉ - Hôpital Ambroise-Paré, Boulogne-Billancourt
Johan, 8 mois, est amené aux urgences pour une éruption cutanée d’apparition brutale. Il a comme antécédent une dermatite atopique.
Observation Johan, 8 mois, est amené aux urgences pour une éruption cutanée d’apparition brutale. Il a comme antécédent une dermatite atopique. À l’examen clinique, il est fébrile (39,7 °C), asthénique, avec une éruption vésiculeuse associée à quelques éléments croûteux punctiformes. Ces lésions sont localisées au visage, au cou et sur la partie haute du tronc (figure). Des adénopathies cervicales bilatérales sont observées. Éruption vésiculeuse, profuse, du cou et du dos. Quel est votre diagnostic ? Diagnostic retenu Le diagnostic évoqué est celui d’herpès cutané étendu ou syndrome de Kaposi-Juliusberg. Ce diagnostic est suspecté devant l’association : – d’une dermatite atopique chez un enfant ; – d’un syndrome infectieux sévère avec fièvre élevée et altération de l’état général ; – d’une éruption vésiculeuse profuse ayant débuté au visage d’apparition brutale ; – de la notion d’un contage récent retrouvé à l’interrogatoire, avec un membre de la famille ayant présenté un « bouton de fièvre » labial. Le diagnostic est confirmé par le cytodiagnostic de Tzanck (mise en évidence d’un effet cytopathogène : cellules géantes, inclusions intranucléaires) et la mise en évidence de l’HSV par culture, dans le liquide d’une vésicule. L’enfant a été traité en hospita-lisation par aciclovir par voie parentérale, et l’évolution a été rapidement favorable avec apyrexie en 36 heures, stabilisation immédiate de l’extension des lésions et cicatrisation complète des lésions en 10 jours. Commentaires • Le syndrome de Kaposi-Juliusberg (ou pustulose varioliforme de Kaposi-Juliusberg) est une infection à Herpes simplex virus (HSV) grave, étendue, souvent liée à une primo-infection à HSV1, mais pouvant aussi se développer lors de récurrences, sur une dermatose préexistante. Il s’agit quasi exclusivement de la dermatite atopique chez l’enfant. Plus rarement, cela peut survenir sur une dermatose dite « acantholytique », le pemphigus vulgaire, la maladie de Hailey-Hailey, la maladie de Darier ou la maladie de Grover. L’infection herpétique peut également compliquer certains actes thérapeutiques avec zones érodées (dermabrasions, lasers, etc.) ou des brûlures. • Dans la dermatite atopique, les immunosuppresseurs locaux, le pimécrolimus (non commercialisé en France) et le tacrolimus, ont récemment été incriminés comme pouvant favoriser l’apparition de syndromes de Kaposi-Juliusberg. Ils sont donc contre-indiqués en cas de poussées herpétiques chez ces enfants. • Cliniquement, le début est brutal avec une altération grave de l’état général, une hyperthermie et des lésions vésiculeuses d’extension rapide à partir de la zone contaminée initialement. Il peut y avoir de rares complications viscérales en l’absence de traitement : méningo-encéphalite, hépatite, etc., avec un risque de déshydratation, de choc ou de surinfection. • Le traitement est une urgence, à prendre en charge en hospitalisation. Il repose sur l’aciclovir à dose anti-herpétique (5 mg/ kg/8 h) par voie parentérale jusqu’au contrôle de la maladie (absence de nouvelle poussée vésiculeuse, d’apyrexie), puis relais par traitement oral pour une durée totale de 7 à 10 jours. Une antibiothérapie antistaphylococcique est à discuter en cas de doute sur une surinfection. Les soins locaux sont non spécifiques et reposent sur la chlorexidine aqueuse, matin et soir. L’évolution est toujours favorable sous traitement. Il peut cependant persister des cicatrices déprimées « varioliformes ». • Le traitement préventif consiste à éduquer les parents qui doivent absolument éviter le contact entre leur enfant atopique et une personne atteinte d’herpès labial. Diagnostics différentiels Devant une éruption vésiculo-bulleuse du visage chez un nourrisson, trois autres diagnostics doivent être discutés : • la primo-infection herpétique le plus souvent à virus HSV type 1. Dans ce cas, l’enfant peut être fébrile, mais les lésions sont moins étendues (ne touchent pas le cou et le tronc) et touchent plus volontiers le versant muqueux de la bouche dans le cas de la gingivo-stomatite herpétique ; • la varicelle, rare avant l’âge de 6 mois (protection par les anticorps maternels), est une éruption vésiculeuse fébrile avec des éléments d’âges différents et une évolution descendante, dans un contexte d’épidémie. Dans de rares cas, elle peut prédominer sur une zone, le visage ou le siège le plus souvent, et faire discuter un syndrome de Kaposi-Juliusberg. Il semblerait que les enfants atteints de dermatite atopique puissent développer des formes particulièrement profuses pouvant prédominer sur les zones atteintes de dermatite atopique telles que le visage ou le siège ; • l’impétigo bulleux se révèle par des lésions bulleuses, de plus grande taille que les lésions à HSV ou VZV, superficielles, sur une base inflammatoire associées à des croûtes mélicériques, prédominant en zones péri-orificielles. Les enfants sont souvent en meilleurs état général et moins fébriles.
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