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Allergologie - Immunologie

Publié le 29 juin 2024Lecture 6 min

Congrès du CFA : nouvelles recommandations pédiatriques - Pollution de l’air intérieur : quel risque pour les enfants en crèche

Denise CARO, d’après la communication de Jocelyne Just (Sorbonne université)

Le 19e congrès francophone d’Allergie (CFA) s’est déroulé cette année du 16 au 19 avril au Palais des congrès de Paris. Traitant de cette pathologie à travers les âges de la vie, le congrès a toutefois été un moment fort pour la pédiatrie, notamment avec la mise à jour des recommandations pour la prise en charge de l’asthme en aigu et au long cours chez l’enfant.

Les jeunes enfants passent les deux tiers du temps à l’intérieur des locaux et sont donc très exposés à la pollution de l’air intérieur. Quels sont les polluants et les allergènes les plus présents dans les crèches et quelles en sont les conséquences sur la santé respiratoire des petits ? Les jeunes enfants sont plus sensibles à la pollution que les plus grands, et en premier lieu à la pollution de l’air intérieur. Plusieurs raisons à cela : une physiologie en développement qui les rend plus vulnérables, le long temps passé à l’intérieur des locaux, en particulier à la crèche (deux fois plus qu’à l’extérieur)(1), une fréquence respiratoire élevée et donc une quantité d’air intérieur inhalé (et de ses polluants) près de trois fois plus importante que les adultes, l’habitude de porter leurs mains et les objets à la bouche(2). Or, contrairement à ce que l’on pourrait supposer (et espérer) l’environnement de la crèche expose les jeunes enfants à de multiples polluants, dont les composés organiques volatiles (COV, comme le formaldéhyde), les composés aromatiques (benzène, toluène, xylène) et les phtalates. Les sources de ces polluants sont nombreuses : panneaux à particules, activités de nettoyage, nouveaux meubles en bois pressé, peintures récentes, imprimantes, colles, adhésifs, résines (sol et meubles), eau de Javel (source de chloroforme), sans oublier les assainisseurs d’air et/ou des bougies parfumées utilisés dans la moitié des crèches(3). Une étude a montré que la concentration de COV et des phtalates dans les crèches chinoises était dix fois plus élevée que dans l’air extérieur. Dans ce travail, les taux de benzène, de phtalate de dibutyle (DBP), d’éthylbenzène et de naphtalène dépassent les normes établies par l’Office du risque environnement santé concernant le risque pour le cancer et la santé reproductive(4). La Chine n’est pas le seul pays pointé du doigt. Une étude montre que 82 à 89 % des enfants dans les crèches californiennes sont exposés à un air et des poussières de sol contenant des taux d’esters de phtalates dépassant les critères de santé reproductive(5). De nombreuses études ont évalué la teneur en COV dans les garderies de différentes régions du monde. Elles montrent que les COV sont présents partout, avec toutefois des teneurs variables selon les composés, les études et les pays. Si elle ne fait pas partie des plus mauvais élèves, la France n’est pas épargnée(6).   Des conséquences sur la santé respiratoire   L’exposition des jeunes enfants à des polluants a un impact sur leur santé respiratoire. Un travail portant sur la cohorte de Paris montre que l’exposition au formaldéhyde des nourrissons est associée à la survenue d’infections des voies respiratoires basses (sifflantes) et de la toux sèche nocturne, cela même chez les enfants sans antécédents familiaux d’allergie(7). D’autres travaux confirment ces données. L’exposition aux COV est liée à l’asthme ou aux symptômes asthmatiques(8,9) ; elle peut exacerber le risque d’asthme chez les jeunes enfants(10) ; elle est associée à une élévation de la prévalence de la rhinite allergique, de la conjonctivite et de la dermatite atopique(11). Tous les enfants n’ont pas la même sensibilité aux polluants. Il existe, par exemple, une susceptibilité particulière aux phtalates de ceux présentant une dermatite atopique avec une mutation de la filagrine (variant TT)(12). Par ailleurs, les infections aiguës des voies respiratoires supérieures (IARS) sont très fréquentes chez les enfants en collectivité. Parmi 119 enfants admis en crèche, 91 ont présenté une IARS (bactérienne, à mycoplasme, virale ou mixte) à l’entrée et 28 sont restés indemnes. Les pathogènes retrouvés dans l’oropharynx ne différaient pas entre avant et après l’admission à la crèche(13) . « La quasi-totalité des enfants en crèche auront à un moment ou un autre une infection à VRS », a affirmé Jocelyne Just (Sorbonne université). Dès lors, la fréquentation de la crèche protège-t-elle vis-à-vis de la survenue ultérieure d’une allergie comme pourrait le suggérer la théorie hygiéniste ? Une recherche sur Medline avec les mots-clés « asthme », « atopie » combinés à « garderie » « crèche » ou « jardin d’enfants » n’a pas retrouvé de corrélation significative entre garderie et atopie (toutefois, un accueil précoce en crèche semblait être un effet protecteur). En revanche, dans cinq études sur six, la fréquentation d’une garderie était positivement associée à l’asthme. Et le retrait précoce de la garderie protégeait vis-à-vis d’un asthme ultérieur(14). « Il ne s’agit pas pour autant d’exclure de la crèche tous les enfants avec un asthme induit par une infection virale, a prévenu J. Just. Mais si l’asthme devient important, il faut en discuter avec la famille. »   Les allergènes les plus fréquents   Bien sûr, la présence d’allergènes dans les crèches majore le risque d’allergie. Un travail allemand portant sur 41 crèches détecte la présence d’allergènes dans la majorité des établissements ; les plus souvent retrouvés sont Alternaria alternata, Can f1, Fel d1 et dans une moindre mesure Bla g1, Der p1, Derf1 et Mus m1(15). Toutefois, selon une publication californienne, les concentrations de cinq des sept allergènes étudiés sont globalement les mêmes à la crèche et à la maison. Les acariens sont présents dans les matelas, les coussins et les peluches. Alternaria alternata, Can f1, Der f1, Der p1 et Fel d1 sont majoritairement retrouvés au niveau de la moquette (peu recommandée dans les crèches)(16). Même si les animaux ne sont pas autorisés dans les crèches, on relève des allergènes de chat et de chien dans les garderies en Norvège(17). Observation également faite en Allemagne, les crèches qui accueillent des enfants ayant un chat ou un chien à la maison présentent un taux plus élevé de ces allergènes que celles dont les enfants n’ont pas d’animaux à domicile, mais ce taux reste inférieur à celui de la maison. Ce même travail a montré que les concentrations en allergènes étaient influencés par la saison(18).   Quels remèdes anti-pollution ?   La ventilation et l’aération sont les maîtres-mots de la prévention d’un air intérieur pollué. La modernisation des systèmes de ventilation semble améliorer les propriétés physiques de l’air mais pas sa qualité microbiologique. Les méthodes de nettoyage des locaux ont une grande influence surles propriétés physiques et la qualité microbiologique de l’air. Il faut nettoyer soigneusement mais pas avec de l’eau de Javel et veiller à ne pas obstruer les systèmes de ventilation(19). Autre précaution essentielle à prendre, exclure la présence des enfants dans des locaux qui viennent d’être rénovés et ne prévoir leur retour qu’après une longue période de ventilation. Les taux de formaldéhyde et de COV sont deux à quatre fois plus élevés après une rénovation. L’utilisation d’un purificateur d’air peut être utile pour réduire les COV (de 46,4 %) et les particules en suspension (de 21,7 %)(20). « Reste à déterminer quel purificateur choisir ? Dans quelles pièces de la crèche l’utiliser ? Quelle surface peut-il correctement purifier ? » a remarqué J. Just. Enfin, faut-il déshumidifier l’air (en association à une filtration haute efficacité contre les particules) ? Un travail déjà ancien a montré que cela réduit l’humidité nécessaire à la croissance des moisissures, mais n’élimine pas les spores fongiques viables et non viables, potentiellement allergisantes(21). « Outre le fait de mettre en garde vis-à-vis de l’utilisation de produits toxiques, tels que l’eau de Javel ou les bougies parfumées, dans les crèches, la principale précaution à prendre est d’ouvrir les fenêtres (en dehors des pics de pollution), a conclu J. Just. En France depuis 2018, une circulaire du ministère de la Santé et de la Prévention demande de mesurer à l’intérieur des classes et des crèches le degré de CO2 pour juger du taux de renouvellement de l’air. Cela a été très utilisé pendant la Covid, mais a été un peu oublié ensuite. »

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