Publié le 13 fév 2011Lecture 14 min
Les grandes avancées des 50 dernières années en pédiatrie : le développement des SMUR pédiatriques
J. LAVAUD, Ancien responsable du SMUR pédiatrique Necker-Enfants Malades (SAMU de Paris), Président du Comité National de l’Enfance
Les SMUR pédiatriques ont 35 ans. Ils sont peu nombreux, une dizaine en France, mais dans toutes les régions, les pédiatres se sont organisés pour prendre en charge du mieux possible les nouveau-nés et même les nourrissons à transporter d’une structure à une autre, avec les moyens dont ils disposaient en passant des accords avec leur SAMU respectif. Grâce à ce tissu, ils ont contribué à l’importante diminution de la mortalité et de la morbidité des enfants gravement malades ou blessés.
Historique Après la naissance des premiers Services Mobiles d’Urgence et de Réanimation (SMUR) et des premiers SAMU, les équipes de ces nouveaux services étaient dirigées par des anesthésistes réanimateurs adultes, qui n’avaient que peu d’expériences dans le domaine de la néonatalogie et même de la toute petite enfance (1 mois-4 ans). Ils faisaient de leur mieux, mais les particularités physiologiques, leurs pathologies spécifiques et les difficultés techniques rencontrées chez les nouveau- nés et les nourrissons en déroutaient plus d’un. Beaucoup de nouveau-nés, par ailleurs, étaient transportés par des ambulances privées ayant à leur bord un personnel paramédical peu formé aux situations d’urgence néonatale, si bien que nombre d’entre eux parvenaient en très mauvais état dans les unités de réanimation infantile, dont les premières ouvrirent leurs portes en 1965 (G. Huault à St-Vincentde- Paul [Paris] pour la réanimation polyvalente, A. Minkowski à Port-Royal [Paris] pour la réanimation néonatale, M. Cloup à Necker-Enfants Malades pour la réa polyvalente en 1967). Il faudra attendre 1976 pour que, sous l’impulsion du docteur J.-P. Fournet, qui était devenu en 1972 chef du service de pédiatrie, de néonatalogie et de réanimation néonatale du Centre hospitalier intercommunal de Montreuil, le premier SMUR pédiatrique de l’Ile-de-France soit créé, animé par un jeune pédiatre réanimateur de son équipe, Jean-François Egu, rattaché au SAMU 93 du CH Avicenne (Bobigny, 93). Les premiers résultats de cette nouvelle unité spécifique de transport des nouveau- nés et des nourrissons gravement malades furent des plus probants, avec des prises en charge adaptées sur le terrain, des transports de qualité, respectant les principes des unités de réanimation infantile et utilisant un matériel spécifique. L’exemple était donné, il fallait amplifier la dynamique. Ainsi, en moins de deux ans, furent créés respectivement, le SMUR pédiatrique de l’hôpital Antoine Béclère (92 - Clamart - SAMU des Hauts-de-Seine), le SMUR pédiatrique du CHI de Créteil (94 - SAMU 94 Henri-Mondor), le SMUR pédiatrique du CHG de Pontoise (95 - SAMU de Pontoise). Et Paris ? Une première tentative échoua en 1978. La deuxième fut la bonne. Après une préparation de 2 mois, pour compléter une première équipe, composée de pédiatres venant des SMUR 92 et 93, et d’anesthésistes réanimateurs du SMUR adulte Necker- Enfants Malades, qui souhaitaient continuer à transporter des enfants, le SMUR pédiatrique de Paris intra-muros commença à fonctionner le 17 novembre 1979. Les SMUR pédiatriques, une spécificité remarquable Sans nul doute, les SMUR pédiatriques ont permis une amélioration considérable de la prise en charge des nouveau-nés et notamment des prématurés, mais également des nourrissons et des jeunes enfants. Très rapidement, les équipes ne furent composées que de pédiatres, ayant un long parcours de réanimation néonatale et/ou polyvalente ; pour beaucoup d’entre eux, ils continuaient à prendre des gardes dans leurs services de réanimation d’origine, complétant leur formation, approfondissant leurs connaissances ; en outre, ils pouvaient suivre et connaître l’évolution de certains malades transportés dans leurs propres unités. À partir de 1985, certains pédiatres s’installèrent en libéral, tout en continuant à prendre des gardes de SMUR, et d’autres devinrent pédiatres de maternité, d’unités de néonatalogie ou d’urgences hospitalières. Tout cela permit de les enrichir et de connaître la pédiatrie d’urgence sous ses multiples facettes. C’était important, puisque progressivement les SMUR pédiatriques, à côtés des interventions dites secondaires, d’hôpital ou de clinique vers un hôpital spécialisé pédiatrique, commencèrent dès 1985 à intervenir en milieu extrahospitalier (domicile, voie publique, établissements éducatifs ou de garde de jeunes enfants…). Jusqu’en 1998, il n’y avait pas d’infirmière, ni de puéricultrice dans les équipes, qui comprenaient alors un pédiatre réanimateur, un externe en pédiatrie, rarement un interne, un stagiaire (élève d’une profession paramédicale, élève sage-femme, étudiant de spécialité en pédiatrie), et un conducteur ambulancier, titulaire de la capacité d’ambulancier SMUR. Après la publication du décret sur les SMUR en 1997, où l’obligation fut faite d’avoir un personnel infirmier dans toute équipe SMUR, les SMUR pédiatriques purent créer des postes d’infirmières spécialisées en néonatalogie ou en réanimation pédiatrique et/ou de puéricultrices, alors que les externes et les stagiaires en pédiatrie devenaient rares. Un matériel adapté Une des spécificités des SMUR pédiatriques réside dans les matériels et équipements utilisés pour les nouveau-nés et les nourrissons, et les jeunes enfants jusqu’à 6 ans. Dès 1976, tout le matériel nécessaire à la réanimation de deux nouveau-nés (jumeaux) était réuni dans et sur une superstructure dit module pédiatrique adapté au brancard pour le mobiliser. D’abord en métal (aluminium), puis en fibre de carbone plus léger, cet ensemble n’en pesait pas moins de 150 à 160 kg au total avec le matériel. Dans le mdule se trouvaient les 2 bouteilles de 1 m3 d’oxygène et d’air comprimé médical avec leur circuit de délivrance des gaz, souvent mélangés, le respirateur pour les moins d’un an avec son circuit de ventilation, 4 tiroirs dédiés à la ventilation, la perfusion, les médicaments et les solutés de base, le petit matériel médical d’urgence, des emplacements pour les catheters ombilicaux et les drains dans leurs étuis rigides et longs. Au-dessus, sur le plateau, trônait l’incubateur de transport, délivrant d’abord la chaleur par convection, puis très vite apparurent les premiers incubateurs à voûte radiante avec une électrode thermique cutanée pour l’autorégulation du chauffage. Module de transport (P. André). On y dispose aussi les autres appareils, aspirateur de mucosités, monitorage de la PaO2 et de la PaCO2, 3 à 4 pousse-seringues, appareil de PA par méthode oscillométrique (Dinamap) + oxymètre de pouls + cardiomoniteur, dorénavant fondus en un seul appareil pluriparamétrique, permettant de suivre au mieux les constantes de l’enfant : FR-FC-PA syst.diast. moyenne - SaO2-tracé ECGTcPCO2. Pour les nourrissons et les petits enfants jusqu’à 6 ans, l’incubateur est remplacé par un petit matelas à dépression. Au-dessus de 6-7 ans, les équipes utilisent les brancards adultes standards, avec les mêmes appareils de ventilation que les adultes. Un plateau installé au-dessus des jambes de l’enfant supporte tous les matériels, sauf le respirateur accroché au bord métallique latéral du brancard. Pour les interventions dites primaires, les équipes, après avoir été munies de valises en cuir ou de boîtes à outils métalliques ou plastiques, disposent désormais d’un sac à dos, spécifique enfant, pour les moins de 7-8 ans. Un deuxième sac à dos comprend le matériel destiné au grand enfant, à l’adolescent et à l’adulte. L’interSMUR pédiatrique de l’Ile-de-France Dès 1980, à l’initiative de tous les responsables médicaux des SMUR pédiatriques de l’Ile-de-France, il fut décidé de travailler en commun pour améliorer la rapidité d’intervention auprès des enfants malades ou blessés, et uniformiser leur prise en charge. L’interSMUR pédiatrique de l’Ilede- France regroupa les SMUR pédiatriques des départements 75, 92, 93, 94 et 95, seul SMUR ne faisant pas partie de l’AP-HP. Pour des problèmes de politique interne, le SMUR pédiatrique 94 cessa de fonctionner en 1986. L’interSMUR pédiatrique pouvait aligner, avec la création du SMUR de l’hôpital Robert-Debré en 1989, 6 équipes H24 et 2 équipes de jour 8-18 h, plutôt dédiées aux transports programmés, rendez- vous d’examens spécifiques (fibroscopie, échographie, scanner, etc.), entrées ou sorties de bloc opératoire ou transports entre unités de réanimation, de soins intensifs ou de spécialité. Un cahier de régulation a défini les différents secteurs d’intervention de chaque SMUR et la rebascule automatique vers le SMUR pédiatrique le plus proche du lieu d’intervention en cas d’indisponibilité du SMUR initial. L’interSMUR a établi une feuille de transport commune, autodupliquée en 2 exemplaires, l’original étant destiné au service récepteur, les deux copies pour le SMUR pédiatrique (registre des transports) et pour les archives du SAMU de tutelle. L’interSMUR pédiatrique se réunit tous les mois ou tous les 2 mois pour évoquer tous les problèmes de nos unités, mais aussi les travaux de communications collégiales pour les congrès ou de rédaction d’articles médicaux ou de livres ; c’est le cas notamment pour l’ouvrage Réanimation et transport d’urgence pédiatriques édité pour la première fois en 1985 et réédité déjà 5 fois (dernière édition, 2005), dont le succès et l’originalité reviennent à son côté didactique et surtout aux remarquables dessins et planches de notre collègue le docteur Pascal André (figure). Chaque année, entre 6 700 et 6 850 enfants sont pris en charge par les SMUR pédiatriques de l’Ilede- France. Un net tassement des interventions dans les maternités s’est manifesté depuis la publication des décrets périnatalité du 9 octobre 1998, mais l’augmentation des interventions dites primaires a compensé en grande partie la baisse du nombre de nouveau-nés transportés. Des transports lourds En gros, parmi les transports, on relève 55 % de nouveau-nés (0- 28 jours) dont les 4/5 sont pris en charge en maternité. Si la part des prématurés a chuté nettement avec le développement des transferts in utero vers les maternités de niveau III, on note un pourcentage élevé de nouveau-nés à terme vu la gravité de leurs pathologies, quelles qu’en soient les causes et les circonstances. Les nourrissons (29 j-2 ans) représentent 25 % des transports, les petits enfants (2-6 ans) 10 %, les grands enfants, ados et préados 10 %. Les transports dits primaires vont de 10 à 30 % selon les SMUR. Au total, 45 % des enfants sont intubés, ventilés (rares trachéotomies). De nombreux nouveaunés et nourrissons (bronchiolite) sont, par ailleurs, soumis à des ventilations non invasives. Ainsi, 80 % des malades sont sous oxygénothérapie ; 90 % sont perfusés ; 85 % reçoivent des médicaments ; 10 % ont besoin d’un remplissage vasculaire (exceptionnellement une transfusion). Le SMUR pédiatrique Robert- Debré s’est spécialisé dans le transport des enfants et des nouveau- nés porteurs d’une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) et devant subir une assistance respiratoire extracorporelle (AREC). Au fil du temps, les méthodes se sont affinées : sédation-analgésie presque constante, aspects psycho- familiaux mieux pris en compte. Grâce à une meilleure prise en charge des nouveau-nés en maternité par les équipes locales, fruit de la fermeture de nombreuses petites maternités ou de la restructuration, du regroupement ou du déplacement de nombreux établissements (maternité I ou II devenant des centres III par transfert dans des centres hospitaliers universitaires, régionaux ou départementaux), les SMUR pédiatriques trouvent le plus souvent des nouveaunés bien mis en condition à leur arrivée. Et en Province ? Dans quelques grandes villes, des unités spécifiques de SMUR pédiatriques se sont rapidement créées dès le début des années 80, comme Lille, Toulouse, Grenoble, Poitiers, mais il fallut attendre de nombreuses années pour que d’autres SMUR pédiatriques autonomes soient créés à Lyon ou Bordeaux. Deux conditions doivent être réunies pour ouvrir un SMUR pédiatrique : un nombre de pédiatres réanimateurs suffisant (au minimum 8) et une masse critique d’environ 1 200 interventions et de transports supérieure à 1 000 par an. En fait, dans beaucoup de régions, les pédiatres et notamment ceux des unités de réanimation néonatale ou de soins intensifs pédiatriques s’entendirent avec leurs SAMU pour prendre en charge les transports pédiatriques dits secondaires, notamment néonataux. Les pédiatres s’occupaient d’entretenir le module de transport pédiatrique avec tout son matériel, d’établir une liste de garde spécifique ou d’astreinte pour les transports d’urgence, et le SAMU fournissait l’ambulance et le conducteur ambulancier. Ce système fonctionne très bien, même de nuit, quand il n’y a pas plus de 200 interventions par an. Dans d’autres régions ou départements, ce sont des anesthésistes réanimateurs adultes qui, ayant la fibre pédiatrique, assurent les transports pédiatriques, quand il y en a. Malheureusement, dans beaucoup de régions, ce sont désormais des urgentistes adultes qui transportent tous les enfants (les anesthésistes réanimateurs ont disparu depuis longtemps des équipes de transport). Leur bagage médical pédiatrique est très mince, et ils craignent de se retrouver à transporter des nouveau- nés ou des nourrissons, et encore plus de les prendre en charge en primaire, sur le terrain, notamment à domicile. Certes, il existe des DU et DIU d’urgences pédiatriques ou de réanimation et de transport d’urgences pédiatriques, mais ce ne sont pas quelques dizaines d’heures de cours, quelques travaux pratiques ou jours de stage, qui remplaceront 4 années de pédiatrie (bientôt 5), et des stages de plusieurs mois en réanimation pédiatrique, aux urgences hospitalières et/ou en maternité. De nombreuses formations sont dispensées aux personnels médicaux et paramédicaux des urgences et des SMUR, qui prennent de plus en plus d’enfants en situation d’urgence ou se présentant aux urgences. Cela est dû à la raréfaction des pédiatres et à la disparition de certaines urgences pédiatriques hospitalières spécifiques, qui accueillaient alors jusque-là les enfants. Dans nombre d’hôpitaux, où il existe un service de pédiatrie, ce sont les urgentistes qui prennent maintenant en charge les urgences pédiatriques avec un pédiatre référent d’astreinte. Les SMUR pédiatriques, un acquis menacé Alors que la restructuration hospitalière a fait disparaître beaucoup de maternités et de nombreux services de pédiatrie, il est indéniable que de nombreux enfants vont se présenter de plus en plus aux urgences d’hôpitaux d’adultes où, après avoir reçu des premiers soins plus ou moins appropriés, ils devront être transférés, donc transportés dans d’autres hôpitaux, pédiatriques ou possédant un service de pédiatrie. Pour assurer ces transports, il est indispensable de disposer d’équipes compétentes en pédiatrie, sachant faire les gestes de réanimation pour assurer une excellente qualité des soins et une sécurité maximale du malade. Nous ne tendons pas actuellement vers cette excellence et ma crainte est d’observer un retour en arrière. Le SMUR pédiatrique 94 de Créteil a disparu (1986), faute de recrutement de pédiatres rompus à la réanimation, notamment néonatale, et sans volonté ni véritable appui de son SAMU de tutelle (94 - Henri-Mondor). Puis ce fut au tour du SMUR pédiatrique d’Argenteuil en 1998, pour assurer soi-disant un meilleur fonctionnement de l’autre SMUR pédiatrique du 95, situé à Pontoise, au siège même du SAMU 95. Ce SMUR de Pontoise rencontra rapidement les mêmes difficultés de recrutement médical, couplées à des problèmes de personnel infirmier et de conducteur ambulancier. Depuis 5 ans, il est fermé de minuit à 8 h du matin. Puis ce fut le tour du SMUR pédiatrique de Necker-Enfants Malades, en 2008, après le départ de son médecin responsable, créateur et animateur pendant 28 ans, et de plusieurs des pédiatres de l’équipe qui n’ont pas pu être compensés par quelques embauches fragiles et insuffisantes pour un fonctionnement 24 heures sur 24. Alors que ce SMUR n’avait jamais connu un jour de fermeture en plus de 28 ans, il est désormais obligé de fermer plusieurs plages de 12 heures par mois ; son indisponibilité est actuellement compensée par l’équipe du SMUR pédiatrique de l’hôpital Robert-Debré. Les équipes des SMUR pédiatriques 92 et 93 vieillissent. Le recrutement est toujours difficile, car on ne s’improvise pas transporteur SMUR pédiatrique. Il faut du temps, de l’énergie, du compagnonnage, de la persévérance, des connaissances pédiatriques certes, mais aussi de l’expérience et un passage obligé en réanimation pour bien posséder les bases de la réanimation. Le SMURiste est seul avec son infirmière ou sa puéricultrice et le conducteur ambulancier.
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