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Allergologie - Immunologie

Publié le 07 juin 2009Lecture 11 min

Préparation HA pour nourrissons et prévention de l’allergie

J. GHISOLFI, Toulouse
Il n’est pas discuté que la meilleure prévention de l’allergie chez le nourrisson reste l’allaitement maternel, exclusif pendant au moins 4 mois et mieux 6 mois. Pour les enfants non allaités, il est proposé depuis le début des années 1980 de contribuer à cette prévention primaire de l’allergie par l’utilisation de préparations HA. Faute d’études probantes, cette suggestion a été longtemps controversée. Des données récentes permettent aujourd’hui de mieux cerner l’intérêt et les limites de la prescription de ces produits dans cette indication (1,2).
Des préparations bien définies sur le plan réglementaire Les préparations pour nourrissons (1er âge) à base de protéines partiellement hydrolysées ou préparations HA (HA pour hypo-antigénique ou hypo-allergénique) relèvent aujourd’hui des dispositions de la directive européenne 2006/141/CE (et de sa transcription en droit français par l’arrêté du 11 avril 2008 relatif aux préparations pour nourrissons et aux préparations de suite). La spécificité de ces préparations tient uniquement au fait que leurs composés azotés sont exclusivement représentés par des protéines partiellement hydrolysées. Les textes réglementaires cependant n’indiquent ni la nature des protéines natives utilisées, ni ce que doit être le résultat de l’hydrolyse pour le produit fini (pas de spécification de répartition des poids moléculaires après hydrolyse). En revanche, ils précisent que la quantité de protéines immunoréactives qu’elles peuvent contenir doit être inférieure à 1% des substances azotées de la formule et que ces préparations administrées par voie orale ne doivent pas provoquer de réactions de sensibilisation chez l’animal préalablement sensibilisé par les protéines intactes utilisées lors de l’hydrolyse. La quantité de protéines immunoréactives contenue dans les laits HA doit être < 1 % des substances azotées de la formule. Il est aussi à noter que ces textes ne traitent pas des préparations de suite (2e âge) HA. L’absence de reconnaissance réglementaire de ces produits se comprend et l’on peut s’interroger sur le bien-fondé de leur commercialisation. On voit mal ce qu’on peut attendre pour la prévention de l’allergie après 6 mois de la prise de formules à protéines partiellement hydrolysées si les enfants ont par ailleurs une alimentation diversifiée qui comprend des protéines intactes.   Des effets préventifs sinon démontrés, au moins très probables De nombreuses études publiées depuis le début des années 1980 ont essayé de démontrer que les préparations HA pour nourrissons prescrites aux enfants de moins de 6 mois pouvaient contribuer à la prévention du risque de manifestations cliniques de nature allergique. L’évolution de l’état des connaissances permet aujourd’hui de mieux appréhender cette question importante sur le plan de la santé publique. En particulier, une étude prospective et deux métaanalyses récemment publiées ont amené des éléments probants en faveur de cet effet préventif, ce qui permet de clarifier les recommandations qui peuvent être proposées quant à la prescription de ces préparations (1).     L’étude GINI (German Infant Nutritional Intervention study) est une étude multicentrique (quatre centres), prospective, contrôlée, réalisée de septembre 1995 à juin 1998 (3). Elle a intéressé 2 252 enfants, nés à terme, de poids de naissance normal, suivis de la naissance à l’âge de 3 ans. Les principaux renseignements apportés par cette étude soulignent l’effet préventif significatif d’une préparation HA (Nidal HA) pour la dermatite atopique (diminution de 40 % à 1 an par rapport à une formule standard à base de protéines de lait de vache), effet qui persiste à 3 ans.     Une métaanalyse publiée en 1998 (4), a retenu 15 études contrôlées menées de 1985 à 1997 ayant eu pour objectif d’analyser les éventuels effets préventifs vis-à-vis de troubles cliniques de nature allergique de préparations HA prises dès la naissance et pendant au moins 3 mois. Seule la diminution de la fréquence des manifestations atopiques, réduite de 75 % à 12 mois et de 65 % à 60 mois, par rapport aux enfants consommant une formule standard à base de lait de vache, a été trouvée significative et comparable à celle observée lorsque les nourrissons sont exclusivement au sein au moins 3 mois.     La métaanalyse « Cochrane », publiée en 2006 (5), a retenu 9 études utilisant diverses préparations HA (7 études concernent un produit Nestlé, 1 un produit Mead Johnson, 1 un produit de la société Vivena non commercialisé en France). Aucun effet préventif n’est observé lorsque l’utilisation des préparations HA est brève (quelques jours après la naissance). Lorsque leur utilisation est prolongée plus de 3 mois (et jusqu’à 6 mois), il est noté une réduction significative à un an de l’incidence des manifestations allergiques lorsqu’elles sont confondues, mais pas lorsqu’elles sont considérées une par une (eczéma, rhinite, asthme).   Commentaires Ces publications conduisent à trois commentaires : • Il n’est toujours pas prouvé que la prescription de préparations pour nourrissons HA contribue à prévenir les manifestations cliniques allergiques (et quelle est la durée de cet éventuel effet bénéfique ?) (1,6). Les études réalisées sont trop hétérogènes et les publications de qualité n’intéressent qu’un nombre limité de préparations pour nourrissons HA commercialisées par seulement trois sociétés. Elles apportent cependant des données de plus en plus convaincantes quant à un effet bénéfique de ces préparations pour la prévention de l’allergie, au moins pour la dermatite atopique. • On ne sait pas aujourd’hui s’il s’agit d’un réel effet préventif ou d’une action retardant l’apparition des manifestations cliniques de nature allergique(6). • Bien que les résultats des études publiées ne soient pas concordants, ce qui explique probablement que l’avis des experts diverge sur ce point, il semble que l’effet préventif des préparations HA s’exerce surtout chez les enfants à risque (antécédents allergiques avérés chez au moins le père et/ou la mère et un membre de la fratrie). Il est généralement considéré aujourd’hui que leur emploi appliqué à l’ensemble de la population infantile n’est pas suffisamment documenté pour être recommandé. Il semble que l’effet préventif des préparations HA s’exerce surtout chez les enfants à risque.   Les préparations HA commercialisées en France ont-elles la même capacité préventive ? Les propriétés éventuelles de prévention de l’allergie des préparations HA sont liées à la qualité de leurs composés azotés, euxmêmes dépendants des sources protéiques utilisées, des traitements effectués sur ces protéines (modes et degrés d’hydrolyse, traitement thermique) qui diffèrent suivant les sociétés. Les préparations commercialisées en France sont généralement réalisées (pas toutes) à partir de protéines du lait de vache (caséines ou protéines du lactosérum), leur source azotée étant surtout constituée de peptides de poids moléculaire (PM) inférieur à 5 000 daltons. Il a pu être noté cependant que certaines de ces préparations peuvent contenir jusqu’à 10 % de composés azotés de PM supérieur à 5 000 daltons, et sont donc susceptibles d’apporter de nombreux épitopes immunoactifs. En France, il existe un contrôle plus étroit par les autorités administratives faisant respecter les obligations réglementaires par les sociétés distributrices, en particulier sur le plan de la réduction effective des propriétés antigéniques ; des études cliniques sont nécessaires pour prouver que les préparations mises sur le marché possèdent bien des propriétés préventives visà- vis de l’allergie de l’enfant. Cette situation et le fait que très peu de préparations HA commercialisées aujourd’hui en France ont été l’objet d’études cliniques de qualité scientifique indiscutable interrogent. Prenant acte de cette situation, le Comité de nutrition de la Société française de pédiatrie a recommandé, en 2008, de n’utiliser pour prévenir l’allergie du nourrisson que des préparations HA dont l’efficacité préventive a été prouvée par au moins une étude clinique de qualité scientifique reconnue (étude contrôlée) et publiée (1).   Quelles recommandations pratiques devraient sous-tendre aujourd’hui la prescription des préparations HA ? • Ces préparations, en l’état actuel des connaissances, doivent être prescrites uniquement aux enfants à risque. Toute la conduite pratique, si l’enfant n’est pas allaité, doit donc reposer sur l’identification des familles allergiques avant la naissance. • En l’absence d’allaitement maternel exclusif à la naissance, qui doit toujours être privilégié, en complément ou en relais d’un allaitement maternel, si l’enfant est dans une situation authentifiée de risque allergique, une préparation HA pour laquelle le pédiatre a connaissance d’études contrôlées prouvant sans ambiguïté son efficacité doit être prescrite. Cette formule HA doit être utilisée de manière exclusive jusqu’à 6 mois. • Pour les enfants dont le risque n’est pas connu à la naissance, et en l’absence d’allaitement maternel exclusif, l’emploi d’une préparation HA d’efficacité prouvée est justifié jusqu’à connaissance des antécédents familiaux. Cette recommandation est d’autant plus importante à respecter qu’on connaît les difficultés rencontrées en pratique pour éviter le premier biberon de préparations à base de protéines de lait de vache entières qui pourrait être par lui-même un facteur déterminant de l’apparition de manifestations allergiques. Lorsqu’il est reconnu que l’enfant n’est pas à risque, par le simple interrogatoire des familles, il n’y a pas de raison, en l’état des connaissances, de continuer cette prescription. Les préparations HA doivent actuellement être prescrites uniquement aux enfants à risque.   Des recommandations difficiles à respecter en pratique • Nécessité d’une information fiable. L’information essentielle permettant de connaître les familles à risque est rarement ou difficilement portée à la connaissance des pédiatres dès la naissance. Soit parce qu’elle est rarement recherchée pendant la grossesse, soit lorsqu’elle est connue, parce qu’elle est rarement communiquée par les sagesfemmes ou les obstétriciens. Par ailleurs, la fréquence des diagnostics abusifs de maladie allergique familiale rend aussi cette information aléatoire et cette information doit être vérifiée. Le bien-fondé de la prescription d’une préparation HA sousentend donc, d’une part, une participation au processus de reconnaissance des enfants à risque de tous les acteurs obstétricaux et pédiatriques pendant la grossesse et, d’autre part, que l’organisation de la prise en charge de ces enfants prévoit que cette information soit systématiquement portée à la connaissance de pédiatres dès la naissance. • Le pédiatre rencontre lors de la prescription de préparations HA un certain nombre de difficultés pratiques. Alors qu’il lui est conseillé de n’utiliser que les préparations dont l’efficacité en matière de prévention est prouvée, il n’a généralement pas connaissance des études réalisées/ publiées et n’a pas toujours les éléments nécessaires pour juger de leur qualité. Cette information ne peut provenir des seules sociétés qui commercialisent ces denrées. En conséquence, il apparaît nécessaire que le pédiatre puisse disposer d’une liste présentant ces préparations HA pour nourrissons d’efficacité prouvée, liste qui devrait être publiée, avec l’aide de l’Afssa, par les autorités de tutelle. • Le pédiatre se heurte parfois aussi, alors que les préparations HA ne sont pas équivalentes, aux décisions de substitution de leur prescription prises par les pharmaciens qui ne paraissent avoir à leur disposition que les informations apportées par les représentants des sociétés qui vendent ces produits. Sur ce plan, une communication claire, validée par les instances de contrôle (puisqu’il s’agit d’allégations), devrait être mise en place pour éviter cette pratique qui n’est pas sans risque pour les enfants. • Il est bien considéré que, comme l’allaitement maternel, les laits 1re âge HA doivent être utilisés au moins pendant 4 mois, si possible 6 mois. La réalité du terrain est différente. Le goût de ces préparations, les troubles du transit intestinal et les problèmes de satiété qu’ils peuvent occasionner ainsi que leur coût, conduisent fréquemment les parents à les arrêter trop tôt. À l’inverse, la poursuite de la prescription d’une préparation HA devient souvent inutile lorsque les parents ont introduit des aliments lactés « standards » ou diversifié le régime avant l’âge de 4 mois. Ces attitudes parentales liées à une information insuffisante devraient être évitées par une meilleure communication médicale.

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