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Pédiatrie générale

Publié le 30 sep 2024Lecture 12 min

La SFP au pays du grand éléphant

Hélène JOUBERT, Paris

Cette année, le congrès de la Société française de pédiatrie (SFP) et des autres sociétés savantes associées s’est tenu du 15 au 17 mai à Nantes. Sa très riche actualité justifie la place importante qui lui est faite dans ce numéro de rentrée de Pédiatrie Pratique.

Addictions chez les jeunes, quelles actualités ? • Les substances licites et illicites consommées par les jeunes évoluent. Clémence Cabelguen, pédopsychiatre (service d’addictologie, CHU de Nantes) décrypte les tendances.   À l’adolescence, la rencontre avec un objet pouvant devenir addictif peut constituer un appui, une solution, un mode relationnel, allant jusqu’à un langage. » Comme le rappelle Clémence Cabelguen, ce n’est pas l’objet qui fait l’addiction : « La conduite additive est une rencontre ». Par conséquent, accompagner des troubles addictifs implique de comprendre cette rencontre. Mais aussi de connaître le panorama en constante évolution des produits consommés par les jeunes.   Substances licites et illicites : un usage en baisse   L’enquête ESCAPAD 2022 (23 701 filles et garçons de 17,4 ans en moyenne) décrit une baisse continue des usages de substances psychoactives (SPA) licites et illicites depuis 2014, à l’exception de la cigarette électronique. L’expérimentation du cannabis concernait 47,8 % des répondants en 2011 et 29,9 % en 2022. « Du fait d’une dénormalisation, moins de la moitié des jeunes de 17 ans ont expérimenté le tabac. Pour sa part, l’alcool devient un peu « has been » en soirée, selon des enquêtes sociologiques (ARAMIS 2, etc.), même si le binge drinking reste habituel », ajoute C. Cabelguen. De plus, 4 % des jeunes ont un usage régulier du cannabis contre 7 % en 2017, et parmi ceux-ci, 22 % des usagers de cannabis ont un usage problématique contre 25 % en 2017. Dix-sept pour cent des jeunes ont expérimenté le CBD. Concernant les autres SPA illicites, la MDMA ou ecstasy est la plus expérimentée, chez 2 % des jeunes, suivie de la cocaïne avec 1,4 %, des hallucinogènes (LSD, champignons et kétamine) 1 %, et des amphétamines 0,9 %. Enfin, l’héroïne et le crack ont été expérimentés par 0,4 % des jeunes.   La progression des substances volatiles abusées   Certaines substances sont en vogue, comme le lean (ou « purple drank »), un sirop codéiné mélangé avec du soda, ou le protoxyde d’azote, expérimenté par 2,3 % des jeunes. Les poppers et autres substances à inhaler, comme certains solvants (ex. : trichloréthylène), sont aussi consommés. L’usage de poppers a augmenté par rapport à 2017, avec 11 % d’expérimentation et 7 % d’usage au cours de l’année. Autre tendance, celle des substances volatiles abusées (SVA), définies par l’inhalation délibérée de composants volatils non destinés à la consommation humaine pour obtenir des effets psychotropes (aérosols, dépoussiérants, désodorisants, colles, dissolvants, carburants). Les SVA comprennent divers hydrocarbures (pétroliers, oxygénés, etc.) et se présentent sous forme de liquides volatils à température ambiante ou de composés gazeux/gaz liquéfiés. L’inhalation de ces produits provoque des effets narcotiques et parfois hallucinogènes, quasi instantanés et de courte durée. Les modalités d’usage elles-mêmes peuvent entraîner des complications, comme des spasmes laryngés et des étouffements. Des études sur les rats ont montré le potentiel de dépendance des SVA, avec un sevrage se manifestant par des convulsions et de l’anxiété. Chez l’homme, les constats sont sans appel : troubles du rythme cardiaque, mort subite par arrêt cardiorespiratoire, cardiomyopathies, dépression du système nerveux central (altération de la vigilance et de l’équilibre, hypoxie, risque de convulsions), leuco-encéphalopathie progressive (troubles sensitivo-moteurs, cognitifs et comportementaux), atteintes hépatiques (stéatose, nécrose), atteintes rénales (néphropathie, acidose), brûlures cryogéniques avec les composés gazeux, brûlures thermiques par embrasement ou encore perturbations métaboliques (hypocalcémie).   Les nouveaux produits de synthèse, toujours un temps d’avance sur la réglementation   Pour leur part, les nouveaux produits de synthèse (4-CEC, 3-MMC, etc.) sont des analogues ou dérivés de médicaments ou drogues existants, obtenus en modifiant les structures chimiques pour imiter les effets des drogues illicites et échapper à la réglementation des stupéfiants (arrêté du 27 juillet 2012). Ce sont des cathinones, des arylalkylamines, des benzodiazépines, des tryptamines, des cannabinoïdes de synthèse, des phénéthylamines, etc. Les principaux producteurs sont la Chine, la Pologne et les Pays-Bas, avant transformation en produit fini, avec conditionnement et vente en Europe. Ces produits sont disponibles dans des magasins spécialisés (smartshops, headshops), mais surtout en ligne (web de surface et darknet) et sur le marché illicite direct. Leur prix attractif attire de petits groupes à la recherche de nouveaux effets (« psychonautes »), et des usagers de l’espace festif gay consommateurs de substances psychoactives en contexte sexuel (chemsex, slam). Sur l’année 2022, on comptait une quarantaine de nouvelles SPA (identifiées pour la première fois) en Europe, contre une centaine en 2014.   Pour en savoir plus : • CEIP-addictovigilance de Nantes. Protoxyde d’azote non médical : comment en est-on arrivé là ? Addictovigilance. Association des centres d’addictovigilance, 2022, n°19. • Rapport européen sur les drogues, 2023. • Douchet MA, Neybourger P. Alcool et soirées chez les adolescents et les jeunes majeurs. Tendances, OFDT, 2022, n° 149.   Mycoplasma pneumoniae : les premiers résultats de l’observatoire français ORIGAMI   Pour mieux comprendre l’ampleur de la recrudescence des cas d’infections à Mycoplasma pneumoniae durant l’hiver 2023-2024, l’observatoire français ORIGAMI a été créé et ses premiers résultats annoncés au congrès de la Société française de pédiatrie. Mycoplasma pneumoniae, seconde cause de pneumonies communautaires bactériennes après le pneumocoque, est omniprésente à l’échelle mondiale. Les infections évoluent par cycles épidémiques (de 18 mois environ) tous les 3 à 7 ans, probablement dus à la variation antigénique de l’adhésine P1, qui limite la durée de l’immunité acquise. Un nouveau cycle était anticipé pour 2024. Cependant, dès novembre 2023, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et la Haute Autorité de santé (HAS) ont signalé une augmentation des pneumopathies bactériennes, particulièrement chez les 5-14 ans et les 15-44 ans, tendance confirmée par les réseaux RENAL et Oscour. Afin d’analyser la situation, un observatoire national a été créé : ORIGAMI, cogéré par le Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique (GPIP) et l’Association clinique et thérapeutique infantile du Val-de-Marne (ACTIV). Il inclut tout enfant de moins de 18 ans hospitalisé ayant une infection à Mycoplasma pneumoniae documentée (PCR et/ou sérologie). Ainsi, 654 patients ont été recrutés dans 28 centres depuis le 18 août 2023. Entre novembre 2023 et janvier 2024, le nombre d’admissions a atteint son maximum. Les enfants de 3 à 8 ans ont été les plus affectés, avec un âge médian et moyen de 7,4 ans. Les atteintes pulmonaires ont été prédominantes, représentant plus de 90 % des cas, et 57 % des patients ont requis une oxygénothérapie. Environ 32 % d’entre eux ont présenté des infections ORL et 15 % des problèmes cutanés. Parmi les cas graves, 12 % ont nécessité un support ventilatoire (Optiflow/ventilation non invasive [VNI]) et 1 % ont dû être intubés. Trente-sept patients ont été admis en réanimation, avec deux décès rapportés. L’infection affecte surtout les enfants de plus de 3 ans et les adolescents, épargnant les plus jeunes. Selon Marion Ashman (pédiatrie générale et équipe opérationnelle d’infectiologie, hôpital Armand Trousseau, Paris), « les formes graves d’infection par Mycoplasma pneumoniae sont relativement rares ». ORIGAMI confirme que les infections sont peu sévères et les formes extrapulmonaires, les plus graves, sont rares. Le taux de mortalité chez ces patients est faible (< 0,1 %, probablement). M. Ashman a conclu en soulignant qu’en ce qui concerne l’épidémie d’infections à Mycoplasma pneumoniae 2023-2024, dépassant les précédentes, la dette immunitaire liée à la période de Covid-19 n’expliquait pas tout. D’autres pistes doivent donc être explorées.   Un enfant n’est pas un sportif comme les autres   Tous les médecins généralistes et les pédiatres suivent des enfants ou adolescents sportifs. Ce qualificatif s’emploie dès lors que ces derniers pratiquent une activité sportive pendant plus de 10 heures par semaine, en milieu scolaire et extrascolaire. Pour les enfants pratiquant un sport de haut niveau, cela atteint 20 heures, auxquelles s’ajoutent les compétitions. Cependant, un enfant sportif risque « gros » : au-delà des blessures et d’une baisse de ses performances, sa croissance et son développement sont en jeu. « D’où un suivi nutritionnel rapproché et adapté de ces jeunes athlètes, insiste Emmanuelle Ecochard-Dugelay (service de gastroentérologie et nutrition pédiatriques, hôpital Robert Debré, Paris), afin d’éviter plusieurs problèmes dont celui du déficit énergétique, responsable potentiel d’une diminution des performances et d’un retard statural et pubertaire, ainsi que d’un déficit micronutritionnel à l’origine de blessures et de fatigue. » Un dernier cas de figure couramment rencontré est celui des adolescents sportifs privilégiant les aliments à haute densité énergétique mais pauvres en nutriments (féculents), et délaissant fruits et légumes. Les carences en micronutriments (vitamines, oligo-éléments) sont ainsi fréquentes.   Plus de fibres musculaires de type I chez l’enfant, quelles conséquences ?   Les enfants possédant une proportion plus élevée de fibres musculaires de type I (prédominance de fibres de type II chez l’adulte), ont une capacité accrue à maintenir un effort prolongé. Or, les fibres de type I, plus résistantes à la fatigue, sont riches en mitochondries, avec une forte capacité d’oxydation aérobie et une faible glycolyse anaérobie, produisant ainsi peu d’acide lactique. « Ces enfants ne doivent souffrir ni de carences nutritionnelles ni de déficit énergétique, afin de favoriser un développement musculaire et une croissance optimaux », ajoute E. Ecochard-Dugelay. De plus, les enfants privilégient certaines voies métaboliques pendant l’exercice physique, utilisant rapidement et principalement la glycolyse aérobie plutôt qu’anaérobie. En conséquence, à effort égal, leur consommation énergétique dépasse largement celle des adultes, par unité de poids. Ce phénomène s’explique par un métabolisme plus élevé et des besoins énergétiques supplémentaires liés à la croissance. Enfin, chez les enfants, et dans une moindre mesure chez les adolescents, la thermorégulation est plus variable. Cela s’explique par une surface corporelle par unité de poids supérieure à celle des adultes et une efficacité potentiellement moindre des glandes sudoripares. Ils présentent aussi une sensibilité accrue à l’hypoglycémie.   Le virage ambulatoire : grâce aux biothérapies sous-cutanées, les malades quittent l’hôpital   Depuis 1990, une révolution dans la prise en charge des maladies inflammatoires s’opère grâce aux biothérapies. Deux principaux mécanismes sont à l’œuvre : la neutralisation sélective des cytokines pro-inflammatoires ou de leurs récepteurs (anti-TNF alpha, anti-IL1/6) et l’interaction spécifique avec les lymphocytes B ou T pour inhiber les signaux inflammatoires. C'est notamment le cas du rituximab (anti-CD20, entraînant la lyse des lymphocytes B) et de l’abatacept (ciblant le CTLA4, frein naturel de l’activation des lymphocytes T). « Le spectre thérapeutique des biothérapies est très large, allant de la dermatologie (psoriasis, lupus), à la gastroentérologie (maladies inflammatoires chroniques de l’intestin [MICI]), en passant par la rhumatologie (arthrites juvéniles idiopathiques et maladies auto-inflammatoires), la pneumologie (asthme sévère), etc., rappelle Caroline Freychet, unité d’immunologie-hématologie-rhumatologie pédiatrique (hôpital Necker-Enfants malades, Paris). Presque toutes les familles de biolothérapies sont désormais administrables par voie sous-cutanée, et nous formons rapidement nos patients à l’auto-injection dès qu’ils se sentent prêts. » Depuis le 17 avril 2024, la primo-prescription et la surveillance peuvent être réalisées en ambulatoire pour certaines biothérapies et certains spécialistes, dont les pédiatres, en lien avec un centre de référence ou de compétences. • Le bilan : avant de débuter une biothérapie, il est essentiel d’éliminer toute infection évolutive, d’où la réalisation d’une sérologie pour l’hépatite B, C et le VIH. Le statut pour le virus varicelle-zona doit être vérifié. La recherche de tuberculose est systématique, notamment via un test Quantiféron® (préciser sur l’ordonnance que ce test est demandé dans le cadre d’un bilan prébiothérapie, afin qu’il soit remboursé). Le bilan de base comprend la numération formule sanguine (NFS), les taux d’ASAT, d’ALAT, de créatinine, et le bilan lipidique pour le tocilizumab.   • Les vaccins doivent idéalement être réalisés 2 à 4 semaines avant le traitement et ne doivent pas retarder sa mise en place. Concernant les vaccins inactivés, le calendrier vaccinal obligatoire et recommandé doit être respecté, notamment celui de la grippe. Pour les enfants sous anti-TNF, anti-IL1, anti-IL6, méthotrexate (MTX) ou corticoïdes < 0,5 mg/kg/j, certains vaccins vivants sont possibles (rougeole-oreillons-rubéole [ROR] et varicelle), tandis que le BCG et le vaccin contre la fièvre jaune sont contre-indiqués.   • Évaluation de l’impact thérapeutique. Il est important de surveiller l’activité de la maladie à l’aide de scores adaptés. Sur le plan biologique, des contrôles doivent être effectués 1 mois après le début du traitement, puis tous les 3 mois tant que la maladie reste active, et ensuite tous les 6 mois. La prise en charge inclut des aspects psychologiques, kinésithérapeutiques, l’éducation thérapeutique du patient, ainsi que le soutien d’associations. La mise en relation avec l’école et le médecin traitant est essentielle.   • Documents utiles : les PNDS (Protocoles nationaux de diagnostic et de soins), le site du CRInflammatoire, la Filière de santé des maladies auto-immunes et autoinflammatoires rares (FAI2R), ainsi que les fiches d’aide à la primoprescription des biothérapies en ville de la Société française de dermatologie, etc.   Une nouvelle génération de tests rapides dans les infections à streptocoque du groupe A   Si les tests de diagnostic rapide (TDR) antigéniques pour le streptocoque du groupe A utilisés en routine ont encore de beaux jours devant eux, certains tests moléculaires rapides sont déjà sur le marché, et ont des performances inégalées. Les tests rapides les plus courants sont les TDR antigéniques qui ciblent l’antigène du groupe A (carbohydrate du groupe A de Lancefield), un polysaccharide de la paroi bactérienne du streptocoque du groupe A (SGA). La détection directe par réaction antigène-anticorps prend 5 minutes, avec une révélation colorimétrique sur une bandelette. Simple, peu coûteux, et efficace. En effet, dans le diagnostic des angines, les performances des TDR antigéniques chez l’enfant affichent une sensibilité moyenne de 85,6 % (IC 95 % : 83,3-87,6) et une spécificité de 95,4 % (IC 95 % : 94,5-96,2)(1). Dans les infections périanales, tournioles, otites perforées, etc., ce TDR fait également preuve de bonnes performances, parfois même supérieures à celles observées dans les cas d’angine. Mais une sensibilité de 85 % est-elle suffisante ? Si l’on considère le phénomène de portage – 10 % des enfants d’âge scolaire sont porteurs asymptomatiques du SGA – la réponse est oui. Car les TDR sont peu performants chez les porteurs (sensibilité de 50 %). Les conséquences sont donc minimes, ce qui reflète les recommandations françaises. En revanche, aux États-Unis, cette sensibilité n’est pas jugée satisfaisante ; c’est pourquoi, en cas de résultat négatif au TDR, une culture est pratiquée.   L’innovation des NAAT   Mais la recherche a progressé et, en 2024, plusieurs innovations sont commercialisées ou proches de l’être : les tests moléculaires rapides, connus sous le nom de NAAT (Nucleic acid amplification test) utilisent des techniques de détection d’acides nucléiques similaires à la PCR. Ils permettent notamment l’identification spécifique d’acides nucléiques, tels que celui de l’exotoxine B (speB), omniprésent chez tous les SGA, de la streptodornase B (sdaB) ou encore d’une protéase (cepA). Ces nouvelles techniques de détection moléculaire (LAMP pour loop-mediated isothermal, HDA pour Helicase-dependent amplification, etc.) utilisent l’amplification isotherme des acides nucléiques, fonctionnant à température constante. Une dizaine de tests moléculaires sont déjà approuvés par la Food and Drug Administration (FDA), parmi lesquels certains fournissent des résultats entre 5 et 30 minutes. Une métaanalyse a évalué leurs performances dans le cadre de l’angine(2). La sensibilité globale était de 97,5 % (IC 95 % : 96,0- 98,5) et la spécificité était de 95,8 % (IC 95 % : 94,4-96,9). Certains experts craignent que la haute sensibilité des tests n’encourage la prescription d’antibiotiques en détectant les porteurs asymptomatiques. Enfin, pour encore plus de simplicité d’utilisation, une idée est de réaliser ces tests directement sur des échantillons de salive. Cette procédure est actuellement testée dans l’étude française PREDISTREP.

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