publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Pédiatrie générale

Publié le 16 nov 2008Lecture 9 min

Les erreurs diagnostiques en urgence pédiatrique, quelles causes et comment les prévenir ?

A. MARTINOT, N. ABOFAZL, Hôpital Jeanne-de-Flandre, Lille

La crainte d’une erreur diagnostique est d’autant plus importante que l’exercice médical expose à des affections graves pouvant bénéficier d’un traitement efficace à condition d’être précoce. Ces situations d’urgences thérapeutiques nécessitent avant tout une reconnaissance diagnostique précoce qui expose à deux grands types d’erreurs : de diagnostic et de sous-évaluation de la gravité. Ce risque d’erreurs est diminué par une meilleure connaissance des situations les plus à risque et des points de faiblesse de la démarche clinique.

 
Les situations les plus à risque d’erreur Une revue systématique de la littérature des plaintes en pédiatrie nous a permis d’identifier les principales situations à risque d’erreur à partir de six articles, tous issus de données nord-américaines, et d’une compilation de 227 cas exposés dans la rubrique « Legal briefs » de Pediatric Emergency Care entre 2000 et 2006 (1). L’incidence des plaintes ayant donné lieu à une indemnisation était deux fois moindre chez l’enfant que chez l’adulte (5,6/100 000 vs 10,0/100 000) dans la base « National Practitioner Data Bank (NPDB) » rassemblant les données de tous les cas d’indemnisation (après accord ou jugement) de patients aux États-Unis, dont la déclaration est obligatoire pour tous les assureurs en responsabilité civile (2). Dans cette même base, 44 % des 4 107 enfants étaient âgés de moins de 1 an. Les nourrissons de moins de 2 ans représentaient entre 32 et 52 % des cas dans 4 autres études. Les affections le plus souvent en cause étaient les méningites et gastro-entérites chez les nourrissons, p l u s l e s syndromes occlusifs et les pneumopathies jusque 5 ans, les appendicites et les traumatismes après 5 ans, auxquels se rajoutaient les torsions testiculaires après 12 ans. Méningites, appendicites et traumatismes représentaient 43 % des plaintes dans les services d’urgences. Si les erreurs donnant lieu à des plaintes étaient plus fréquentes chez les plus jeunes, les conséquences étaient aussi plus graves : 87 % et 96 % de décès ou de séquelles majeures dans les tranches 0-2 ans et 3-5 ans contre 63 % entre 6 et 18 ans, s’expliquant par les différences de diagnostic déjà mentionnées. Les données disponibles en France sont celles du conseil médical du Groupe des Assurances mutuelles médicales couvrant en responsabilité civile professionnelle de 60 % des pédiatres français. Entre 1994 et 2005, 421 cas de demandes d’indemnisation chez des enfants (dont 287 hors période néonatale) étaient répertoriés, soit une incidence moyenne de 1,11/100 pédiatres en France, contre 1,74/100 chez les adultes. Les pédiatres libéraux étaient plus souvent mis en cause que les hospitaliers (incidence de 1,44 vs 0,76/100). Une erreur diagnostique était mentionnée dans 25 % des cas (hors période néonatale). En pédiatrie entre 1994 et 2005, sur 287 demandes d’indemnisation (hors période néonatale), une erreur diagnostique était mentionnée dans 25 % des cas.   Les principales erreurs par sous-estimation de la gravité Les signes de gravité sont identifiés par l’interrogatoire et la simple inspection de l’enfant. La nécessité de reconnaître la gravité au téléphone pour déterminer l’urgence d’examiner l’enfant est de plus en plus fréquente. La difficulté de l’interrogatoire téléphonique justifie un interrogatoire structuré. Le plan le plus habituel pour apprécier la gravité d’un symptôme est d’évaluer la gravité 1) du symptôme lui-même, 2) du terrain, 3) des causes possibles (figure) (3). Des guides ou livres d’aide à l’orientation sont utiles (4,5).   Interrogatoire au téléphone pour le diagnostic de gravité d’une fièvre du nourrisson. L’analyse du comportement (contact avec les parents, qualité des pleurs, rapports au jeu, à l’alimentation), de la respiration, et de la coloration représente les bases de cette évaluation. La sous-estimation de la gravité provient le plus souvent d’une insuffisance de prise en compte du trépied des signes essentiels que sont une tachycardie, une polypnée, qui doivent toujours être mesurées et notées, et un état d’agitation présent en cas d’hypoxémie, d’hypercapnie ou d’état de choc débutant. L’inspection de l’enfant, et particulièrement l’appréciation du comportement spontané de l’enfant, est un temps essentiel (motilité spontanée, intérêt pour l’environnement), avec l’analyse de la coloration, de la respiration, des sueurs et cernes oculaires. Cette inspection s’effectue chez le jeune enfant dans les bras de ses parents tout au long de l’interrogatoire (pour éviter si possible les pleurs). Les évaluations systématisées des fonctions respiratoires (fréquence respiratoire, ampliation thoracique, signes de lutte, signes d’hypoxémie, signes d’hypercapnie) et circulatoires (fréquence, pouls périphériques, perfusion centrale, perfusion cutanée, pré-charge et pression artérielle) permettent une évaluation fiable de la gravité. La sous-estimation de la gravité d’une situation provient le plus souvent de l’insuffisance de prise en compte de 3 signes : tachycardie, polypnée et état d’agitation.   Les principales causes des erreurs de diagnostic Les erreurs de diagnostic résultent du mauvais respect d’une ou de plusieurs étapes de la démarche diagnostique schématisée dans l’encadré. Deux causes sont particulièrement fréquentes : l’omission d’un symptôme associé (étape 2) et l’omission d’une hypothèse diagnostique (étape 3).   Principales étapes de la démarche diagnostique Interrogatoire • Identification puis caractérisation du symptôme d’appel (motivant la consultation). • Recherche et caractérisation des symptômes associés. • Élaboration des hypothèses diagnostiques. • Interrogatoire selon chacune des hypothèses diagnostiques. • Point sur les hypothèses diagnostiques restant après l’interrogatoire. Examen clinique • Examen clinique guidé selon chacune des hypothèses diagnostiques. • Point sur les hypothèses diagnostiques restant après l’examen clinique aboutissant à une évaluation des probabilités des différentes affections (probabilité « pré-test »). Examens complémentaires • Examens complémentaires éventuels selon chacune des hypothèses diagnostiques. • Point sur les hypothèses diagnostiques restant après les examens complémentaires aboutissant à une évaluation des probabilités des différentes affections (probabilité « post-test »). • Synthèse des hypothèses : probabilité, gravité, urgence. Prise de décisions • Thérapeutiques • Surveillance • Réévaluations éventuelles   Les erreurs par insuffisance d’évaluation d’un symptôme  Les symptômes « pièges » Le symptôme peut égarer vers une mauvaise localisation de l’affection : douleurs abdominales dominant les signes respiratoires d’une pneumopathie débutante, douleurs « projetées » du genou pour les affections de la hanche. Le symptôme peut être atypique à certains âges : expression différente de la douleur sous forme d’un aspect figé chez le jeune enfant, hypotonie axiale dans les méningites du nourrisson, symptômes d’occlusion fébrile dans l’appendicite du nourrisson diagnostiquée au stade de péritonite. La symptomatologie, chez l’enfant, peut égarer vers une mauvaise localisation de l’affection.    L’omission d’un symptôme L’omission d’un symptôme du fait d’un interrogatoire incomplet constitue une cause majeure d’erreur diagnostique. Le symptôme peut être omis car fugace (arrêt précoce de la toux et de tout signe respiratoire après inhalation d’un corps étranger endobronchique) ou masqué par un traitement symptomatique. Les symptômes les plus fréquemment associés au symptôme d’appel doivent être recherchés. Un moyen efficace de compléter cette recherche est de remonter au premier symptôme anormal puis de demander « et la veille, était-il comme d’habitude ? » permettant aux parents d’exprimer spontanément un nouveau symptôme. Puis à partir de ce premier jour du premier symptôme, on précise chronologiquement la persistance chaque jour de chaque symptôme.   Les erreurs par omission d’une hypothèse diagnostique L’omission d’une hypothèse diagnostique constitue la deuxième grande cause d’erreur diagnostique du fait de tableaux étiologiques mal ordonnés ou insuffisamment connus. Les ouvrages de diagnostics différentiels ne comportent généralement que des listes de causes, certes complètes mais non hiérarchisées et difficiles à retenir. C’est souligner l’importance de créer des tableaux étiologiques bien classés. L’élément le plus important est que figurent toujours en tête de colonne les affections graves, urgentes et traitables. Les colonnes peuvent représenter des grands types de causes (infectieuses, traumatiques, toxiques, métaboliques, etc., par exemple pour le tableau des convulsions occasionnelles), ou des causes chirurgicales et médicales avec des sous-classes topographique (abdominales/ extra-abdominales), comme dans l’exemple des douleurs abdominales. La présentation du tableau doit favoriser une mémorisation photographique. Cet ordonnancement permet de passer en revue les différentes causes et de poser pour chacune les questions appropriées, puis de guider l’examen de façon adaptée.   Les erreurs par absence d’anticipation d’une aggravation secondaire Le risque d'aggravation secondaire doit être apprécié, notamment avant tout retour au domicile. Les situations suivantes doivent amener à être particulièrement attentifs compte tenu du risque important de survenue rapide d’une complication grave, essentiellement chez le nourrisson (et d’autant plus que celui-ci est plus jeune) : fièvres (méningite, sepsis), gastro-entérite (choc par déshydratation), polypnée, cris et refus du biberon (syndromes occlusifs), traumatismes crâniens (hématomes intracrâniens). Dans toutes ces situations, la complication peut survenir très précocement après l’examen de l’enfant. Il convient donc d’apprécier le risque pour les parents de ne pas la reconnaître à temps : niveau de compréhension des parents, possibilités pour ceux-ci de réagir (téléphone, véhicule). Les conseils de surveillance avec les indications de consulter de nouveau sont essentiels : ils doivent être simples et faciles à apprécier pour les parents. L’intérêt de lire avec eux puis de leur remettre des « fiches conseils » pour les affections les plus fréquentes est supérieur à des explications isolées ou un document remis sans lecture préalable. Les preuves de l'examen et notamment l’indication des signes négatifs, des fréquences cardiaque et respiratoire sont des précautions essentielles vis-à-vis du risque médico-légal.   En Pratique, on retiendra • L’importance d’un interrogatoire structuré, chronologique remontant au premier symptôme anormal, puis déclinant les principales hypothèses diagnostiques en privilégiant les urgences thérapeutiques. • La qualité du temps d’inspection de l’enfant et l’indispensable recherche des signes de gravité que constituent la tachycardie et la polypnée. • L’évaluation formalisée systématique respiratoire et circulatoire. • La qualité des conseils de surveillance et des motifs de consulter de nouveau.  

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  •  
  • 1 sur 22

Vidéo sur le même thème