Publié le 12 déc 2007Lecture 11 min
Comment prendre en charge l’acné de l’adolescence ?
M. FAURE - Hôpital Édouard-Hérriot, Lyon
L’acné est une affection (le terme est plus approprié que celui de « maladie ») hormonale périphérique impliquant les récepteurs aux androgènes des cellules cibles du follicule pilo-sébacé et les systèmes enzymatiques correspondant du métabolisme des androgènes. Il s’agit aussi d’une affection chronique inflammatoire pour laquelle P. acnes joue, semble-t-il un rôle essentiel, même s’il ne représente pas l’ensemble des facteurs responsables de cette inflammation. L’actualisation de nos connaissances sur l’acné de l’adolescence justifie un certain nombre de réflexions.
Les mécanismes de l’acné En termes de physiopathologie, l’action des androgènes est mieux connue. Les cellules cibles des androgènes ne correspondent pas uniquement aux sébocytes. Les kératinocytes de l’acro-infundibulum possèdent également des récepteurs aux androgènes (AR). Par ailleurs, les enzymes essentiels du métabolisme périphérique des androgènes, qui assurent la production de l’androgène actif (la DHT, dihydrotestostérone) existent dans les deux types cellulaires. La fonction sébacée est également soumise à l’action de neuromédiateurs périphériques. Ainsi, l’activité glandulaire et donc les poussées d’acné dépendent bien sûr des androgènes, mais aussi du stress. L’inégalité des êtres vivants en termes d’acné repose sur le polymorphisme génétique des gènes codant pour les récepteurs AR et des gènes des enzymes de la stéroïdogenèse. Ceci rend compte du fait que l’importance d’une acné ne signifie pas l’existence d’une hyperandrogénie biologique avec anomalies des taux circulants et anomalies de la production des androgènes par les surrénales ou par les gonades (les ovaires, en particulier). Dans le sexe féminin, l’acné est ainsi le plus souvent le reflet d’un hyperandrogénisme (cutané, périphérique) sans hyperandrogénie. L’importance d’une acné ne signifie pas l’existence d’une hyperandrogénie biologique. Les poussées d’acné dépendent des androgènes, mais aussi du stress. Les traitements Le choix des traitements (le plus souvent des associations médicamenteuses) dépend comme à tout âge du type d’acné, de son étendue, de sa sévérité, du sexe et de la période de l’année. L’adapalène et le peroxyde de benzoyle sont les traitements topiques à privilégier. L’isotrétinoïne per os reste le traitement par voie générale le plus efficace potentiellement et, en théorie, pourrait être utilisée quel que soit le type d’acné. On sait que ses effets secondaires en limite sérieusement les indications en pratique quotidienne. Une campagne médiatique mondialisée a voulu la rendre responsable d’autolyse chez l’adolescent dépressif. Aucune étude ne vient en fait confirmer les relations entre prise d’isotrétinoïne, dépression et suicide. L’incidence du suicide chez l’adolescent acnéique traité par isotrétinoïne n’est pas celle du suicide à l’adolescence. Néanmoins, il est sage et de bon sens de ne pas proposer ce traitement aux sujets de personnalité fragile. En ce qui concerne les cyclines, aucune n’est plus efficace qu’une autre. Le risque d’accidents secondaires sous minocycline doit conduire à privilégier les autres molécules (doxycycline ou limécycline, par exemple) pour ne pas évoquer très sérieusement l’abandon (qui serait tout à fait justifié en fait) de la minocycline. Le traitement se fait par cures, et il n’existe aucune raison véritable pour ne pas reprendre les cyclines en cas de rechute à l’arrêt d’un traitement efficace. Les doses de doxycycline sont d’au moins 100 mg par jour (la dose devrait prendre en compte le poids corporel), et il n’existe aucune raison pour considérer que le traitement devrait être interrompu au-delà de quelques mois (3 mois, par exemple). En aucun cas, la non-amélioration d’une acné sous cyclines n’est à rattacher à l’acquisition de résistance bactérienne. Les traitements hormonaux (antiandrogènes et contraception) devraient être mieux connus des dermatologues, car ils rendent des services incontestables dans le sexe féminin (cf. infra). Il est probable que des campagnes médiatiques pseudo-scientifiques voudront aussi réduire à l’avenir la prescription des cyclines ou la contraception chez l’acnéique. Ce danger est réel, fondé sur d’hypothétiques relations, d’une part, entre la prise de pilules et le risque ultérieur de cancers estrogénodépendants et, d’autre part, entre les prescriptions d’antibiotiques chez l’adolescent acnéique et l’apparition de résistance bactériologique. Ceci réduirait la prescription des médicaments systémiques en cas d’acné au seul zinc. Nous n’en sommes heureusement pas là. Signalons que le risque lié à l’utilisation de cyclines n’est que théorique et qu’en aucun cas la non-amélioration d’une acné sous cyclines n’est à rattacher à l’acquisition de résistance bactérienne. Il est trop tôt pour juger de l’efficacité des diverses photothérapies (photothérapies et thérapie photodynamique) proposées. Aucune étude n’est vraiment satisfaisante en termes d’essais thérapeutiques. Ce type de traitement sera bien sûr réservé à l’avenir, si le présent se confirme, à des adolescents de milieux financièrement « favorisés ». L’alimentation Il faut faire maigrir les « grosses adolescentes » ! En effet, d’une part, l’obésité est un facteur d’hyperandrogénie et donc favorise ses conséquences cutanées, et, d’autre part, la surcharge pondérale chez l’adolescente acnéique peut être un argument de poids dans le diagnostic d’une hyperandrogénie fonctionnelle ovarienne (syndrome des ovaires polykystiques, SOPK). L’obésité est un facteur d’hyperandrogénie et un argument en faveur du diagnostic de SOPK. Par ailleurs, l’absence de relations entre l’acné et le régime alimentaire était devenue une notion classique qui nous avait fait abandonner les liens jadis traditionnels entre l’acné, le chocolat et la charcuterie. Des publications assez récentes montrant l’apparition d’acné chez des sujets à mode de vie dit « primitif » lors de leur passage à un mode de vie dit « civilisé » ont relancé l’intérêt vis-à-vis d’une éventuelle relation entre acné et alimentation. En fait, le passage à la civilisation s’accompagne de nombreuses modifications du comportement, et il n’est pas certain qu’il existe un lien direct entre l’acné et le changement de régime alimentaire. Plus récemment, une étude prospective nord-américaine a suggéré un lien possible entre l’acné féminine et l’alimentation lactée des jeunes femmes américaines. Ce lien serait lié à la présence, dans le lait animal et les produits lactés, de stéroïdes (et même de phytoestrogènes d’origine végétale) ou/et de facteurs de croissance capables de modifier le comportement biologique des cellules cibles du follicule pilo-sébacé. Rien n’est cependant démontré et l’étude est en fait très critiquable dans sa méthodologie (enquêtes 20 années après les faits, incertitudes sur l’alimentation réelle pendant l’adolescence de ces femmes interrogées à l’âge adulte, confusion entre adolescence et âge adulte…). Faute d’études suffisamment probantes, la relation entre acné et alimentation n’est pas établie. La contraception Il est certain que la meilleure indication d’une contraception chez l’adolescente acnéique reste le besoin ou le désir d’une contraception. Cependant, certaines contraceptions hormonales peuvent améliorer l’acné. Une contraception adaptée en cas d’acné féminine peut suffire à contrôler une acné inflammatoire discrète. Associée à d’autres anti-acnéiques, elle peut rendre service dans le contrôle d’acnés plus importantes. En revanche, certaines contraceptions sont à éviter du fait de leurs propriétés antiandrogéniques. En effet, les estroprogestatifs (OP) peuvent par leur action antigonadotrope diminuer la production des androgènes ovariens. Les estrogènes augmentent la synthèse de SHBG et diminuent la fraction libre des androgènes circulants. Les progestatifs du fait de leur formule peuvent au niveau des récepteurs AR exercer un effet agoniste (et être androgéniques) ou antagoniste (antiandrogéniques). Certaines contraceptions sont à éviter du fait de leurs propriétés antiandrogéniques. En cas d’acné, il faut éviter les contraceptions OP orales dont le progestatif est androgénique (OP dits de 1re, 2e et même de 3e génération), les contraceptions OP par patch ou anneau vaginal (progestatif androgénique) et les contraceptions progestatives orales, par SIU ou implant (progestatif androgénique). Il convient donc de proposer les OP avec comme progestatif l’acétate de cyprotérone, l’acétate de chlormadinone, la drospirénone ou le norgestimate, qui sont antiandrogéniques. Le recours à une contraception hormonale en cas d’acné doit bien sûr respecter les contre-indications habituelles de la « pilule ». Un contraception adaptée peut suffire à contrôler une acné discrète. Antiandrogènes Il s’agit de deux molécules dont les effets antiandrogéniques lors d’essais thérapeutiques chez la femme sont tout à fait comparables : l’acétate du cyprotérone (CPA) à 50 mg ou Androcur® et la spironolactone dont la dose quotidienne peut varier entre 75 et 150 mg, par exemple. Ces antiandrogènes sont efficaces dans les acnés inflammatoires moyennes et sévères, et doivent représenter dans le sexe féminin une excellente alternative thérapeutique quand le recours aux cyclines ou à l’isotrétinoïne n’est ni possible, ni souhaité, ni pratique. Le CPA peut être associé à une contraception OP, ce qui permet de petites doses quotidiennes de CPA (1/2 ou 1/4 de comprimé, par exemple) en cas d’acné d’importance moyenne. La spironolactone peut être prescrite sans contraception chez des jeunes filles qui n’en désirent pas. En dehors de la prise en charge d’un hirsutisme associé, pour lequel seul le CPA a une AMM, il s’agit de prescription hors AMM, mais correspondant à de réelles possibilités thérapeutiques encore souvent trop peu utilisées chez l’adolescente. Contrairement à une opinion parfois trop répandue, ces traitements sont efficaces et bien tolérés. Le recours à une contraception et/ou aux antiandrogènes, et l’efficacité de ces traitements ne dépendent pas de l’existence d’un trouble endocrinien sous-jacent. Explorations endocriniennes L’acné peut être le reflet d’une endocrinopathie responsable d’une hyperandrogénie avec hyperandrogénisme d’origine ovarienne ou surrénalienne. Le bloc en 21-hydroxylase surrénalien peut être responsable d’un hyperandrogénisme à tout âge, pas seulement chez l’adolescent. C’est l’anomalie endocrinienne qu’il faut, par exemple, savoir rechercher dans les deux sexes en cas d’acné infantile inflammatoire. Le diagnostic repose sur le dosage de la 17OH-progestérone après stimulation par un test à l’ACTH. En faire le diagnostic ne permet pas de mieux traiter l’acné, mais simplement de prévoir un conseil génétique. Le bloc en 21-hydroxylase surrénalien est à rechercher dans les deux sexes en cas d’acné infantile inflammatoire. Le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) ou micropolykystiques (OMPK) doit être recherché dès l’adolescence, mais les explorations doivent être faites deux ans après la ménarche pour ne pas prendre en compte les anomalies biologiques qui correspondent à l’hyperandrogénie physiologique de l’adolescente au moment de la puberté. C’est l’endocrinopathie féminine la plus fréquente, d’origine génétique, qui expose à des risques de stérilité, d’obésité, d’insulinorésistance et de maladies cardiovasculaires. L’acné, l’hirsutisme, des troubles du cycle peuvent être révélateurs. Récemment, en 2003, la conférence dite « de consensus de Rotterdam » en a précisé les critères de diagnostic : – une oligo et/ou une anovulation ; – une hyperandrogénie clinique (acné, hirsutisme) et/ou biologique (T sérique, SHBG circulante, et surtout la formule T/SHBG x 100 ou index de T libre) ; – un aspect échographique caractéristique avec une augmentation du volume ovarien. Deux critères sur trois sont suffisants pour retenir le diagnostic de SOPK. Ainsi, en cas d’acné, le diagnostic peut être établi en l’absence d’hyperandrogénie biologique sur l’association à des anomalies du cycle ou devant la mise en évidence de critères échographiques évocateurs. La prise en charge de l’acné en cas de SOPK passe bien sûr par le régime alimentaire (en cas d’obésité), la mise sous une contraception antiandrogénique, éventuellement sous antiandrogènes selon l’importance de l’acné et l’existence ou non d’un hirsutisme, et par des mesures dermatologiques et cosmétiques appropriées.
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