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Adolescence

Publié le 20 déc 2024Lecture 4 min

Les adolescents en perte de force musculaire

Propos recueillis par Gérard LAMBERT

En moins de quinze ans, la force musculaire mesurée chez les adolescents aurait baissé de 25 %. Pour mieux comprendre les causes et les effets de ce constat, Pédiatrie Pratique a rencontré Sébastien Ratel, professeur des universités au laboratoire AME2P à l’université Clermont-Auvergne, (Clermont-Ferrand).

Pédiatrie Pratique - Sur quelles données peut-on s’appuyer pour évaluer l’évolution de la force musculaire des adolescents au cours des 30 dernières années ? Avons-nous des données quantifiées chez les enfants ? Sébastien Ratel - Nous utilisons, comme dans les services de médecine physique et réadaptation (MPR), des dynamomètres pour mesurer la force musculaire. L’évaluation se fait en condition isométrique, c’est-à-dire statique, sans déplacement du membre. Elle est réalisée sur le quadriceps en position assise, le genou à l’angle optimal (de 70° à 80° entre la jambe et la cuisse) et l’on demande au jeune de contracter volontairement leur muscle au maximum. Si nous regardons les données que nous avons ainsi acquises entre 2010 et 2019, avant la pandémie de Covid-19, on voit une perte de force progressive des quadriceps en condition statique lorsqu’elle est normalisée à la masse corporelle ou à la masse maigre (force spécifique plus faible). Après la période Covid-19, nous avons constaté que cette perte s’était encore accentuée. Au total, on estime que depuis 2010 cette perte de force spécifique est environ de 25 %. Les équipes australiennes et brésiliennes avec lesquelles nous travaillons ont fait le même constat que nous à Clermont-Ferrand. En revanche, nous n’avons pas assez de données pour savoir si, après la crise du Covid-19, il existe une réaugmentation de la force musculaire.   Pédiatrie Pratique - Qu’appelez-vous la dynapénie ? Peut-on établir un parallèle avec la sarcopénie du sujet âgé ? S. Ratel - Non, car nous parlons de perte de force musculaire et non de masse musculaire. La sarcopénie désigne plutôt la fonte musculaire, notamment chez les personnes âgées ; la dynapénie(a) désigne la perte de force musculaire. On parle chez les jeunes de dynapénie pédiatrique et on ne sait pas très bien si celle-ci est liée à une perte de masse musculaire et/ou à un déficit nerveux, c’est-à-dire à une diminution de la capacité du système nerveux central (SNC) à recruter et synchroniser les unités motrices (fibres musculaires innervées). Nous travaillons actuellement sur cette question, mais pour l’instant nous ne connaissons pas les facteurs neuromusculaires à l’origine de cette perte de force dans le temps. Nous avons en revanche montré que cette situation était réversible car la réalisation d’un programme de renforcement musculaire, à raison de 2 à 3 séances par semaine, permet en l’espace de 3 mois d’obtenir une augmentation de 16 % en moyenne du niveau de force des quadriceps. On notera que les adolescents obèses ont une masse musculaire plus importante en valeur absolue que les adolescents normopondérés, ce qui leur permet de produire plus de force par les quadriceps et les muscles du triceps sural (muscles du mollet). En revanche, si on ramène cette force musculaire à leur masse corporelle totale, on arrive au résultat inverse ; leur force spécifique (par kg de masse corporelle) est plus faible, ce qui réduit leur capacité fonctionnelle quotidienne. Mais c’est aussi le cas des adolescents normopondérés d’aujourd’hui atteints de dynapénie pédiatrique.   Pédiatrie Pratique - Quel est le type d’activités à recommander aux adolescents pour lutter contre cette dynapénie ? S. Ratel - L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande 60 minutes d’activité physique modérée à vigoureuse par jour chez les jeunes âgés de 6 à 17 ans, mais cela est trop vague. Il faut qu’ils pratiquent des sports aérobies, privilégiant l’endurance pour promouvoir leur santé cardiovasculaire et respiratoire (sports d’endurance et sports intermittents), mais il faut également qu’ils fassent du renforcement musculaire pour les raisons que nous venons d’évoquer.   Pédiatrie Pratique - Quels sont, selon vous, les causes de cette évolution ? S. Ratel - Il existe un effet conjugué de la sédentarité des jeunes et de l’inactivité physique. Dans la journée, ils sont assis en classe et quand ils rentrent le soir, ils pratiquent moins d’activités extrascolaires. Le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse s’est engagé à ce que les enfants en école primaire aient au moins 30 minutes d’activité physique par jour en 2024. Ce temps d’exercice physique doit être assuré par les professeurs des écoles, et non par les enseignants d’EPS, et je ne suis pas sûr qu’il soit effectif et respecté par des personnes qui ne sont pas formées à cela. En classe de 6e, ce sont 4 heures par semaine qui doivent être réalisées et, de la 5e à la terminale, 3 heures. Mais les effectifs de classe augmentent et on peut se demander si le temps réel de travail est suffisant pour chaque élève. L’école n’est toutefois pas seule fautive, les parents doivent encourager leurs enfants à faire du sport et partager des moments de loisirs physiques (faire du vélo, marcher, etc.) avec eux.   Pédiatrie Pratique - Pensez-vous que cette dynapénie est prédictive de l’état de santé à l’âge adulte ? S. Ratel - L’abaissement de la force musculaire spécifique à la masse corporelle a déjà un impact fonctionnel sur la vie quotidienne des adolescents, sur leurs capacités à se bouger, se déplacer, etc. Leur devenir à l’âge adulte a fait l’objet d’études de suivi longitudinal qui ont inclus plusieurs millions de jeunes. Celle publiée par Francisco B. Ortega et son équipe(2) a montré que les jeunes ayant plus de force musculaire à l’adolescence ont un risque abaissé de 20 à 35 % de mortalité prématurée, un résultat confirmé par d’autres travaux plus récents. Propos recueillis par G. LAMBERT (fin novembre 2024) Note : a. Dyna en grec signifie force ou puissance.

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