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Pédiatrie générale

Publié le 10 oct 2010Lecture 6 min

Les questionnaires de préconsultation : une aide à la prise en charge des adolescents

C. STHENEUR, Hôpital Ambroise-Paré, Boulogne-Billancourt

Voir un adolescent en consultation pour la première fois nécessite de balayer avec lui tous les aspects de sa vie. Afin de repérer ses sujets de préoccupation, les questionnaires de préconsultation apportent une aide intéressante.

Le premier contact avec un adolescent est déterminant pour mettre en place une relation de confiance. Or, l’adolescent n’est, le plus souvent, pas le demandeur de la consultation. Il n’a pas d’attente particulière et préfèrerait être ailleurs que dans la salle d’attente. Il consulte à la demande d’un de ses parents ou d’un professionnel, qu’il a inquiété par des manifestations diverses. Les adolescents ont des difficultés à exprimer leurs sensations, sentiments et ressentis, et ont tendance à exprimer avec leur corps les difficultés qu’ils perçoivent. Les motifs réels des consultations sont donc souvent cachés derrière des plaintes corporelles. Les motifs réels des consultations sont souvent cachés derrière des plaintes corporelles.  La première consultation L’adolescent doit se sentir d’emblée au centre de la consultation médicale ; le médecin doit être perçu comme un interlocuteur de ses préoccupations, mais il ne doit pas oublier celles des parents. Afin de comprendre les enjeux de la consultation et la demande cachée, la commission adolescent de la SFP (1) recommande qu’un inventaire médical complet soit pratiqué lors de la première consultation, incluant : – les conditions de vie actuelles : famille et cadre de vie ; – les antécédents médicaux de l’adolescent ; – les événements de vie ; – le parcours scolaire ; – les relations avec les pairs. La pratique de sport, sa fréquence et son intensité, l’existence de hobbies. Le temps passé devant un écran ; – les relations amoureuses et la sexualité ; – l’équilibre alimentaire. La question de la corpulence est essentielle ; – la consommation de substances psycho-actives (tabac, alcool, cannabis, mais aussi ecstasy, héroïne, cocaïne, médicaments, en particulier somnifères, psychotropes, etc.) ; – d’autres conduites à risque telles que la recherche de sensations, les errances, les fugues, etc. ; – les troubles du sommeil ; – l’existence d’idées noires, de stress, d’anxiété, d’idées « bizarres », etc. ; – l’estime de soi de l’adolescent. L’adolescent doit se sentir d’emblée au centre de la consultation médicale. Cette première consultation demande au moins trois quarts d’heures. Or, en médecine de ville, ce temps ne peut pas toujours être consacré lors de la consultation. Cet inventaire complet est difficile à mener. Il est alors possible de s’installer dans une perspective de consultations répétées. Pour aider le médecin à être le plus exhaustif possible, des questionnaires de préconsultation ont été imaginés.   Utilité des questionnaires Plusieurs études ont été menées sur la pertinence des questionnaires de préconsultation auprès des adolescents, notamment sur le dépistage de la dépression. H. Schubiner et coll. (2), en 1994, retrouvent un meilleur dépistage de la dépression et des conflits familiaux par un questionnaire que lors d’une consultation habituelle. F. Mathet et coll. (3), en 2003, rapportent l’expérience de questionnaires en médecine générale chez des jeunes de 7 à 17 ans. Cette étude a permis de détecter dans cette population 5 % de troubles dépressifs, dont 70 % non repérés par le généraliste. Les questionnaires de préconsultation peuvent être remplis sur papier ou directement sur un ordinateur. Certains questionnaires ont des questions fermées, l’adolescent doit cocher les items qui le préoccupent ; cela permet de préciser les problèmes à propos desquels il voudrait avoir une information. D’autres ont des questions ouvertes ; par exemple : « Quels sont les deux mots qui te décrivent le mieux ? », « Que voudras- tu faire plus tard ? », ou « Si tu pouvais réaliser trois souhaits, lesquels choisirais-tu ? » D’autres enfin sont des « hétéroquestionnaires », où les questions sont posées par le médecin. Un des plus connus auprès des adolescents est celui proposé par P. Binder et coll. (4) : TSTS- CAFARD (Traumatologie, Sommeil, Tabac, Stress scolaire ou familial puis Cauchemars, Agression, Fumeur, Absentéisme, Ressenti, Désagréable). Il recherche des antécédents d’accidents, en particulier à répétition, des troubles du sommeil, des consommations de toxiques et des difficultés scolaires ou familiales. À chaque question qui semble poser un problème, il convient de l’approfondir grâce à la suite du questionnaire portant l’acronyme CAFARD.   Le questionnaire de l’INPES Dans le service de médecine pour adolescent de Bicêtre, a été mis au point un questionnaire de préconsultation qui est depuis longtemps utilisé aussi bien en consultation qu’en hospitalisation. Il est depuis quelques mois édité par l’INPES (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé) dans son outil « Entre nous » et peut être consulté en ligne. Il comporte 43 items dont la plupart sont des questions fermées (oui-non). La première phrase rassure immédiatement l’adolescent sur la confidentialité de la consultation, sur son droit au secret professionnel. Le questionnaire aborde ensuite un large éventail de préoccupations quotidiennes pour l’adolescent, mais qu’il ne considère pas comme pouvant être abordées au cours de la consultation médicale. Sont notamment interrogés les habitudes générales, les consommations, les conduites à risque, les symptômes flous, les inquiétudes développementales, les relations avec les parents et les pairs, la sexualité, les idées suicidaires. Commencer la consultation par ce type de questionnaire permet à l’adolescent de prendre dès le début une part active, c’est lui qui détermine les sujets qui seront abordés en fonction des réponses qu’il donne. En plus de l’interrogatoire plus classique, c’est un outil de médiation particulièrement utile pour entamer le dialogue avec les adolescents qui ne savent pas pourquoi ils viennent en consultation. À partir de ce questionnaire, plusieurs études ont été menées. La première, par P. Alvin et coll. (5), montre que les adolescents qui « ne savent pas pourquoi ils consultent » répondent facilement à l’autoquestionnaire, en indiquant des problèmes nombreux et parfois importants. M. Caflish et coll. (6), qui ont étudié l’importance des plaintes fonctionnelles en fonction des raisons de l’hospitalisation, montrent que les adolescents hospitalisés pour tentative de suicide, problèmes psychosociaux ou problèmes de violence, se plaignent plus souvent que les autres (maladie chronique, obésité, anorexie mentale) de plus de trois plaintes fonctionnelles. Dans notre expérience de l’Unité d’adolescents de l’hôpital Ambroise-Paré, les questionnaires des patients hospitalisés quel que soit le motif sont d’une aide précieuse à la prise en charge. Parmi les adolescents hospitalisés pour maladie chronique, problème digestif, dermatologique, etc., près de la moitié décrivaient au moins une conduite à risque. Le nombre moyen de plaintes somatiques était de 2,7 (0,9-4,5), avec majoritairement des troubles du sommeil et des plaintes douloureuses en dehors du motif d’hospitalisation. Les idées suicidaires étaient présentes chez 14 % des adolescents de ce groupe.   Conclusion Le questionnaire de préconsultation constitue une aide au dialogue qui ne peut en aucun cas se substituer à l’interrogatoire ni à l’examen clinique. Il permet d’orienter la consultation vers les problèmes spécifiques rencontrés par l’adolescent, et ce, quel que soit le motif invoqué de la consultation.

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