Publié le 25 fév 2010Lecture 6 min
Le granulome aseptique de la face
E. MAHÉ, Hôpital Ambroise-Paré, Boulogne-Billancourt
Observation 1 Laure, 24 mois, présentait depuis 9 mois deux lésions violines du visage, non douloureuses ; son état général était excellent et elle ne présentait pas d’antécédents notables. La première lésion, mandibulaire droite (figure 1, lésion 1), était apparue 9 mois auparavant. Elle était alors devenue violine, la taille était évaluée rétrospectivement par les parents à environ 1,5 cm de diamètre. Cette lésion involuait spontanément depuis 3 mois : le jour de l’examen, elle était légèrement violacée, dépressible, molle et mesurait 5 mm de diamètre. La seconde lésion (figure 1, lésion 2) était apparue il y a 3 mois et touchait la joue droite. Elle mesurait, lors de la première consultation, 1,2 cm de diamètre, était violine, légèrement inflammatoire, molle, sans lésion ferme sous-jacente. L’examen ne retrouvait pas de lésion à distance, ni cutanée ni muqueuse. Les aires ganglionnaires étaient libres. Observation 2 Ethan, 3 ans, présentait depuis 6 mois une lésion de la joue droite, ayant progressivement augmenté de volume. Ethan était lui aussi en excellent état général et ne présentait pas d’antécédent notable. Figure 1. Deux granulomes aseptiques sur le visage d’une enfant de 18 mois. Cette lésion de 2,5 cm de grand axe était non douloureuse ni spontanément, ni à la palpation. Elle était bombée, violine et molle. Le reste de l’examen était strictement normal, notamment il n’était pas noté d’adénopathies satellites. Diagnostic retenu Devant ces lésions à type d’abcès froid chronique du visage sans terrain associé, sans tumeur sousjacente évidente, spontanément régressive dans le premier cas, chez des enfants en bas âge, le diagnostic retenu a été celui de granulome aseptique de la face. Une antibiothérapie par macrolide pendant 1 mois a été instituée chez les deux enfants, sans succès évident. La régression complète des deux lésions (légère cicatrice molle) a été constatée en 15 mois chez le premier enfant. Chez le second enfant, après 9 mois de surveillance, la taille de la lésion avait diminué de 50 %, elle était moins épaisse, mais le caractère violine persistait. Commentaires Les aspects cliniques et évolutifs de cette entité ont récemment été précisés par le Groupe de recherche clinique en dermatologie pédiatrique sur une série de 30 enfants français. • La présentation clinique est relativement stéréotypée. La lésion est un nodule inflammatoire, violine, non douloureux (« froid »), localisé sur le visage. Aucun terrain prédisposant n’a été identifié, mais un lien avec l’acné rosacée de l’enfant est discuté. L’âge d’apparition de ces lésions est en moyenne 3-4 ans. Le plus souvent unique, plusieurs lésions peuvent cependant être observées, jusqu’à 3 dans l’étude française et 2 dans la première observation décrite ici. La localisation privilégiée est la joue (territoire de la racine nerveuse V2) avec quelques lésions observées sur la zone maxillaire. La lésion est le plus souvent violine, molle ou élastique, non douloureuse spontanément et à la palpation. Elle n’est pas associée à des signes inflammatoires loco-régionaux (pas d’adénopathie) ni généraux (apyrexie, pas de syndrome inflammatoire biologique). Les examens complémentaires sont peu informatifs. • L’examen bactériologique est négatif mais peut révéler la présence de pyogènes en cas de poussées inflammatoire de la lésion. Ils sont alors probablement le témoin d’une surinfection. • L’évolution est spontanément favorable en 1 à 2 ans, sans séquelle esthétique rapportée. Il semble cependant pouvoir persister une atrophie sous-cutanée cicatricielle. • La physiopathologie de ces lésions reste obscure. S’il existe un lien avec l’acné rosacée de l’enfant, une des hypothèses émise par le groupe français est celle de la persistance de reliquats embryonnaires comme on l’observe avec les kystes branchiaux ou thyréoglosses. • Le traitement n’est pas codifié. Si en début de poussée, une antibiothérapie générale dirigée contre les pyogènes est souvent prescrite, le traitement à la phase chronique n’est pas codifié. Un traitement par métronidazole oral est proposé par les auteurs, mais son efficacité n’est pas confirmée par de nouvelles séries. Une ponction permet d’évacuer le pus sous-jacent, mais ne semble pas réduire l’évolution de la lésion. Un geste chirugical est indiqué en cas de suspicion de pilomatricome associé afin d’éviter de nouvelles poussées inflammatoires, mais là aussi, il semble sans intérêt pour réduire l’évolution du processus ; il est par ailleurs responsable de cicatrices du visage. La chirurgie pourrait avoir un intérêt si les lésions ne montrent pas de signes de régression au-delà d’un an. Il est donc important de savoir rassurer les parents quant à l’évolution de cette lésion. Diagnostics différentiels Dans la petite enfance, les principaux diagnostics à éliminer devant des abcès « froids » du visage sont : des lésions infectieuses. Un abcès bactérien sera plus volontiers aigu et inflammatoire. Un abcès à mycobactéries se développera chez un enfant ayant un terrain prédisposant, comme un déficit immunitaire qui devra être recherché au moindre doute. D’autres infections comme la leishmaniose cutanée peuvent aussi être observées, mais elles sont exceptionnelles chez les enfants n’ayant pas voyagé ; un pilomatricome. Cette tumeur bénigne touche volontiers le visage. Après une poussée inflammatoire, l’aspect bleu violine, avec à la palpation, une lésion molle, peut être observé. La palpation mettra en évidence une tumeur sous-jacente souvent très ferme. En cas de doute diagnostique, une intervention chirurgicale permettra de retirer la lésion ; un granulome pyogénique (botriomycome) ré-épidermisé. La lésion est là aussi « froide » mais plus ferme. L’anamnèse peut retrouver une phase initiale à type de tumeur saignotante au moindre frottement ; l’acné nodulo-kystique de l’enfant. Dans ce cas, il existe le plus souvent d’autres lésions de la lignée de l’acné : nombreux nodules, microkystes, comédons, ou pustules. Ces lésions touchent les deux joues et peuvent même être plus diffuses sur le visage. L’anamnèse permet de mettre en évidence des poussées répétées de lésions.
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