Publié le 08 jan 2012Lecture 9 min
Analyser l’énurésie nocturne pour mieux la traiter
GÉRARD LENOIR✝ Hôpital Necker-Enfants malades, Paris
L’énurésie est une affection fréquente qui touche environ 10 % des enfants de 5 à 10 ans. Son retentissement sur la vie relationnelle et sociale de l’enfant peut être important. Ses causes et son traitement font depuis longtemps l’objet de nombreuses controverses, mais une démarche rigoureuse et attentive doit permettre de prendre en charge la plupart des cas de façon satisfaisante.
Questions de terminologie ● L’énurésie nocturne est une affection caractérisée par la survenue pendant le sommeil de mictions involontaires et inconscientes chez l’enfant de plus de 5 ans. Elle est dite primaire si l’enfant a toujours mouillé son lit et secondaire si une période de propreté de 6 mois a été observée. Dans ce cas, la cause est souvent un trouble psycho-affectif. ● L’incontinence urinaire signifie une perte d’urine incontrôlable, qui peut être permanente ou intermittente. ● L’énurésie primaire isolée (EnPI). L’énurésie primaire est dite isolée (EnPI) ou monosymptomatique s’il n’existe aucun autre symptôme, en particulier diurne, relevant du bas appareil urinaire. Elle n’est pas une maladie, et encore moins une maladie mentale. Cependant, sa prise en charge mêle les deux champs de la médecine et de la psychologie. Les traitements varient de l’arsenal pharmacologique jusqu’aux manoeuvres comportementales. ● L’énurésie diurne correspond à des fuites micro-décelables dans la journée : elle est différente de l’EnPI et demande que l’on recherche chez l’enfant une polyurie, un diabète, un spina bifida ou une épilepsie. Le terme d’énurésie diurne est ambigu et devrait être évité. Épidémiologie L’énurésie nocturne est un trouble commun chez l’enfant. Ce terme ne doit être utilisé qu’après l’âge de 5 ans. On estime que 10 à 20 % des enfants en souffrent à 5 ans, qu’elle existe chez 3 à 4 % des enfants à 10 ans, et qu’elle persiste chez 1 à 2 % des enfants à 15 ans. Les garçons sont deux à trois fois plus souvent concernés que les filles. L’idée selon laquelle tous les énurétiques seront guéris à la puberté est fausse : une prévalence de 2,23 % a été trouvée par C.K. Yeung et coll. dans une population de jeunes adultes de 19 ans, par ailleurs, en bonne santé (1). Le terme d’énurésie nocturne ne peut être utilisé qu’après l’âge de 5 ans. Une énurésie primaire nocturne est retrouvée chez 12 % des enfants à l’âge de 6 ans. Elle disparaît spontanément au rythme de 11 à 14 % par an après cet âge (2). Elle est rangée dans le cadre des incontinences urinaires, intermittentes survenant durant le sommeil. Une enquête conduite en France en 2000 par la Sofres Médical auprès de 3 803 enfants scolarisés âgés de 5 à 10 ans, a montré une prévalence de l’énurésie primaire de 9,2 % (11,2 % dans le sous-groupe des enfants âgés de 5 à 7 ans) ; 37 % des enfants énurétiques avaient un ou plusieurs épisodes par semaine et 22 % mouillaient leur lit toutes les nuits (3) ; ces chiffres sont comparables à ceux d’autres études(4-6). L’énurésie peut être due à un sommeil trop profond, à un manque de maturité du réflexe de miction ou à un trouble psycho-affectif. Dans de rares cas, l’énurésie nocturne est le signe d’une malformation de l’appareil urinaire. Diagnostic de l’énurésie ● L’énurésie nocturne se divise en deux groupes : – mono-symptomatique sans aucun signe diurne dans la sphère urinaire : l’énurésie n’est pas associée à des problèmes mictionnels diurnes ; – ou dite « poly-symptomatique » si elle est associée à des signes diurnes (urgences mictionnelles, incontinence, miction par saccades), témoins d’une dysfonction vésicale (instabilité vésicale, dyssynergie vésicosphinctérienne). ● Diagnostic clinique. On a l’habitude de classer l’énurésie nocturne mono-symptomatique en modérée (< 2 nuits humides par semaine), moyenne (2 à 3 nuits humides par semaine) et sévère (> 3 nuits humides par semaine). Le diagnostic est posé sur les données de la clinique seule, dans laquelle on inclura le résultat négatif de la bandelette urinaire à la recherche de sucre, d’albumine ou de nitrites et de leucocytes (induisant, si positive, la recherche spécifique d’une infection urinaire). Le résultat négatif de la bandelette urinaire fait partie du diagnostic d’énurésie nocturne isolée. L’interrogatoire recherchera plus particulièrement l’existence d’un trouble avec déficit d’attention et hyperactivité : 20 % des enfants présentant un TDAH ont une énurésie et 10 % environ des énurétiques souffrent de TDAH ; cette comorbidité doit donc être recherchée. Les troubles psychiatriques primitifs ne sont pas plus fréquents chez les énurétiques que dans la population générale des enfants de même âge. Par ailleurs, on évaluera s’il existe une baisse de l’estime de soi qui est un symptôme psychique fréquent. Elle semble améliorée par la prise en charge de l’EnPI, quel que soit le résultat du traitement sur l’énurésie. Environ 20 % des enfants présentant un TDAH ont une énurésie et environ 10 % des énurétiques souffrent de TDAH. ● Le premier examen clinique a pour but d’exclure toute dysfonction vésicale diurne, et aussi de caractériser les composantes personnelles, familiales et sociales de l’enfant. L’examen proprement dit apprécie le comportement général de l’enfant, recherche un globe vésical ou une anomalie sacro-coccygienne. Il comprendra entre autres un examen neurologique et l’analyse des organes génitaux externes (les incontinences urinaires permanentes sont ainsi exclues). Il se termine par la bandelette urinaire (avec densité urinaire) et la prescription de la tenue d’un « calendrier mictionnel sur 48 heures », que la famille rapportera quelques jours après le premier contact. Ainsi, cette première consultation peut-elle être divisée en deux (sinon elle est très longue) et bénéficiera, dans son deuxième temps, des données très éclairantes du calendrier. ● L’énurésie primaire isolée se présente sous deux formes : polyurique et avec capacité fonctionnelle réduite (par comparaison à la norme calculée de Croft par la simple formule : CV f [en ml] = 30 + 30 x âge [en année]). Principes de la prise en charge et traitement Du recueil de tous ces éléments, en quelques jours, peut ainsi être démarrée la prise en charge la plus adaptée : celle-ci n’est jamais médicamenteuse en premier lieu. Elle peut et doit impliquer la famille et l’enfant, avec qui une sorte de contrat est établi. Il porte généralement sur 3 mois, avec plusieurs consultations de contrôle. L’enfant y rapporte l’évolution de son problème dans un carnet de suivi à partir duquel on peut dialoguer sur les dérives observées et/ou les progrès obtenus. L’examen du carnet de suivi de l’enfant permet de dialoguer sur les dérives observées et/ou les progrès obtenus. Recommandations d’hygiène La prise en charge commence tout d’abord par la prescription d’une bonne hygiène de vie (heures de sommeil suffisantes, repas pris régulièrement), assortie d’une hygiène plus stricte concernant les boissons qui consiste en une réduction franche à partir de 18 h. La quantité totale de liquide du nycthémère doit être prise de 7 h à 18 h, dont un bon tiers lors du petit-déjeuner. La quantité totale de liquide du nycthémère doit être prise de 7 h à 18 h. Les boissons sucrées gazeuses ou lactées sont supprimées à partir du goûter. Enfin, toutes les mictions durant cette période doivent être contrôlées avec vidange complète de la vessie et lavage des mains par la suite. On peut même demander à l’enfant d’uriner une deuxième fois dès qu’il sort des toilettes, permettant ainsi d’apprécier les vidanges incomplètes. Les principaux moyens thérapeutiques Le traitement, lors de sa mise en route, doit être accompagné : il faut expliquer, rassurer l’enfant et entraîner son adhésion totale. Il sera adapté à chaque cas en fonction de la classification de l’énurésie : – les techniques d’alarme – bien appliquées, ce qui requiert une bonne maturité de l’enfant – sont, dans la littérature, considérées comme le meilleur des traitements. Elles font appel à un signal sonore ou vibratoire. L’alarme améliore le seuil d’éveil, augmente la capacité vésicale fonctionnelle et réussit pleinement lorsqu’elle transforme l’énurésie en nycturie ; – la desmopressine est le traitement spécifique des formes polyuriques. Elle doit obtenir l’inversion du rythme nycthéméral de sécrétion de vasopressine, ce qui prend plusieurs mois. La réponse est cependant rapide dans les formes polyuriques en réduisant la diurèse nocturne, mais un arrêt trop précoce expose aux récidives. Il convient de respecter à la fois la posologie et les mesures de restriction hydriques le soir en raison du risque toujours possible de syndrome d’intoxication par l’eau. La desmopressine ou le système d’alarme obtiennent jusqu’à 80 % de bons résultats immédiats. Le recours au pédopsychiatre Il s’impose en cas de comorbidités fréquentes comme l’encoprésie, les troubles profonds du sommeil, les difficultés scolaires (troubles d’apprentissage ou surtout TDAH). L’examen psychologique analysera les cognitions, l’estime de soi, une éventuelle indifférence au symptôme, les facteurs anxiogènes (rôle de l’obscurité, pseudo-TOC…) et les mauvaises hygiènes de vie. L’énurésie n’est assurément pas une maladie mentale, mais les conséquences psychologiques de l’énurésie peuvent toucher tous les domaines mentionnés ci-dessus. Certains auteurs ont évoqués récemment son statut de possible marqueur du TDAH dans sa forme clinique avec inattention prédominante. La recherche s’attache actuellement à trouver des microlésions cérébrales qui pourraient asseoir cette hypothèse.
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