Publié le 24 mar 2025Lecture 5 min
Allergie : l’ITA à l’épreuve de la science
Denise CARO, D’après un symposium, avec la participation de Julie Mazenq (Marseille), François Payot (Lyon), Stéphanie Lejeune (Lille) et Stéphanie Wanin (Paris)

Dix à 20 % des enfants ont une dermatite atopique, 7 à 10 % sont asthmatiques, 15 à 20 % ont une rhinite et/ou une conjonctivite allergique(1). Et toutes les rhinites ne sont pas allergiques. Comment faire la part des choses et proposer le bon traitement ? Qu’attendre de l’immunothérapie allergénique (ITA), seul traitement qui, au-delà des symptômes, cible l’allergie ?
Il existe une physiopathologie commune entre dermatite atopique, rhinite allergique (RA) et asthme allergique, avec une altération de la barrière épithéliale qui laisse passer les allergènes ; il s’en suit une activation de l’épithélium avec la production d’alarmines puis une réponse immunitaire de type Th2, la production d’IgE et une inflammation chronique(2,3).
Il existe un lien fort entre une sensibilisation précoce (avant 3 ans) à un allergène perannuel et une perte de la fonction respiratoire à l’âge scolaire(4). Les personnes atopiques (adultes ou enfants) font davantage d’infections virales (83 % vs 67 %) et d’infections des voies respiratoires (31 % vs 11 %) que les sujets contrôles en 1 an(5). Les enfants entre 2 et 15 ans avec une RA ont davantage que les autres (versus contrôles) des difficultés scolaires (56 % vs 17 %), ils dorment moins bien (46 % vs 23 %) et manquent plus souvent l’école (32 % vs 11 %)(6).
Ainsi, au-delà de son efficacité sur les symptômes de la RA, l’immunothérapie allergénique pourrait avoir un intérêt sur l’histoire naturelle de la maladie. En effet, elle induit une tolérance immunitaire aux allergènes par la modification des réponses immunologiques innées et adaptatives. Elle contrôle les cellules inflammatoires de type 2 par l’induction de diverses cellules régulatrices fonctionnelles. Les IgE sont remplacées par des IgG4 de tolérance, ce qui pourrait avoir un impact sur l’évolution naturelle de la maladie(7).
L’ITA chez l’enfant, indications et perspectives
L’ITA est le seul traitement étiologi - que capable de traiter la cause de la maladie allergique. En France, seule la voie sublinguale est utilisée (exception faite des hyménoptères), soit en extraits liquides, soit en lyophilisats.
Dans la RA aux acariens, l’ITA sublinguale est indiquée chez l’enfant à partir de 5 ans sous forme liquide et à partir de12 ans sous forme de comprimés. Un nouvel essai (MT-12) évalue l’intérêt de l’ITA par lyophilisat sublingual chez l’enfant de 5 à 11 ans. Compa ré au placebo, l’ITA améliore de 22,2 % les symptômes, de 25,3 % la consommation de médicaments et de 16,6 % la qualité de vie (p < 0,0001). Les effets secondaires (75,4 % vs 53 %) sont de gravité légère et transitoire (93,8 %) ou modérée (6,0 %). Ces résultats concordent avec ceux des études faites chez les adolescents et les adultes(8).
L’ITA aux pollens de graminées est indiquée chez l’enfant dès 5 ans dans la rhinoconjonctivite allergique saisonnière (extraits liquides ou lyophilisat). Un nouvel essai (GT-21/GAP) a comparé l’ITA sous forme de lyophilisat au placebo chez des enfants avec une RA sans asthme pour savoir si le traitement (3 ans + 2 ans de suivi sans ITA) permettait de prévenir la survenue d’un asthme. Si le critère principal n’a pas été atteint, les critères secondaires qui portaient sur la réduction des symptômes et des médicaments l’ont été avec une réduction de 24 % à 1 an, de 29 % à 2 ans et de 30 % à 3 ans. À l’arrêt de l’ITA, l’efficacité persiste avec une amélioration de 22 % et 23 %(9).
L’ITA au pollen d’arbres (bouleau, bétulacées) est indiqué chez l’enfant à partir de 5 ans en extraits liquides. Un essai de phase III (TT-06) a étudié son efficacité en sublingual (contre placebo) chez des enfants de 5 à 17 ans avec une RA ± un asthme. L’ITA était débuté 3 mois avant la saison pollinique et poursuivi pendant celle-ci. L’amélioration sur les symptômes et les médicaments a été de 21,9 % (p = 0,0004) pendant la saison bouleau et de 18,7 % (p = 0,001) durant l’ensemble de la saison pollinique(10).
L’intérêt de l’ITA dépasse le seul traitement de la RA. En 2024, le GINA a proposé d’ajouter l’ITA chez l’enfant asthmatique allergique aux acariens ou aux graminées. En effet, l’ITA sublinguale peut s’envisager dès l’âge de 5 ans chez l’enfant ayant un asthme allergique aux acariens ou aux graminées, au moins partiellement contrôlé, pour ses potentiels bénéfices sur les symptômes d’asthme, la fonction respiratoire et la diminution des corticostéroïdes inhalés (CSI). En cas d’asthme sévère, l’ITA n’est pas recommandée en dehors d’une indication ayant fait l’objet d’un avis en centre expert, dans le cadre d’un traitement personnalisé chez un patient peu symptomatique et avec un volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) > 70 %. L’asthme non contrôlé est une contre-indication absolue à la mise en place d’une ITA. Le même type de recommandations vaut chez l’adolescent asthmatique 12-17 ans(11,12).
L’ITA en pratique
Selon les recommandations de la SFORL(13), la mise en place d’une ITA doit être faite par un médecin avec une formation spécifique en allergologie, incluant la pratique de l’ITA. Il en est de même de son renouvellement qui peut cependant au cas par cas être fait par un généraliste, selon les indications du premier prescripteur. Avant de prescrire, il faut avoir identifié le ou les allergènes en cause et établir la corrélation entre les symptômes et la positivité des tests.
L’ITA est contre-indiquée en cas d’asthme non contrôlé ou d’immuno déficiences sévères. Les affections auto-immunes systémiques en rémission ou spécifiques d’organes, les néoplasies et les troubles psychiatriques sont des contreindications relatives qui doivent être soumises à un avis d’experts. L’ITA est débutée à dose croissante, pendant 10-12 jours jusqu’à la dose d’entretien de 300 IR. Le traitement est pris la bouche vide mais pas à jeun, à horaire régulier (pour une meilleure observance). Le comprimé est posé sous la langue, conservé 2 minutes puis avalé. Il faut ensuite se rincer la bouche. Si le traitement est interrompu moins d’une semaine, on le reprend le jour suivant l’oubli à la dose habituelle. Une interruption plus longue nécessite un avis médical pour adapter le traitement. La durée recommandée d’une ITA est de 3 ans (pour obtenir un effet rémanent). En l’absence d’amélioration des symptômes au cours de la 1re année, l’indication doit être réévaluée.
Chez le patient polysensibilisé et mono-allergique, l’ITA vis-à-vis de l’allergène en cause a la même efficacité que chez le monosensibilisé(14). Chez le polysensibilisé et polyallergique, on choisit l’ITA vis-à-vis de l’allergène prédominant ou on fait une double ITA en commençant par l’allergène prioritaire, puis 3 à 6 mois plus tard le second allergène. Il faut au minimum 30 à 60 minutes entre les prises (matin et soir).
D’après un symposium organisé avec le concours du laboratoire ALK avec la participation de Julie Mazenq (Marseille), François Payot (Lyon), Stéphanie Lejeune (Lille) et Stéphanie Wanin (Paris)
Références disponibles sur simple demande à la rédaction : biblio@len-axis.fr
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