Publié le 13 oct 2022Lecture 5 min
Déficit en hormone de croissance, actualités thérapeutiques
Denine CARO, Boulogne-Billancourt
L’une des principales nouveautés dans le traitement des enfants de petite taille est l’arrivée dans un futur proche de formes retard de l’hormone de croissance permettant une seule injection par semaine.
L’impact d’une petite taille sur la qualité de vie est important à évaluer, tout comme celui du traitement, l’une des difficultés étant de disposer d’échelles prenant en compte spécifiquement la taille sur la qualité de vie (QV).
L’étude conduite à Necker sur des enfants consultant pour retard de croissance, a utilisé le PedsQL, échelle générale qui évalue les fonctions physiques, émotionnelles, sociales et une dimension de bien-être à l’école, ainsi que le questionnaire QoLISSY plus spécifique de la taille, qui mesure les dimensions physique, émotionnelle et sociale, la capacité d’adaptation, les croyances et aussi l’anxiété des parents pour le futur. Contrairement à ce que l’on supposait, l’échelle générale a mis en évidence une altération significative de la QV chez les enfants de petite taille, constat confirmé par le QoLISSY. Les deux échelles montraient une amélioration des scores après un an de traitement, avec une corrélation entre le gain de taille et l’amélioration de la QV(1).
Bien qu’ayant un effet bénéfique sur la qualité de vie aux dires de l’enfant et de ses parents, le traitement peut lui aussi avoir des répercussions négatives sur les activités quotidiennes, sociales et récréatives, notamment liées aux injections. Une étude observationnelle (non encore publiée) a utilisé le « life interference questionnaire » pour évaluer le fardeau du traitement. Les patients interrogés estiment que les injections sont pénibles et qu’elles posent des difficultés pour dormir hors de chez soi ou voyager. La nécessité de conserver le produit au réfrigérateur, de le reconstituer avant injection, et l’obligation de visites médicales régulières sont notées comme des contraintes. Les personnes interrogées soulignent qu’une injection hebdomadaire serait préférable aux injections quotidiennes.
L’arrivée de formes retard
Or, après 40 ans d’utilisation de l’hormone de croissance chez l’enfant, on disposera prochainement de formes retard permettant une seule injection par semaine. Trois produits sont en développement, faisant appel à trois techniques différentes : une fusion de l’hormone de croissance avec le peptide C-terminal de l’hormone de croissance humaine pour le produit du laboratoire Pfizer (somatrogon) ; un transporteur pour le produit du laboratoire Ascendis (lonapeg - somatropin) et la substitution d’acides aminés pour augmenter la liaison à l’albumine pour le produit du laboratoire Novo Nordisk (somapacitan). Les deux premiers ont reçu une AMM européenne au début de l’année 2022 et c’est probablement le produit de laboratoire Pfizer qui arrivera le premier sur le marché. Selon son AMM, il est indiqué dans le déficit en hormone de croissance chez l’enfant de plus de 3 ans. Sa posologie est de 0,66 mg/kg/semaine en injection sous-cutanée, avec un stylo prérempli jetable. L’aiguille est fine et il n’y a pas de reconstitution à faire. Le produit doit être stocké entre + 2 °C à + 8 °C. L’étude de phase III ayant servi à l’obtention de l’AMM a comparé genotropin (1 injection SC par jour) à somatrogon (1 injection SC par semaine) chez 200 enfants âgés de 3 à 12 ans, avec déficit en hormone de croissance(2). La vélocité de croissance annualisée qui était le critère principal, était similaire dans les deux groupes : + 10,12 cm/an avec la forme hebdomadaire et + 9,78 cm/an avec la forme quotidienne.
Au plan biologique, plus de 95 % des patients avaient atteint un SDS (score de déviation standard) de l’IGF1 dans l’intervalle normal de variation. Le dosage d’IGF1 étant fait deux jours après l’injection hebdomadaire, les taux avec la forme quotidienne étaient supérieurs à ceux de la forme retard. Or, il semble que J4 soit le meilleur moment pour évaluer l’efficacité de la forme retard et adapter sa posologie. L’étude n’a identifié aucun effet indésirable non connu avec la forme quotidienne, en particulier pas plus d’effets locaux, ni d’hypoglycémies. Il n’y a pas eu d’anticorps neutralisant.
Concernant l’hormone de croissance retard du laboratoire Ascendis, une étude de phase III a confirmé la non-infériorité des injections hebdomadaires de lonapegsomatropin par rapport aux injections quotidiennes de somatropin, ainsi qu’une tolérance comparable entre les deux traitements(3). L’allégement du fardeau du traitement grâce aux injections hebdomadaires a été confirmé dans un essai de phase III comparant en cross over un groupe d’enfants recevant une injection quotidienne (genotropin) pendant 12 semaines puis une injection hebdomadaire (somatrogon) pendant les 12 semaines suivantes et un autre groupe commençant par le traitement hebdomadaire suivi du traitement quotidien. Les patients répondaient au questionnaire Dyad Clinical Outcome Assessment (DCOA) après chaque étape thérapeutique. Cette étude a mis en évidence un fardeau 3 fois plus important du traitement quotidien (score moyen de 24,3) que celui du traitement hebdomadaire (score moyen de 8,63), avec cependant une certaine variabilité des résultats. Les activités récréatives et l’intention d’adhérer au traitement ressortent nettement en faveur du traitement hebdomadaire(4).
Des indications élargies
Les indications du traitement par l’hormone de croissance (GH) chez l’enfant s’élargissent. Elles concernent les anomalies de la sécrétion de GH (déficit en GH, syndrome de Prader-Willi, syndrome de Noonan), les anomalies de l’action de la GH (enfants nés petits pour l’âge gestationnel, enfants en insuffisance rénale chronique avancée) et les pathologies du chondrocyte (déficit du gène SHOX, syndrome de Turner). Le traitement vise à améliorer la taille actuelle de l’enfant et sa taille à l’âge adulte, avec un bénéfice sur sa qualité de vie et son bien-être. Dans l’avenir, on disposera peut-être d’hormone de croissance à injection hebdomadaire dans d’autres indications comme le retard de croissance intra-utérin, le syndrome de Prader-Willi, le syndrome de Turner ou les déficits en hormone de croissance chez l’adulte.
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