Allergologie - Immunologie
Publié le 29 juin 2024Lecture 7 min
Congrès du CFA : nouvelles recommandations pédiatriques - Asthme de l’enfant de 6 à 12 ans, de nouvelles recommandations bientôt publiées
Denise CARO, d’après la communication « Recommandations de la SP2A pour la prise en charge de l’asthme de l’enfant de 6 à 12 ans » de Lisa Giovannini-Chami (Nice)
Les dernières recommandations françaises consacrées à la prise en charge de l’asthme chez l’enfant datent d’environ quinze ans, il était temps de les actualiser. Ce d’autant plus qu’il n’existe pas de recommandations internationales complètes ciblant spécifiquement la pédiatrie, et que nous avons dans notre pays des galéniques, des modalités de délivrance et de remboursement des traitements qui nous sont propres. Enfin l’arrivée des biothérapies change la prise en charge des asthmes sévères. Autant de raisons qui ont incité la Société pédiatrique de pneumologie et d’allergologie (SP2A) à initier de nouvelles recommandations qui sont en cours de publication.
Un chapitre est consacré à la place des épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR). Il y est indiqué que face à un tableau clinique évocateur d’asthme, les EFR renforcent le diagnostic en démontrant la présence d’une limitation variable du débit expiratoire. Une EFR par expiration forcée (spirométrie) avec un test de réversibilité aux bronchodilatateurs doit être réalisée au moment du diagnostic (grade B). Elle peut éventuellement être accompagnée de la mesure de la FeNO (grade C) et/ou de la mesure des volumes pulmonaires en cas de doute sur un syndrome mixte ou restrictif (grade C). Le test à la méthacholine est davantage utile pour exclure le diagnostic que pour l’affirmer (grade D).
Un trouble ventilatoire obstructif correspond à un rapport VEMS/CVF < -1,64 z-score. Il est réversible si ∆VEMS et/ou ∆CVF post-préBDCA est > 10 % de la valeur théorique. Il y a distension pulmonaire si VR/CPT et/ou CRF/CPT > 1,64 z-score1.
De la prévention primaire et à la prévention secondaire
Les principaux facteurs de risque pendant la grossesse sont le tabagisme et l’obésité de la mère (grade A), ainsi qu’un accouchement par césarienne (grade A). Les principaux facteurs de risque chez l’enfant sont : une obésité, un tabagisme passif dans la petite enfance, l’exposition à une pollution intérieure (humidité, moisissure, combustion domestique), à la pollution atmosphérique et aux moisissures visibles (grade A).
La prévention primaire repose sur l’exclusion autant faire ce peut de ces facteurs de risque bien identifiés : exposition au tabac in utero et après, obésité de la mère et de l’enfant (grade A), éviction des moisissures visibles (grade B). À noter que l’éviction de certains allergènes (acariens, poils de chat, de chien) n’a pas montré une preuve suffisante d’efficacité à prévenir le développement de l’asthme à l’âge scolaire (grade B).
Concernant la prévention secondaire, l’immunothérapie sublinguale (ITSL) aux graminées, bétulacées et aux acariens sur une durée de 3 ans pourrait prévenir l’apparition d’un asthme, particulièrement chez l’enfant monosensibilisé (grade B).
Aucune stratégie préventive pour éviter la survenue d’un asthme chez un enfant avec une dermatite atopique ou une allergie alimentaire n’a fait la preuve de son efficacité (grade B).
L’initiation du traitement
La stratégie thérapeutique proposée est dite de parachute puis d’escalier. Il n’est pas recommandé de commencer obligatoirement par le palier 1, mais plutôt de choisir le traitement correspondant au palier de sévérité au moment de l’initiation (parachute). Le traitement sera ensuite rétrocédé au palier inférieur ou passé au palier supérieur en fonction de l’efficacité de la première prescription (escalier). Le grade de sévérité initiale avant traitement est déterminé par : la fréquence des symptômes au cours des 3 derniers mois, le nombre de crises graves l’année précédente, la fonction respiratoire, la limitation des activités et la présence d’antécédents à risque (réanimation, asthme avec anaphylaxie). L’asthme peut être intermittent ou persistant.
Le traitement d’un asthme de palier 1 (symptômes diurne 0-1/mois et pas de symptôme nocturne) repose sur l’utilisation de bronchodilatateur de courte durée d’action (BDCA) à la demande (avis d’experts).
Au palier 2 (symptômes diurnes ≥ 2/mois, symptômes nocturnes ≥ 1/mois), on peut proposer des corticoïdes inhalés (CSI) à faible dose (grade A) ; le montélukast (antileucotriène) n’est qu’une alternative et il faut se méfier du risque d’effets secondaires neuropsychiatriques chez l’enfant.
Lorsque l’asthme est persistant avec des symptômes diurnes 2 fois ou plus par semaine, des symptômes nocturnes 1 fois ou plus par semaine, 1 à 2 crises graves par an et, avec ou sans, anomalies à l’EFR et/ou une limitation des activités (palier 3), on choisira de prescrire soit un CSI à faible dose associé à un bronchodilatateur de longue durée d’action (BDLA), soit un CSI à dose modérée (grade A).
L’utilisation de CSI à faible dose associé à un BDLA (budésonide-formotérol) en traitement de fond et à la demande n’est pas recommandé du fait de l’absence d’études bien conduites chez l’enfant de 6 à 11 ans (avis d’experts). L’association du CSI à faible dose au montélukast pourrait être une alternative dans les cas exceptionnels de mauvaise tolérance du CSI à dose moyenne ou du BDLA (grade B).
Enfin, le palier 4 correspond à asthme avec une plus grande fréquence des symptômes diurnes, nocturnes et des crises graves ou ceux ayant nécessité un séjour en unité de soins critiques (USC) dans l’année. À ce stade, il est recommandé de recourir à l'association CSI à dose moyenne + BDLA, afin de réduire le risque d’effets secondaires liés aux fortes doses de CSI (grade A). Un CSI à forte dose reste une alternative possible (grade A), ainsi qu’un recours au montélukast dans les cas exceptionnels de mauvaise tolérance aux BDLA (avis d’experts, AE). Le tiotropium n’est pas recommandé au palier 4 du fait de l’absence d’étude l’ayant comparé aux BDLA en association aux CSI (AE).
Asthme difficile à traiter ou asthme sévère
Le palier 5 correspond aux asthmes difficiles à traiter et aux asthmes sévères.
Un asthme difficile à traiter est un asthme non contrôlé malgré un traitement de palier 4 ou 5, ou nécessitant un traitement de palier 5.
Il doit être vu en centre expert pour éliminer un diagnostic différentiel, pour identifier et prendre en charge les facteurs modifiables et les comorbidités, et pour ajuster le traitement.
L’asthme sévère est celui qui reste non contrôlé après l’étape précédente, tout en bénéficiant d’un traitement adapté en termes de doses et de galénique.
Les asthmes de palier 5 relèvent de CSI à fortes doses, associés aux BDLA pendant 3 à 6 mois, avec ou sans tiotropium.
Il importe de déterminer le phénotype d’un asthme sévère : T2 allergique (majoritaire, T2 éosinophilique non atopique, neutrophilique). L’indication d’une biothérapie (ou d’azithromycine) sera discutée en centre expert en tenant compte du phénotype, des biomarqueurs et de la présence de comorbidités. En cas d’efficacité et de bonne tolérance, la biothérapie sera poursuivie pendant au moins 3 mois.
Le suivi d’un patient avec un asthme sévère doit être réalisé en lien avec un centre expert multidisciplinaire. Une évaluation clinique et fonctionnelle régulière, au moins 2 à 3 fois par an, est à réaliser (grade D).
Les autres éléments de la stratégie thérapeutique
À tous les stades, des BDCA sont utilisés à la demande en cas de crise. L’ajout d’une ITA s’il existe une allergie aux acariens ou aux graminées est indiquée lorsque l’asthme est bien contrôlé (VEMS > 70 %). Un asthme non contrôlé est une contre-indication absolue à la mise en place d’une ITA (grade C).
Avant de diminuer le traitement de fond, il faut s’assurer de l’absence de symptômes d’asthme depuis au moins 3 mois, qu’il n’y a pas eu de crise grave au cours des 6 derniers mois et que la fonction pulmonaire est normale (AE). Il faut rechercher la dose minimale efficace de CSI (grade A). En ca d’asthme contrôlé sous CSI + BDLA, il est recommandé de diminuer la dose de CSI plutôt que de supprimer le BDLA (grade A).
Tous les enfants atteints d’asthme doivent être à jour de leurs vaccinations, y compris le vaccin antigrippal et antipneumococcique (AE). En cas d’asthme sévère, une injection de vaccin antipneumococcique polysaccharidique est recommandée chez les enfants ayant reçu le schéma complet de vaccin conjugué dans la petite enfance (AE).
Par ailleurs, la prise en charge des comorbidités est importante. La perte pondérale doit être encouragée dans le plan de traitement pour asthme (grade C). Les IPP prescrits pour un reflux gastro-œsophagien (RGO) n’ont pas montré d’efficacité sur l’asthme (AE).
En cas d’allergie alimentaire IgE-médiée, la présence d’un asthme augmente la sévérité de la réaction allergique (grade B). Cela justifie la prescription systématique d’un stylo auto-injecteur d’adrénaline, cela même en l’absence d’antécédent d’anaphylaxie (AE). La rhinite allergique doit être prise en charge chez l’enfant asthmatique (grade B). Mais le traitement de la rhinite par des corticoïdes nasaux n’a pas fait la preuve de son bénéfice sur l’asthme (grade C).
Enfin, tout enfant asthmatique doit avoir un plan d’action personnalisé (grade B) et doit pouvoir bénéficier d’un projet d’accueil individualisé (AE).
L’éducation thérapeutique doit être faite à chaque consultation. Il est recommandé que les enfants avec des difficultés d’observance ou avec un asthme difficile participent à un programme d’éducation thérapeutique (AE).
1 CRF = capacité résiduelle fonctionnelle ; CPT = capacité pulmonaire totale ; VR = volume résiduel ; CVF = capacité vitale forcée.
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