Publié le 30 déc 2024Lecture 6 min
L’adolescence : une période critique pour un mode de vie actif
Pascale DUCHÉ, Université de Toulon
L’adolescence est une période sensible mais essentielle pour le développement du jeune et la construction de sa santé future. L’équilibre entre activité physique et sédentarité, avec au centre les modes de vie, est très affecté par une forte diminution du niveau d'activité et des comportements à faible dépense énergétique en constante augmentation.
Quelle que soit la définition qu’on lui donne, l’adolescence reste une période charnière et sensible entre 11 et 18 ans, marquée par des besoins et des demandes tiraillant le jeune entre un désir fort d’autonomie, d’indépendance et une dépendance à l’entourage proche (familial, financier, éducatif, amical, etc.). Elle est reconnue comme étant la période pendant laquelle le niveau d’activité physique (AP) baisse de façon drastique (trois adolescents sur 10 seulement atteignent les recommandations de santé publique) alors que le temps dédié à des comportements sédentaires (CS) est très conséquent (+ de 10 heures par jour, dont au moins 4 heures d’écran)(1). Ce mode de vie sédentaire et insuffisant en AP fait le lit du développement des maladies chroniques conduisant à une mortalité précoce. En effet, un niveau d’AP recommandé est nécessaire pour conserver, voire renforcer une condition physique et musculaire optimale, marqueur majeur d’un bon développement et d’une bonne santé physique et mentale. Si la littérature scientifique est foisonnante en ce qui concerne les effets négatifs d’une AP insuffisante sur la santé, les effets négatifs des CS selon leur nature (lecture vs temps de télévision), leur durée totale quotidienne et leur rythmicité sont des objets scientifiques plus récents. L’évolution des technologies, en particulier du numérique, a créé un environnement propice à des comportements à faible dépense énergétique et à faible sollicitation cardiorespiratoire et musculaire.
Connaître et communiquer sur les recommandations
Entre 12 et 17 ans, la recommandation consiste à adopter un mode de vie actif intégrant une AP d’intensité modérée à élevée pendant au moins 60 minutes par jour(2). Les CS définis comme des activités dont la dépense énergétique est inférieure à 1,5 METs, (MET, metabolic equivalent for task, permet de quantifier l'activité physique. 1 MET correspond à l'énergie dépensée en étant assis au repos), doivent être réduits tant en durée qu’en fréquence.
Plus spécifiquement, les recommandations concernant l’AP se déclinent sur les fonctions et les systèmes à solliciter et à stimuler pendant l’adolescence, afin d’assurer un développement en bonne santé. Il est conseillé que soient incluses au moins trois séances de 20 minutes par semaine portant sur le travail musculosquelettique.
De plus, il est nécessaire d’intégrer des AP variées (collectives ou individuelles ; de loisir ou de compétition, en intérieur ou en extérieur, etc.) sollicitant le système cardiovasculaire (intensité au moins modérée), le système musculaire (souplesse, renforcement musculaire), le système osseux (activités à impacts, sauts, activités de force) et les aptitudes sociales et cognitives. La connaissance du repère en AP par les adolescents français a été évaluée auprès des 11-17 ans par Santé publique France(2) : seuls 31 % des adolescents en avaient connaissance.
La recommandation concernant les CS consiste à ne pas rester plus de 2 heures consécutives en position assise ou semi-allongée en réalisant 5 à 10 min d’AP d’intensité au moins modérée, et à réduire le temps d’écran de loisir à 2 heures quotidiennes. La limitation du temps d’écran reste un objectif essentiel de santé publique(3).
Identifier les leviers et les obstacles
Les enquêtes nationales montrent que l’atteinte de ces recommandations par les adolescents restent faible et qu’il est nécessaire de laisser de côté les démarches prescriptives, peu efficaces, pour se tourner vers la prise en compte des déterminants de l’adoption (ou non) d’un mode de vie actif en utilisant une approche holistique. Si plusieurs travaux identifient bien les déterminants de l’AP, il n’en est pas de même pour les CS, objet d’études plus récentes et plus complexes par leur nature et leurs multiples conséquences. Les principaux freins à la pratique physique des adolescents concernent l’adolescent lui-même : son sexe, son âge, ses expériences négatives de l’AP à l’école, ses doutes sur son apparence et ses aptitudes. Ces paramètres sont d’ordre biologique et psychologique(4). D’autres facteurs, tels que son environnement social (le statut socio-économique, le manque d’encouragement de la part de la famille et des amis) et physique (l’absence d’espaces et de terrains d’AP, le manque d’opportunités d’être actif) ont été également reconnus comme ayant des impacts significatifs sur les comportements d’AP des adolescents(5) (figure).
Figure. Freins et leviers pour l’activité physique des adolescents (modifiée et adaptée à partir des travaux de Martins et coll. 2021 et Karchynskaya et coll. 2024(6)). (+) : leviers, (-) : freins.
Comment les convaincre ?
Des pistes à suivre Les environnements peuvent être ciblés avec les différents acteurs concernés(7). Une des clés de la réussite est que les approches et les interventions soient concertées et articulées, afin d’éviter toute action segmentée et isolée qui serait vouée à l’échec : par exemple, ne pas construire des parcs à vélo dans la cour d’école sans voies d’accès sécurisées pour y arriver. On oublie trop souvent que plus l’habitus d’AP est inculqué tôt dans l’enfance, plus la pérennisation d’un mode de vie actif tout au long de la vie est aisée. Tel est l’objectif de la littératie physique en visant l’acquisition de compétences physiques, psychosociales et cognitives, afin d’aider les jeunes à comprendre l’AP et à devenir acteur de leur mode de vie(8).
L’école reste un lieu essentiel pour promouvoir l’AP et limiter les CS. Les cibles concernent autant les comportements des acteurs (enseignants et amis) que l’environnement physique (mobilier de la classe, aménagement extérieur propice aux jeux, infrastructures sportives) et l’environnement scolaire (l’organisation du temps et de l’espace est fondamentale pour atteindre un mode de vie scolaire cohérent avec les recommandations de santé).
À la maison, le comportement des parents reste primordial dans l’encouragement et le partage des activités. L’emploi du temps doit permettre à l’adolescent de se consacrer à chacune des activités qui l’intéresse. Le sommeil est un paramètre important à prendre en compte et à préserver, car une personne qui dort trop peu et mal, ne sera pas enclin à faire de l’AP et sera plus sédentaire ; inversement, un mode de vie sédentaire et peu actif entraînera un sommeil altéré et une fatigue accrue.
En dehors de l’école, l’organisation de l’emploi du temps de l’adolescent doit lui permettre de découvrir et trouver des activités qui lui plaisent, qu’il peut partager avec ses amis. L’aménagement de l’environnement doit favoriser l’adoption des mobilités actives entre le domicile, l’école et les lieux de pratiques sportives.
Conclusion
Bien qu’il existe de nombreuses occasions d’activité physique à l’école comme à l’extérieur, un certain nombre d’obstacles empêchent les adolescents de pratiquer une activité physique. Ces contraintes liées à l’adolescent, à son environnement familial et relationnel, à l’environnement physique et à son activité scolaire augmentent ses comportements sédentaires et limitent son activité physique. Aujourd’hui, un mode de vie conjuguant les effets négatifs des comportements sédentaires et une insuffisance d’activité physique met en danger la santé des adolescents.
Pour en savoir plus :
• https://www.mangerbouger.fr/ressourcespros/ressources-documents-mooc-liensutiles/professionnels-de-sante/quels-conseilsdonner-aux-ados-pour-les-rendre-actifs
• Osez le sport autrement : regards sur la littératie physique : des pistes pratiques pour le sport de demain. Eds Fédération française des clubs omnisports. Ed. by Amphora, 2024, 271 p.
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