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Comportement

Publié le 25 aoû 2013Lecture 7 min

L’école et les « petits » troubles fonctionnels

J. VALLETEAU de MOULLIAC, Paris

L’école est pour tout enfant un lieu et un temps d’apprentissage, de formation, de socialisation et de développement de sa personnalité, indispensables à son intégration sociale et professionnelle à l’âge adulte, en lien tenu bien sûr avec sa culture et sa famille. L’enfant va passer de très nombreuse heures à l’école pendant toute sa scolarité (les élèves français en sont les champions d’Europe) : c’est dire les interactions positives ou négatives que peut avoir l’école sur son comportement et inversement. C’est ainsi que de nombreux enfants peuvent présenter des « petits troubles fonctionnels » qui sont parfois très perturbants pour l’enfant, sa scolarité et sa famille.

  Les « petits » troubles fonctionnels Peut-on cependant les qualifier de « petits » quand on connaît la fréquence des troubles et leur implication dans le déroulement d’une scolarité harmonieuse ? Ils peuvent être certes le motif de consultation, mais il faut les rechercher à toute occasion : visite systématique, vaccination, voire urgence. Leur expression clinique est bien connue de tous les médecins d’enfant.   Les douleurs abdominales « chroniques » Dix à 15 % des enfants d’âge scolaire souffrent de douleurs abdominales chroniques. Bien sûr, il ne faut pas passer à côté d’une cause organique mais 90 % de ces plaintes sont fonctionnelles. Il faut y penser surtout devant une douleur périombilicale isolée, sans aucun autre symptôme, et qui ne réveille pas l’enfant la nuit. Certaines douleurs ont des caractères assez significatifs : douleurs abdominales matinales, paroxystiques, avant le départ pour l’école, pouvant se répéter dans la journée. Ces douleurs sont absentes pendant les vacances, les congés de fin de semaine, mais réapparaissent la veille ou le matin du retour à l’école. Elles conduisent souvent à de fréquents séjours à l’infirmerie, appels des parents, retraits de l’école et à un absentéisme scolaire. Ces douleurs sont d’ailleurs souvent associées aux autres troubles fonctionnels. Elles relèvent essentiellement de l’angoisse scolaire. D’autres douleurs sont d’allure moins stéréotypée, mais se situent dans un contexte particulier : toute difficulté d’insertion de l’enfant dans la vie de tous les jours, toute adaptation à une vie nouvelle (changement d’école, de domicile, problèmes créés par la dissociation du couple) peuvent être à l’origine de douleurs abdominales : à une circonstance génératrice d’anxiété, de stress, de tension, qu’elle qu’en soit la cause, l’enfant peut réagir par des douleurs abdominales. Certaines difficultés scolaires spécifiques sont également impliquées. Tout enfant amené chez le médecin pour des douleurs abdominales recurrentes et chez lequel l’interrogatoire retrouve des difficultés scolaires doit etre évalué dans ce sens.   Les céphalées psychogènes Elles s’observent surtout chez les enfants entre 7 et 15 ans et sont en fait beaucoup plus fréquentes que les migraines. Le médecin est souvent confronté en consultation à ce type de céphalées. L’enfant se plaint d’avoir mal toute la journée ; la douleur est peu intense et diffuse, prédomine dans les régions frontales ou occipitales ; mais, malgré cette douleur (permanente) qui survient tous les jours pendant des semaines et même des mois, il garde une activité normale, un appétit conservé, n’a aucun trouble digestif, aucun trouble visuel. Les parents signalent souvent que leur enfant a mauvaise mine, les yeux cernés, qu’il est fatigué. Ces maux de tête n’existent pas la nuit et surviennent dans certaines circonstances (foule, chaleur, difficultés et/ou stress scolaires). Ces enfants ont souvent un profil proche de celui des enfants migraineux. Ils sont en règle très anxieux, en proie à des difficultés scolaires qui ne sont pas toujours liées à un mauvais niveau intellectuel, mais à une mauvaise adaptation au rythme scolaire à laquelle s’associe souvent une pression familiale importante ou des conflits intrafamiliaux.   Les troubles du sommeil Les difficultés d’endormissement avec tout leur cortège de rituels, de prétextes pour retarder terreurs nocturnes, réveils précoces (réveils anxieux), une énurésie secondaire nocturne, un bruxisme, des somniloquies ou du somnambulisme peuvent aussi émailler la vie de l’écolier. Il existe certes de nombreuses causes à tous ces symptômes. Cependant, leur survenue plus fréquente ou leur apparition pendant la période scolaire doivent attirer l’attention. La fatigue C’est un motif de consultation fréquent (10 à 25 %) qu’il n’est pas toujours facile de résoudre rapidement tant les parents sont convaincus qu’il peut y avoir derrière ce symptôme une pathologie plus ou moins sérieuse. La fatigue « fonctionnelle » représente plus des deux tiers des causes de fatigue chronique. Le plus souvent, l’enfant est fatigué à cause des perturbations du rythme de vie qui lui sont imposées. Les parents évoquent souvent le manque de sommeil ; il faut cependant savoir qu’il y a une grande variabilité des besoins de sommeil selon les enfants, avec parfois des différences de 2 à 3 heures. Il existe, comme chez l’adulte, des petits et des gros dormeurs, des enfants du matin ou des enfants du soir. Mais à tous les âges, l’inadaptation des rythmes biologiques de l’enfant aux contraintes environnementales et familiales et donc scolaires peut induire un état de fatigue le plus souvent par accumulation de retards et donc de dette de sommeil. Les rythmes scolaires souvent accusés ne fatiguent pas un enfant. C’est là encore l’inadaptation de son rythme de vie aux rythmes scolaires qui en est la cause. L’inadaptation de ces rythmes est d’autant plus difficile à percevoir que l’enfant est petit, beaucoup plus facile chez l’adolescent dont le rythme hebdomadaire de sommeil est plus irrégulier.   Autres troubles « fonctionnels » L’agressivité, l’impulsivité et l’agitation, l’inattention scolaire ou, au contraire, le repli sur soi, l’apparition de tics doivent être analysés en fonction de toutes les composantes environnementales de l’enfant. Quoi qu’il en soit, ces troubles souvent très mal perçus dans le milieu familial ou scolaire sont le plus souvent en rapport avec une mésestime de soi, un manque de confiance que l’école peut créer ou aggraver.   Les troubles vésicaux sphinctériens   ● La constipation Certes, elle peut induire des douleurs abdominales chroniques, mais souvent elle apparaît à l’école surtout dans les classes maternelles quand l’enfant timide, réservé ou inquiet d’un enseignant rigide n’ose demander quand l’envie se présente. Cela peut conduire dans certains cas à une véritable encoprésie, dont on connaît les conséquences sur les relations sociales scolaires et même familiales. ● L’énurésie primaire nocturne a plus d’implication dans la vie relationnelle de l’enfant (refus de dormir chez des amis ou même de les recevoir chez lui, possible facteur d’isolement) que l’instabilité vésicale qu’il faut absolument traiter dès que possible afin, entre autres, d’éviter les railleries en classe de la part de ses pairs, voire des enseignants non instruits de ce phénomène. En pratique, de très nombreuses situations peuvent induire ou entretenir des « petits » troubles fonctionnels perturbants la vie scolaire de l’enfant, mais ils sont tous peu ou prou liés à l’angoisse scolaire.   L’angoisse scolaire La prévalence de l’anxiété chez l’enfant et l’adolescent serait de 10 à 20 %, ce qui rend compte de la difficulté à cerner ce qu’est le phénomène anxieux chez l’enfant et à discerner si cette manifestation d’angoisse est « normale », participant au développement psychoaffectif de l’enfant, ou si elle est « pathologique ». L’angoisse est indissociable du développement psychique normal. Quand l’angoisse perturbe durablement la vie de l’enfant qui ne peut plus réaliser ses activités habituelles, avec retentissement sur l’environnement familial, scolaire, social, bloquant le développement de l’enfant, interférant avec son bien-être, l’empêchant d’accéder à l’autonomie, elle devient pathologique. Elle s’exprime alors par différentes manifestations ou plaintes dont certaines ont été évoquées ci-dessus. L’angoisse scolaire peut se présenter sous deux éventualités : • l’enfant arrive à l’école avec son anxiété préexistante, qu’elle qu’en soit la cause, et la scolarité la révèle ou l’amplifie : c’est aussi l'élève à personnalité émotive, perfectionniste, peu sûr de lui, toujours dans la crainte de mal faire et de ne pas être à la hauteur de ses ambitions ou de celles de son entourage ; • la situation de scolarité a déclenché les phénomènes anxieux : – soit l’enfant était mal préparé à cette scolarité qu’il ressent comme un danger ou un abandon : angoisse d’une situation nouvelle et/ou angoisse de séparation de sa famille ; – soit il présente un handicap instrumental, physique ou psychique, qui entrave le déroulement normal de cette scolarité et conduit inexorablement en l’absence de prise en charge à l’ennui, la crainte, la dévalorisation, le désinvestissement et l’échec ; – soit il subit une pression familiale rigide et obsessionnelle inadaptée à sa personnalité, qui l’effraye et l’inhibe, et peut conduire au même résultat. La résolution de cette anxiété scolaire ne peut donc se faire sans impliquer les trois composantes que sont : – l’enfant et sa personnalité ; – sa famille par la dynamique des échanges intrafamiliaux son degré de motivation et de comportement vis-à-vis de l’école, son implication dans la réussite de leur enfant sans pression ; – l’école et tout son environnement : compétence, écoute, rigueur. Avec un objectif : la réussite scolaire personnelle et sociale de l’enfant. Attention, cependant chez un enfant chez qui tout se déroulait bien, la survenue brutale de ces « petits » troubles fonctionnels qui s’aggravent progressivement, conduisant entre autres à une baisse des performances scolaires, un repli, voire un refus de l’école doivent évoquer une maltraitance physique ou psychique à l’école.

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