Publié le 20 déc 2024Lecture 6 min
Lutter contre le déconditionnement
Interview de Mathieu PELLAN

Référent scientifique de l’association Premiers de cordée, Mathieu Pellan (Hôpital Jean Verdier, Bondy) constate au quotidien les bienfaits du sport chez les enfants hospitalisés.
Pédiatrie Pratique – Peut-on proposer du sport à l’hôpital à tous les enfants hospitalisés, quelle que soit leur pathologie ?
Mathieu Pellan – Il n’y a jamais de contre-indication formelle à la pratique d’une activité sportive, surtout que nos actions se déroulent dans un cadre très bienveillant et sans objectif de performance. La seule limitation que nous rencontrons c’est en cas d’aplasie médullaire ou de risque infectieux, mais nous pouvons intervenir au chevet de patients avec une activité adaptée.
Pédiatrie Pratique – Pour les enfants malades en ville, peut-on définir le type de sport à proposer selon les pathologies ?
M. Pellan – En cas de pathologie respiratoire, il faut privilégier les sports d’endurance, dits aérobies, afin d’éviter le déconditionnement cardiorespiratoire de ces enfants qui, du fait de leur maladie, ont tendance à devenir de plus en plus sédentaires. Pour ce qui est des maladies métaboliques ou des patients suivis en oncologie, il faut également stimuler l’appareil locomoteur et favoriser le renforcement musculaire. Mais, dans le cas général en pédiatrie, il faut jouer sur l’ensemble des facteurs : travailler le cardiorespiratoire et l’endurance, mais aussi le renforcement musculaire, l’équilibre et la proprioception.
Pédiatrie Pratique – Au-delà des actions de Premiers de cordée, existe-t-il des services de pédiatrie qui proposent une pratique sportive aux enfants ?
M. Pellan – Non et le sport n’est pas prescrit alors qu’on peut le faire pour l’activité physique depuis 2017. En milieu hospitalier, le métier d’enseignant en activité physique adaptée est malheureusement quasi inexistant. Autre frein, les établissements disposent de peu d’espace pour pratiquer ces activités. C’est pourquoi notre approche de la maladie chronique à travers des actions proposées à titre gratuit et encadrées par des professionnels bénévoles, est accueillie avec enthousiasme par l’ensemble des soignants. En dehors des centres de rééducation fonctionnelle, le sport ne fait pas parti de la prise en charge globale, du parcours de soins de ces enfants.
Nos interventions le soir, lorsque les traitements et les visites sont passés, représentent une bouffée d’oxygène pour les enfants, un moment de détente, de convivialité, de gaité. Nous utilisons les espaces qui sont à notre disposition, parfois un couloir, parfois un petit passage entre deux chambres ; nous nous adaptons au patient mais aussi à l’hôpital…
Pédiatrie Pratique – Existe-t-il des études qui confirment le bénéfice physique chez l’enfant malade ?
M. Pellan – Quelle que soit la pathologie concernée, une revue de la littérature récente identifie toujours des articles montrant les bénéfices de l’activité physique. Ces études confirment qu’il n’y a jamais de contre-indication absolue, même pour les pathologies cardiaques par exemple, il existe toujours une activité physique que l’on peut conseiller. Des bénéfices sont systématiquement rapportés. Ils peuvent être purement fonctionnels, comme nous l’avons évoqué pour l’appareil cardiorespiratoire et l’appareil locomoteur, mais d’autres effets positifs sont tout aussi importants comme la régulation de l’anxiété, du stress, l’amélioration de la qualité de sommeil et de l’estime de soi. Il n’est pas vain de faire retrouver le sourire à ces enfants qui sont sous la contrainte d’une double peine, à la fois malades et privés de sport.
Pédiatrie Pratique – Bien que les actions de Premiers de cordée soient gratuites pour les établissements hospitaliers, vous arrive-t-il de percevoir des réticences de la part de certains services ?
M. Pellan – Au tout début, oui parce les soignants se posent de multiples questions pratiques, par exemple : est-ce que le cathéter d’un enfant perfusé va sauter, est-ce qu’ils vont se faire mal, etc. ? Les parents sont aussi souvent anxieux et frileux vis-à-vis de la pratique sportive. Mais une fois que nous sommes intervenus et que tous constatent le plaisir que les enfants y prennent, dès la deuxième séance tout le mon de adhère au projet. Lorsque que nous revenons dans les services que nous connaissons, ces réticences n’existent plus et nous avons le soutien plein et entier des équipes.
Pédiatrie Pratique – Comment sont choisi les services dans lesquels vous intervenez ?
M. Pellan – Il n’y a pas de critères clairement définis, mais nous ciblons plus volontiers les services accueillant des enfants avec des maladies chroniques, congénitales ou acquises. Avec la découverte et l’initiation au sport, l’objectif est aussi que les enfants poursuivent leur pratique en dehors de l’hôpital et qu’elle se pérennisent à l’âge adulte.
Pédiatrie Pratique – Pour le handicap, avez-vous l’impression que les jeux paralympiques ont eu un impact positif ?
M. Pellan – Oui, le regard de la population a changé en voyant que des personnes vivant avec un handicap pouvaient devenir nos héros. Les enfants eux-mêmes ont découvert qu’ils pouvaient pratiquer toute sorte de sports. Je dirige au centre de rééducation de Saint-Maurice (94) une consultation « sport/handicap » et avant les JO, lorsque j’interrogeais mes patients, ils avaient l’impression de ne pas pouvoir pratiquer un sport. Maintenant, qu’ils soient amputés, en fauteuil ou en attente de transplantation pulmonaire, les enfants autant que les parents ont vu en action des pratiques sportives dont ils n’avaient pas connaissance : volley assis, basket fauteuil, cécifoot, etc., ce qui leur a ouvert de nombreuses possibilités.
Pédiatrie Pratique – On constate les ravages de l’inactivité et de la sédentarité chez les enfants et les adolescents. Le sport a-t-il la place qu’il mérite parmi les professionnels de santé ?
M. Pellan – En effet, la sédentarité est un fléau avec les écrans et le manque d’activité, les jeunes sont pris dans la spirale du déconditionnement. Ce facteur est notamment à prendre en compte dans l’explosion actuelle de l’obésité, la sédentarité est source de pathologies. Les familles doivent apprendre aux enfants à bouger leur corps au quotidien, les parents doivent les inciter et pratiquer des exercices physiques avec eux. Et il est vrai que lorsque l’on regarde le faible nombre d’heures dédiées à l’Éducation nationale ou le manque de moyens pour favoriser les activités sportives chez les jeunes patients, notamment en situation de handicap cognitif, on se dit que l’on peut faire mieux.
Pédiatrie Pratique – Vous travaillez en Seine-Saint-Denis, pensez-vous qu’il existe un facteur social pour l’accès au sport ?
M. Pellan – Oui, cela est plus difficile pour les enfants défavorisés. Ne serait-ce que parce qu’il y a toujours une inscription à payer avec un tarif qui n’est pas accessible à certaines familles, sans compter le matériel qui a également un coût. Lorsque vous ne parvenez pas à boucler les fins de mois, on peut comprendre que le sport ne soit pas une priorité. Malheureusement nous sommes loin d’un accès gratuit au sport et sa prescription n’est toujours pas remboursée par la Sécurité sociale. Il existe des initiatives locales qui proposent aux personnes ayant une maladie chronique un accès gratuit à une activité sportive, mais cela est très hétérogène sur le territoire. Au total, nous voyons des populations très sédentaires auxquelles il est difficile de proposer une activité accessible en termes de prix.
Propos recueillis par G. LAMBERT (début décembre)
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