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Pneumologie

Publié le 24 fév 2010Lecture 12 min

La fibroscopie bronchique pédiatrique à l’aube du XXIe siècle

J.d e BLIC, Hôpital Necker-Enfants Malades, Paris
Les fibroscopes souples ont été introduits en pédiatrie au milieu des années 70. Auparavant, seule l’endoscopie rigide était disponible et les indications souvent limitées à la recherche et à l’extraction des corps étrangers. La miniaturisation du matériel conçu initialement pour les adultes a permis son application à des patients de plus en plus petits, en même temps que les indications se sont considérablement élargies. Les progrès concernent le matériel, la réalisation en particulier la sédation, la place de l’endoscopie dans l’arsenal pneumologique et l’ouverture vers l’endoscopie interventionnelle. 
De quel matériel disposons-nous ? Cinq diamètres d’endoscopes sont disponibles actuellement selon l’âge de l’enfant. • L’appareil le plus utilisé chez l’enfant a 3,6 mm de diamètre externe. Il dispose d’un canal interne de 1,2 mm qui permet la réalisation de lavage bronchoalvéolaire (LBA). Il peut être utilisé chez le nourrisson. • Pour le nouveau-né et le petit nourrisson existe un appareil de 2,7 mm. Il possède un canal opérateur de 1,2 mm et donc toutes les fonctionnalités du fibroscope précédant mais avec une section 40 % plus petite. • Pour les plus grands (à partir d’un poids de 15-17 kg), existe un fibroscope de 4,9 mm, avec un canal de 2 mm pour le passage de pince à biopsies. • Pour les enfants en réanimation néonatale, il existe un endoscope de 2,2 mm. Il ne dispose pas de canal interne et ne permet donc aucun geste thérapeutique ni prélèvement. • Enfin, il existe un endoscope hybride de 4 mm, associant fibres optiques et capteurs CCD qui améliorent considérablement la qualité de l’image. La présence un d’un canal opérateur de 2 mm permet la réalisation de biopsies bronchiques chez le jeune enfant. Progressivement, les vidéo-endoscopes qui comportent des capteurs CCD, avec transmission de l’information par la fibre optique, remplacent les fibroscopes. L’image est plus grande et sa qualité incomparablement meilleure. La miniaturisation de la technique est une limite au tout-vidéo.   Quelle sédation ? En l’espace de quelques années, la proportion d’endoscopies réalisées sous anesthésie locale versus anesthésie générale s’est complètement inversée. Ceci est lié à plusieurs éléments : une reconnaissance du vécu des enfants des gestes semi-invasifs, une meilleure utilisation des médicaments anesthésiques, des pathologies à explorer de plus en plus lourdes. Le temps où l’enfant était emmailloté dans une alèze et étroitement contenu par un agent hospitalier après une administration intrarectale d’un barbiturique est révolu ! De nombreux protocoles de sédation sont utilisables. Leur emploi dépend des habitudes de l’opérateur, de la disponibilité d’un anesthésiste, de l’état général et/ou respiratoire de l’enfant. Actuellement, la sécurité du propofol en intraveineux et/ou du sévoflurane en inhalation permettent des gestes en toute sécurité. C’est le choix que nous avons fait à l’hôpital Necker-Enfants Malades (Paris) et quasiment la totalité des endoscopies est réalisée sous anesthésie générale. D’autres équipes restent fidèles à l’association de midazolam (par voie intrarectale ou intraveineuse, voire sublinguale) et l’inhalation du mélange équimolaire O2/ N2O, le fameux gaz « hilarant » qui a des effets relaxants et antalgiques indiscutables. L’important est d’assurer pour l’enfant, un effet antalgique, un effet relaxant, une amnésie, et pour l’opérateur et l’équipe une sécurité et une sérénité pendant l’examen. L’examen endoscopique standard est court et ne prend que quelques minutes. Il peut être réalisé en hôpital de jour, les parents pouvant rejoindre le ur enfant en salle de réveil très rapidement. Le temps où l’enfant était emmailloté et contenu dans une alèze après une administration intrarectale d’un barbiturique est révolu ! Les endoscopies sont désormais enregistrées et stockées, ce qui permet de discuter si besoin à plusieurs des anomalies observées, de comparer deux examens à quelques semaines ou mois d’intervalle, surtout si l’examen n’est pas fait par le même opérateur, et de réaliser des montages d’enseignement. Exit les diapositives d’images figées et souvent floues…   Quelles indications ? On peut de façon arbitraire distinguer les indications selon que l’enfant est en ambulatoire, en hospitalisation générale ou en unité spécialisée. Les principales indications sont regroupées tableau 1. L’indication d’une endoscopie bronchique dépendra beaucoup du contexte et du terrain sous-jacent. Le problème d’une opacité du lobe moyen n’est pas le même chez un enfant sans maladie sous-jacente connue et chez un enfant traité pour une hémopathie maligne ; chez un jeune nourrisson l’urgence n’est pas la même pour une laryngomalacie musicale et une dyspnée bruyante aux deux temps.   En pédiatrie ambulatoire La recherche d’un obstacle sur les voies aériennes constitue l’indication la plus fréquente. Les symptômes et les anomalies radiologiques qui doivent y faire penser et demander une endoscopie bronchique sont nombreux et variés (tableau 2). Quelques exemples montrent l’intérêt de l’endoscopie bronchique en pédiatrie ambulatoire. La recherche d’un obstacle sur les voies aériennes constitue l’indication la plus fréquente. ● Méconnaître un obstacle chez un enfant adressé pour asthme du nourrisson. Classiquement, et les recommandations récentes de l’HAS vont dans le même sens, on parle d’asthme à partir de 3 épisodes sifflants avant 3 ans ET en l’absence d’une autre étiologie, ce qui implique d’avoir réalisé au moins une radiographie de thorax. De nombreuses pathologies peuvent simuler un asthme. La possibilité d’un obstacle sur les voies aériennes doit être évoquée lorsque les manifestations sont atypiques, trop fréquentes et/ou trop sévères : un nourrisson asthmatique n’a aucune raison d’avoir une dyspnée bruyante, aux deux temps, en dehors des exacerbations. Les obstacles sont rarement dans ce cas un corps étranger inhalé méconnu, mais plus souvent des malformations congénitales à type de sténose (figures 1 et 2), des compressions par des anomalies des arcs aortiques (figure 3) ou une trachéomalacie définie par un aplatissement réduisant la lumière d’au moins 50 % à l’expiration, à la toux ou en respiration spontanée. Un nourrisson asthmatique n’a aucune raison d’avoir une dyspnée bruyante, aux deux temps, en dehors des exacerbations. ● Éliminer ou confirmer un corps étranger. La question de la décision de l’endoscopie et du choix de l’endoscope ne se pose généralement pas lorsqu’il y a eu un syndrome de pénétration net. Figure 1. Sténose trachéale congénitale. On réalise alors une endoscopie au tube rigide bien que ce dogme de l’extraction au tube rigide commence à être battu en brèche. Figure 2. Diaphragme sous-glottique congénital. En revanche, quand les symptômes respiratoires ne sont pas spécifiques après un syndrome de pénétration ou s’il existe des anomalies radiologiques suspectes sans notion de syndrome de pénétration, on réalise une endoscopie exploratrice au tube souple suivie d’une extraction au tube rigide si le corps étranger est retrouvé ; toutefois, dans ce contexte, la fibroscopie est plus fréquemment négative. D’une façon générale, après un syndrome de pénétration, lorsqu’il n’existe plus aucune manifestation clinique ou radiologique, l’indication de l’endoscopie, geste simple et rapide, doit rester très large. ● Rechercher un obstacle en cas de dyspnée bruyante (tableau 2). Une dyspnée inspiratoire est d’origine laryngée, une dyspnée expiratoire est bronchiolaire et une dyspnée aux deux temps est trachéale. Même chez un petit nourrisson dont le stridor est musical, il est important de s’assurer que la laryngomalacie est isolée et qu’il n’existe pas de trachéomalacie associée. Les obstacles au niveau de la trachée peuvent être intrinsèques (sténose, corps étranger, tumeurs, granulome) ou extrinsèques (compression vasculaire par une anomalie aortique, une artère pulmonaire gauche anormale, compression par une adénopathie (figure 4), une malformation kystique, une tumeur médiastinale). C’est aussi la recherche d’un obstacle plus distal qui motive l’endoscopie en cas de foyers récidivants ou persistants.   En hospitalisation générale ● Au cours de la primo-infection tuberculeuse, l’endoscopie est indiquée en cas de tuberculose maladie, c'est-à-dire essentiellement lorsqu’il existe des anomalies radiologiques. Par opposition à l’adulte, la tuberculose de l’enfant est avant tout médiastinale et les opacités parenchymateuses sont la conséquence de la compression et/ou de la fistulisation des adénopathies dans les voies aériennes (figure 4). L’endoscopie permet alors de préciser le type de lésions endobronchiques, compression, granulome, caséum qui sont souvent sous-estimés par la simple radio du thorax. Elle permet des prélèvements pour l’identification du bacille de Koch, en particulier grâce aux techniques de PCR. Enfin, l’endoscopie permet de suivre l’évolution des anomalies constatées et guide la corticothérapie et l’indication d’une exérèse des granulomes, voire l’indication d’une adénotomie chirurgicale en urgence. En dehors de la tuberculose, les indications en pathologie infectieuse sont beaucoup plus rares et limitées aux enfants immunodéprimés. En dehors de la tuberculose, les indications infectieuses sont beaucoup plus rares et limitées aux enfants immunodéprimés. ● Au cours des dilatations des bronches (DDB), l’endoscopie apporte différents renseignements : anatomique en recherchant un obstacle en cas de DDB localisées, bactériologique par l’analyse quantitative des secrétions, étiologique par les brossages et les biopsies bronchiques en cas de suspicion de dyskinésie ciliaire (figure 5). Elle permet aussi d’apprécier l’étendue de l’inflammation et de la suppuration souvent sous-estimée par l’enfant et sa famille. C’est une aide incontournable avant une décision chirurgicale.   Figure 3. Empreinte d’une anomalie des arcs aortiques. ● Une atélectasie persistante doit faire pratiquer une endoscopie sans délai, à défaut de quoi peuvent s’installer des DDB.   Figure 4. Compression bronchique par une adénopathie tuberculeuse. Il peut s’agir d’une atélectasie au cours d’une exacerbation, qui est alors en rapport avec un moule bronchique qui s’organise et prend la forme des voies aériennes (figure 6). La kinésithérapie respiratoire, l’hyperhydratation, les bronchodilatateurs et la corticothérapie orale sont le plus souvent efficaces pour lever ce trouble de ventilation, mais en cas d’échec, l’endoscopie est indispensable et généralement bien efficace. L’endoscopie peut également retrouver un autre obstacle endobronchique, corps étranger méconnu ou tumeur endobronchique par exemple.   En unité spécialisée Ce n’est plus tant la recherche d’un obstacle que l’analyse des prélèvements qui motive l’endoscopie. Ce sont les complications infectieuses respiratoires chez l’enfant immunodéprimé et l’exploration des pathologies infiltratives diffuses (PID), par exemple les pneumopathies interstitielles chroniques, qui constituent les indications principales. ● L’exploration des pathologies respiratoires de l’enfant immunodéprimé a donné ses lettres de noblesse au lavage broncho-alvéolaire grâce à l’analyse microbiologique. Cette analyse bénéficie des progrès des techniques d’identification. Certains micro-organismes ne sont pas normalement présents dans le poumon et le LBA a une valeur diagnostique : Pneumocystis jiroveci, Mycobacterium tuberculosis, mycoplasme, virus Influenza, par exemple.  Figure 5. Sécrétions purulentes au cours d’une dilatation des bronches. Figure 6. Moule bronchique. En revanche, l’identification de micro-organismes tels que le cytomegalovirus, l’aspergillus, les mycobactéries atypiques, qui peuvent être présents dans les voies aériennes comme contaminants ou commensaux, n’implique pas obligatoirement leur responsabilité dans l’atteinte respiratoire. L’identification d’un micro-organisme n’implique pas obligatoirement sa responsabilité dans l’atteinte respiratoire. ● Explorations spécifiques. Au cours des PID, des colorations spécifiques permettent de rechercher une hémorragie intra-alvéolaire (présence de sidérocytes par la coloration de Perls), une protéinose alvéolaire (matériel laiteux prenant la coloration de PAS) (figure 7), une pathologie d’inhalation et/ou huileuse (coloration à l’huile rouge).   Figure 7. Aspect laiteux du LBA au cours d’une protéinose alvéolaire. Le liquide s’éclaircit au fur et à mesure du LBA. Ailleurs, le rapport de lymphocytes CD4/CD8 permet d’orienter vers une sarcoïdose (lorsqu’il est augmenté) ou une pneumopathie d’hypersensibilité (quand il est diminué). Enfin, l’utilisation d’anticorps spécifiques des cellules de Langerhans (cellules cd1a+) détecte une histiocytose langerhansienne. Il peut être possible d’effectuer des biopsies transbronchiques permettant d’obtenir des prélèvements de parenchyme pulmonaire et ainsi éviter une biopsie pulmonaire chirurgicale. ● L’endoscopie contribue à la compréhension de l’asthme sévère. Des biopsies bronchiques montrent que dès le jeune âge peuvent exister des lésions assez spécifiques d’inflammation, mais surtout de remodelage des voies aériennes avec un épaississement de la membrane basale, une hypertrophie/hyperplasie des muscles lisses, une hyperplasie des glandes bronchiques, une angiogenèse. Ces examens ne sont bien sûr, à ce jour, réservés qu’aux asthmes sévères chez lesquels la sévérité des manifestations justifie des explorations spécialisées.   Conclusion La fibroscopie bronchique est devenue un examen souvent incontournable dans la prise en charge des pathologies respiratoires de l’enfant. Son intérêt réside autant dans les renseignements anatomiques que dans l’analyse des prélèvements réalisables. Elle a également des indications en réanimation néonatale et en unité de soins intensifs ainsi que des applications en endoscopie interventionnelle (mais encore loin derrière l’endoscopie au tube rigide). Endoscopie et tomodensitométrie sont parfois opposées dans l’exploration pneumologique. Ces deux examens doivent être complémentaires. L’endoscopie n’explore visuellement que les voies aériennes proximales, et certaines pathologies plus distales ou audelà d’une sténose par exemple ne pourront être analysées que sur des reconstructions scanographiques. Quant à l’endoscopie virtuelle, elle doit faire ses preuves chez l’enfant, et bien sûr elle ne permet aucun prélèvement.

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