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Néphrologie et Urologie

Publié le 30 sep 2021Lecture 6 min

Purpura rhumatoïde : quel suivi en ville et en néphrologie ?

Jean-Daniel DELBET, Service de néphrologie pédiatrique, hôpital Trousseau (AP-HP), Paris
Purpura rhumatoïde : quel suivi en ville et en néphrologie ?

Le purpura rhumatoïde est une vascularite systémique touchant les vaisseaux de petit calibre. Son pronostic à long terme est défini par l’atteinte rénale : la néphropathie du purpura rhumatoïde (NPR). Un suivi adapté en ville permet d’en faire le diagnostic et d’adresser les patients dans un service de néphrologie pédiatrique pour recevoir le traitement adéquat et bénéficier d’une prise en charge spécialisée au long cours afin de détecter d’éventuelle séquelle.

Rappel physio - pathologique La physiopathologie du purpura rhumatoïde fait intervenir les immunoglobulines A (IgA). Les IgA sont des immunoglobulines jouant un rôle important dans l’immunité des muqueuses, en témoigne leur localisation habituelle au niveau intestinal, dans les sécrétions génitales et ORL(1). La région charnière (partie des anticorps située entre le fragment Fc et le fragment Fab) des IgA est hautement glycosylée chez les individus sains. Il a été mis en évidence une anomalie de la glycosylation de cette région charnière des IgA chez les patients avec un purpura rhumatoïde conduisant notamment à un défaut d’élimination par les hépatocytes. Si cette glycosylation est anormale, elle expose au système immunitaire des résidus NAcGal normalement « recouvert » de sucres, qui sont alors reconnus comme un nouvel antigène. S’ensuit la production d’autoanticorps (IgG) dirigés contre ces IgA anormalement glycosylées (IgAhG), formant des complexes immuns IgG-IgAhG(2). C’est le dépôt de ces complexes immuns au niveau des organes cibles qui va déclencher une réaction inflammatoire et les lésions tissulaires (figure 1). Figure 1. Physiopathologie de la néphropathie du purpura rhumatoïde. Quel suivi en ville ? Pour répondre à cette question, nous devons en premier lieu définir pourquoi le suivi d’un purpura rhumatoïde est nécessaire. Le purpura rhumatoïde est une vascularite systémique avec des atteintes multiples et une évolution essentiellement aiguë. En effet, les atteintes articulaires ne laissent pas de séquelles, les atteintes digestives sont potentiellement sévères à court terme, mais leur évolution est favorable sans évolution chronique. Exceptionnellement les lésions cutanées peuvent durer plusieurs semaines et présenter des rechutes(3), mais la règle est une disparition complète en quelques semaines. Ces observations ne concernent cependant pas l’atteinte rénale. La NPR est une atteinte glomérulaire secondaire aux dépôts des complexes immuns IgG-IgAhG dans les cellules mésangiales rénales, qui constituent le tissu de soutien du glomérule. Elle survient chez environ 30 % des cas de purpura rhumatoïde et évolue vers l’IRCT dans environ 7 % des cas(4). L’atteinte rénale est très hétérogène : la plupart des patients présenteront une forme mineure avec une protéinurie faible à modérée et une hématurie microscopique tandis qu’environ 1/5 des patients présentera une forme sévère avec un syndrome néphrotique ou néphritique. Historiquement, tout comme les atteintes extrarénales, la NPR a été décrite comme une glomérulopathie très inflammatoire avec une évolution aiguë, de courte durée et ne laissant pas de séquelles. En 1992, une étude publiée dans le Lancet a évalué le pronostic rénal des enfants suivis pour une NPR à très long terme avec un recul médian de 23 ans : 28 % des patients atteints d’une NPR dans l’enfance présentaient une maladie rénale chronique(5). Cette étude a bien évidemment remis en cause le fait que la NPR n’entraînait pas de séquelles rénales. Le dépistage de la NPR se fait de manière très simple avec une bandelette urinaire à la recherche de protéinurie. Une fois le diagnostic de purpura rhumatoïde établi, cette recherche doit être réalisée une fois par semaine pendant au moins 6 mois. Si celle-ci est positive un bilan néphrologique standard peut être effectué avec un ionogramme sanguin, le dosage de l’urée, de la créatininémie et de l’albuminémie, et un bilan urinaire avec calcul du rapport protéinurie/créatininurie. Pratiquement toutes les atteintes rénales (97 %) surviennent dans les 6 mois après le diagnostic de purpura rhumatoïde(7), ainsi la période de 6 mois de surveillance permet le dépistage d’une très large majorité de ces complications. Même si cela est rare, Il faut malgré tout garder à l’esprit qu’une atteinte rénale peut survenir jusqu’à 3 ans après l’atteinte cutanée. Quel suivi en néphrologie ? Une fois la NPR dépistée se pose la question du suivi en néphrologie dont l’objectif va être de débuter un traitement adapté et d’éviter les séquelles rénales de cette glomérulopathie. Le traitement de la NPR reste une tâche difficile pour le clinicien. Il n’existe pas d’essai clinique, y compris chez l’adulte, prouvant l’efficacité des corticoïdes et des médicaments bloqueurs du système rénine-angiotensine-aldostérone, qui sont les deux types de traitement largement utilisés en pratique courante dans le traitement de la NPR(8). Malgré ce constat global, il existe cependant certaines études apportant des pistes pour le traitement de la NPR et renseignant sur les pièges à éviter. En 1998, une étude française a mis en évidence que les bolus de méthylprednisolone diminuaient les lésions glomérulaires inflammatoires consécutives aux dépôts de complexes immuns dans le mésangium. D’autre part, il a aussi été montré que les patients avec des lésions histologiques chroniques, c’est-à-dire des lésions cicatricielles et fibreuses du glomérule, ne répondaient pas au traitement par les bolus de méthylprednisolone(9). Cette observation a son importance, car plus le délai entre l’atteinte rénale initiale et la PBR est long, plus les patients ont des lésions fibreuses et cicatricielles au niveau rénal(10), celles-ci étant de mauvais pronostic chez l’enfant(11). L’objectif du suivi en néphrologie est donc d’identifier les formes sévères très prolifératives, grâce à des critères cliniques (insuffisance rénale ou syndrome néphrotique) ou histologiques, afin de les traiter rapidement pour minimiser les séquelles rénales qui apparaissent à long terme. Il est à noter que la biopsie rénale n’est pas clairement indiquée dans la prise en charge de la NPR, environ la moitié des pédiatres qui prennent en charge ces patients ne la pratique pas pour décider du traitement. Il faut aussi se méfier des formes de NPR avec une présentation clinique moins bruyante. La cinétique globale de la NPR correspond à une inflammation d’évolution aiguë et résolutive et où les lésions qu’on essaie de prévenir par le traitement immuno suppresseur correspondent aux « cicatrices rénales » de l’atteinte inflammatoire initiale. Toutefois, certains patients se présentent avec une évolution plus « insidieuse » : moins de protéinuries et moins de lésions prolifératives à l’analyse histologique. Cependant, ils peuvent aussi évoluer progressivement vers la maladie rénale chronique(7). Tout se présente chez eux comme si le mécanisme physiopathologique s’installait dans la durée. Cette présentation moins bruyante, mais finalement persistante et plus sévère, se rapproche beaucoup de celle de la maladie de Berger. En effet, la maladie de Berger et la NPR partagent la même physiopathologie, elle s’en distingue essentiellement par l’absence de lésion extra-rénale et par une présentation néphrologique généralement moins bruyante, mais avec un processus physiopathologique persistant et un pronostic à long terme plus péjoratif(12) (figure 2). Figure 2. Néphropathie du purpura rhumatoïde = maladie de Berger ? Conclusion En pratique, on retiendra que le suivi en ville du purpura rhumatoïde a pour objectif de dépister l’atteinte rénale. Pour cela, une recherche de protéinurie à la bandelette urinaire doit être faite une fois par semaine pendant au moins 6 mois. Le suivi en néphrologie a pour but d’identifier les formes de NPR très inflammatoires qui doivent être traitées rapidement pour éviter les séquelles. Le clinicien doit ensuite s’attacher à dépister et traiter les éventuelles séquelles rénales chez ces patients, qui vont se traduire le plus souvent par une protéinurie. Il devra également surveiller les patients avec une présentation clinique et histologique plus fruste, proche de la maladie de Berger, et qui peuvent évoluer eux aussi vers la maladie rénale chronique.

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