Publié le 28 juil 2010Lecture 5 min
La famille des syndromes auto-inflammatoires s’agrandit…
Dr N.Kugler
L’inflammation est un mécanisme homéostatique crucial de l’organisme visant à limiter les effets délétères des agents infectieux. L’interleukine 1 (IL-1) représente la cytokine proinflammatoire clé de l’immunité innée, produite en réponse à un stress (infection, traumatisme, stimulation immune). Elle est responsable de symptômes tels que la fièvre ou l’anorexie mais également d’autres symptômes comme la destruction articulaire, le remodelage tissulaire et l’élévation de marqueurs non spécifiques de l’inflammation. La famille de l’IL-1 comprend actuellement 11 membres avec, d’un côté, les cytokines pro-inflammatoires comme l’IL-1β et, de l’autre, leurs régulateurs, les antagonistes des récepteurs de l’IL-1 (IL-1Ra).
Ainsi, lors d’une infection, d’un traumatisme ou d’un état inflammatoire, l’IL-1, et son antagoniste, l’IL-1Ra, sont sécrétés et sont en compétition pour l’occupation du récepteur de l’IL-1 (IL-1R)(1). On comprend ainsi mieux que l’équilibre de la réaction inflammatoire relève d’une régulation extrêmement fine entre la quantité d’agonistes et d’antagonistes. Très récemment, un nouveau syndrome auto-inflammatoire autosomique récessif a été décrit chez dix enfants avec un déficit en IL-1Ra. Le « DIRA » (Deficiency of the Interleukin-1-Receptor Antagonist) (2,3) vient s’ajouter à la longue liste des syndromes auto-inflammatoires( 1). I. Aksentijevich et coll. du National Institute of Arthritis and Musculoskeletal and Skin Disease de Bethesda (États-Unis) ont rapporté les cas de 9 enfants de 6 familles (1 canadienne, 3 différentes familles hollandaises, 1 libanaise consanguine et 1 portoricaine) avec des symptômes sévères dès la naissance à type de pustulose aseptique, d’ostéomyélite multifocale stérile et de périostite (2). Clinique Les signes cliniques étaient extrêmement précoces puisqu’ils apparaissaient dès la naissance jusqu’à 2 semaines de vie. Une prématurité avec détresse foetale concernait 5 des nouveaux-nés. L’éruption cutanée se caractérisait par une pustulose aseptique allant de quelques lésions à une pustulose généralisée ou des lésions icthyosiformes. L’histologie cutanée montrait un infiltrat neutrophilique de l’épiderme et du derme avec des pustules, une acanthose et une hyperkératose. Des ulcérations buccales, un Pyoderma gangrenosum, un phénomène de pathergie, des anomalies unguéales étaient également notés chez certains enfants. L’atteinte osseuse et articulaire était la seconde caractéristique du DIRA avec des douleurs articulaires et des synovites. Certains aspects radiologiques étaient assez stéréotypés : élargissement de multiples côtes antérieures et des clavicules, ossification hétérotopique des fémurs, lésions ostéolytiques multifocales. Le bilan inflammatoire montrait une élévation de la vitesse de sédimentation et de la CRP dans un contexte d’apyrexie. Les antiinflammatoires et la corticothérapie générale n’avaient qu’une action modeste. Trois enfants étaient décédés : deux de défaillance multiviscérale à 2 et 21 mois et le troisième de fibrose pulmonaire à 9,5 ans. Génétique Les 9 enfants étaient homozygotes pour des mutations touchant le gène codant pour l’IL-1Ra ou les parents étaient hétérozygotes pour une mutation de ce même gène. La mutation résultait en une protéine tronquée dans 8 cas. Le résultat de ces mutations est l’absence complète d’IL-1Ra et donc de contrôle sur les cytokines pro-inflammatoires IL-1a et IL-1b. De façon intéressante, le dernier enfant, portoricain, portait une délétion de 175 kb sur le chromosome 2q qui comprend pas moins de 6 gènes associés à la famille de l’IL-1. Cette même délétion était retrouvée chez un 10e enfant(3). Les taux d’IL-1 des sujets homozygotes étaient augmentés de façon significative comparés aux contrôles. Les moyens thérapeutiques L’anakinra, un antagoniste recombinant non glycosylé humain soluble des récepteurs de l’interleukine 1 (anti-IL-1R), disponible dans certains rhumatismes inflammatoires et syndromes autoinflammatoires, montrait une efficacité spectaculaire dans les jours suivant son initiation sur les signes cliniques et biologiques permettant un sevrage de la corticothérapie chez quasiment tous les enfants. En effet, il est à noter que l’enfant portoricain – porteur d’une grande délétion de plusieurs gènes liés à l’IL-1 – maintenait des signes inflammatoires biologiques sensiblement plus élevés et continuait à recevoir une corticothérapie. Cela pourrait s’expliquer par la délétion de gènes à la fonction mal connue, agonistes et antagonistes de l’IL-1. Enfin, l’effet de l’anakinra est purement suspensif car une récidive était notée à l’arrêt du traitement dans les 36 heures. Le phénotype clinique et biologique dramatique de ces enfants atteints de cette nouvelle entité souligne l’importance d’une fine régulation de la balance inflammatoire de l’IL-1 dans l’organisme. Il ouvre également les portes vers une meilleure compréhension des pathologies associées à l’IL-1.
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