Publié le 08 juil 2007Lecture 12 min
La cystographie : examen toujours nécessaire ou reflux des indications ?
S. NATHANSON, A. DE TRUCHIS, Hôpital André-Mignot, Le Chesnay
En France, la cystographie fait partie du bilan étiologique de toute première pyélonéphrite aiguë de l’enfant. Son but est de mettre en évidence un éventuel reflux vésico-urétéral, et également d’explorer le bas appareil urinaire chez le garçon. Sa réalisation systématique est actuellement critiquée du fait de nouvelles connaissances sur son faible impact thérapeutique.
Classification des reflux Le reflux vésico-urétéral (RVU) est une entité retrouvée chez 30 % des enfants ayant eu une pyélonéphrite aiguë. Parmi les RVU, il faut distinguer les RVU primitifs par anomalie d’étanchéité de la jonction urétéro-vésicale des RVU symptomatiques par anomalie anatomique ou fonctionnelle du bas appareil. Les RVU sont classés en 5 grades selon une classification internationale : grade I, le reflux ne concerne que l’uretère ; grade II, le reflux atteint le bassinet, mais sans dilatation des voies excré-trices ; grades III, IV et V, les voies urinaires se dilatent progressivement comblant progressivement les calices. Y a-t-il des alternatives à la cystographie ? La cystigraphie rétrograde ou sus-pubienne présente de nombeux inconvénients : l’examen est désagréable voire douloureux, il est irradiant et représente un coût non négligeable si l’on tient compte de la prévalence élevée de la pyélonéphrite chez l’enfant. Le risque d’induire une pyélonéphrite aiguë est par ailleurs majoré en cas de RVU. Enfin, il s’agit a posteriori d’un examen peu rentable puisqu’il va s’avérer normal dans 60 à 80 % des cas. Mais quelles sont les alternatives à la cystographie pour faire le diagnostic de RVU ? Des travaux ont tenté d’établir des scores reposant sur des éléments cliniques, biologiques et radiologiques pour prédire l’existence d’un reflux et ne pas avoir recours à la cystographie. En réalité, ces scores s’avèrent peu convaincants et peu reproductibles. L’interleukine 8 est élevée dans les urines des enfants porteurs de RVU. Cependant, ce marqueur n’est pas utilisable dans la pratique car cette cytokine est également élevée dans toutes les autres situations inflammatoires, et notamment lors de l’infection urinaire. La procalcitonine (PCT) est un marqueur de sévérité de l’infection urinaire : d’après une étude récente, la PCT est significativement plus élevée chez les enfants ayant une pyélonéphrite aiguë à scintigraphie au DMSA anormale que chez les enfants ayant une infection urinaire fébrile à scintigraphie normale. Dans cette étude, la PCT > 0,8 ng/ml permet de dépister ces formes sévères d’infection avec une sensibilité de 83,3 % et une spécificité de 93,6 %. Les enfants ayant des cicatrices rénales à distance ont également des PCT significativement plus élevées que ceux ne développant pas de cicatrices. La PCT semble être également un marqueur de RVU. En effet, une étude rétrospective récente trouve un taux de PCT significativement plus élevé chez les enfants porteurs de RVU. La PCT > 0,5 ng/ml permet de diagnostiquer un RVU de grade III, IV ou V avec une sensibilité de 92 % et une spécificité de 44 %. Cela signifie que si l’on souhaite établir uniquement les diagnostics de RVU de grades élevés, cet examen permettrait d’éviter 44 % de cystographies inutiles. La procalcitonine est un marqueur permettant de dépister les pyélonéphrites les plus sévères et celles associées à des reflux de haut grade. L’échographie rénale. Il a été montré que les dilatations échographiques des voies excrétrices urinaires étaient très mal corrélées à l’existence ou non d’un RVU et ce, même pour les RVU de haut grade (figure 1). Effectivement, la sensibilité de l’examen est comprise selon les études entre 10 et 40 % et sa spécificité n’est que de l’ordre de 70 %. Figure 1. Fréquence d’une dilatation des voies urinaires à l’échographie initiale en fonction de la présence ou de l’absence de RVU et de son grade, chez les enfants ayant un premier épisode d’infection urinaire (Hoberman A. N Engl J Med 2003 ; 348 : 195-202). Relations entre RVU, pyélonéphrite et néphropathie Quelles raisons nous ont jusqu’à maintenant poussés à vouloir établir le diagnostic de RVU après toute première pyélonéphrite ? le RVU serait un facteur de risque d’infection urinaire (?) ; le RVU serait un facteur de risque rénal avec risque à long terme de développer HTA et/ou insuffisance rénale chronique (?) ; répondre à la question du traitement médical ou chirurgical du RCV (?). Ce sont encore, à l’heure actuelle, les recommandations des sociétés savantes de pédiatrie de nombreux pays, dont la France, qui nous incitent à réaliser ce bilan radiologique après toute première pyélonéphrite chez l’enfant. Le RVU : facteur de risque d’infection urinaire ? Il existe un certain nombre de données sur l’association RVU et infection urinaire. On sait qu’un RVU est associé à une pyélonéphrite aiguë chez l’enfant seulement dans 30 % des cas en moyenne. Ce qui veut bien dire qu’il est tout à fait possible de développer une infection indépendamment de l’existence ou pas d’un RVU. Cela est corroboré par les données suivantes : selon une étude très récente, le taux de récidives de pyélonéphrite aiguë 1 an après un premier épisode est identique qu’il y ait RVU ou pas ; pour expliquer la possibilité d’infection du parenchyme rénal en l’absence de RVU, il faut admettre qu’il existe des facteurs de risque d’infection liés à l’hôte. Ces facteurs de risque dépendent des récepteurs urothéliaux, de la conformation anatomique des papilles rénales, de l’état de la flore péri-urétrale et également du fonctionnement vésical ; il existe aussi des facteurs de risque liés à la bactérie en cause. Il s’agit des facteurs de virulence qui favorisent l’adhésion de la bactérie à l’épithélium urinaire. Infection urinaire et RVU sont donc des entités dont l’association est possible mais non constante. RVU : facteur de risque rénal ? On désigne par néphropathie de reflux un ensemble de lésions rénales chroniques associées au RVU. On sait que le reflux d’urine infectée n’est pas toujours associé à la présence de ces lésions parce qu’il existe des facteurs protecteurs : anatomiques, génétiques, environnementaux, ou résultant de l’utilisation précoce des antibiotiques. On sait également que des lésions rénales peuvent survenir en l’absence de RVU. Il a été démontré dans la littérature que les RVU de bas grade ne sont pas corrélés à la présence de lésions rénales à l’inverse des RVU de haut grade (IV et V). Même si cette corrélation a été montrée pour certains reflux, certaines des lésions rénales sont à même d’évoluer ensuite pour leur propre compte, indépendamment de la récidive d’infections urinaires ou de la cure chirurgicale du RVU. Tous ces éléments font que la relation de cause à effet entre RVU et néphropathie de reflux semble très discutable. La néphropathie de reflux est certainement une entité complexe au sein de laquelle existent certaines lésions acquises appelées cicatrices et d’autres lésions congénitales correspondant à de la dysplasie. HTA et insuffisance rénale chronique L’hypertension artérielle et l’insuffisance rénale sont fréquemment associées dans le cadre de la néphropathie de reflux. L’HTA atteint, selon les séries, 5 à 25 % des enfants présentant des lésions rénales dans le cadre d’un reflux. Concernant l’insuffisance rénale, en France, 12,5 % des insuffisants rénaux chroniques de moins de 16 ans sont porteurs d’un RVU. D’autre part, une étude a montré une évolution défavorable de la fonction rénale chez des enfants ayant un RVU bilatéral de haut grade, avec 8 % d’insuffisance rénale à 5 ans d’évolution, 15 % à 10 ans et 18 % à 20 ans. Il existe donc une morbidité réelle liée à certains RVU les plus sévères. Thérapeutique de la découverte d’un RVU Si le diagnostic de RVU est réalisé, on doit se poser la question de l’impact qu’aura ce diagnostic. Disparition spontanée du reflux Tout d’abord, il faut connaître l’évolution spontanément favorable d’un bon nombre de RVU (figure 2). Pour les RVU de grades I et II, selon une étude de suivi des RVU, 43 % de ces reflux disparaissent à 5 ans d’évolution, puis on continue à observer une diminution de 3,5 % par an jusqu’à 10 ans. Figure 2. Probabilité de persistance du reflux vésico-urétéral en fonction du grade (Silva JMP, et al. Pediatr Nephrol 2006 ; 21 : 981-8). Les RVU de grades III et IV vont également, dans un pourcentage de cas moins élevé, guérir sans recours au traitement. À 5 ans d’évolution, 16 % d’entre eux auront disparu. Mais, si on attend plus, la diminution continue avec 5 % par an de nouvelles guérisons jusqu’à 10 ans de suivi, ce qui fait qu’à ce stade d’évolution, plus de la moitié de ces reflux auront disparu. Les reflux de bas grade sont de très bon pronostic. Néanmoins, il faut également souligner à nouveau que le pronostic de certains de ces RVU est sévère ; c’est le cas des RVU bilatéraux, de haut grade, principalement chez le garçon. À ce titre, il ne faut pas négliger d’évaluer les possibilités thérapeutiques pour ces enfants, qu’il s’agisse de traitement médical ou chirurgical. Traitement médical Il s’agit principalement de l’antibioprophylaxie. Bien qu’utilisée très largement depuis de nombreuses années, son efficacité n’avait pas été évaluée chez les enfants porteurs de RVU. C’est maintenant le cas grâce à une étude publiée en 2006 qui a suivi prospectivement une population de 218 enfants après un premier épisode de pyélonéphrite. Après avoir eu une cystographie rétrograde, les patients étaient randomisés en deux groupes, l’un recevant un traitement antibiotique préventif par cotrimoxazole ou nitrofurantoïne, l’autre ne recevant aucun traitement. Dans cette étude, les enfants porteurs de RVU de grades IV et V étaient exclus. Parmi les enfants porteurs de RVU, les auteurs n’ont pas observé de différence significative entre les deux groupes quant au nombre de récidives de pyélonéphrites. Il y aurait même une tendance à un plus grand nombre de pyélonéphrites dans le groupe traité par antibiotiques au long cours. D’autres études montrent, dans des populations d’enfants traitées par antibiotiques pendant plusieurs années, que ce traitement peut être interrompu sans que le nombre de pyélonéphrites augmente, alors même que le RVU persiste. On explique l’échec de l’antibioprophylaxie par l’émergence de colibacilles résistants et l’apparition d’une épidémiologie bactérienne différente, notamment la recrudescence d’infections à entérocoque, klebsielles et pyocyanique. Étant donné l’échec des traitements antibiotiques, on se doit de penser aux traitements médicaux des autres facteurs majorant le risque d’infection urinaire, à savoir le traitement des dysfonction-nements vésicaux souvent associés et celui d’une éventuelle constipation. L’efficacité de l’antibioprophylaxie dans le RVU est fortement remise en question. Traitement chirurgical Malgré une efficacité proche de 100 % du traitement chirur-gical, les lésions rénales peuvent continuer à évoluer défavorablement. Cela a été montré pour des enfants présentant un RVU de grade III à IV. Certains de ces enfants étaient traités médicalement, d’autres chirurgicalement. Si le taux de pyélo-néphrites était plus important chez les enfants sous traitement médical, la croissance rénale, le taux de nouvelles cicatrices et la fonction rénale à 10 ans d’évolution était identique quel que soit le traitement. Pour la pratique on retiendra La cystographie reste l’examen de référence permettant de faire le diagnostic de RVU. Le RVU primitif de bas grade est globalement de bon pronostic. Les RVU de haut grade sont associés à des lésions rénales parfois sévères et doivent être dépistés. La découverte d’un RVU a peu d’impact thérapeutique, puisque l’efficacité de l’antibioprophylaxie est remise en cause, et que la chirurgie correctrice n’améliorerait pas non plus le pronostic. La cystographie est probablement un examen à réaliser chezune population à risque. Actuellement, avec les données que nous possédons, cette population peut être représentée par les patients présentant une pyélonéphrite sévère avec des lésions rénales dès la phase initiale. Il faudra donc toujours étudier la fonction rénale des enfants lors de l’épisode aigu et mesurer la pression artérielle. Lorsqu’un RVU de grade au moins égal à III est suspecté par un dosage de procalcitonine > 0,5 ng/ml, là encore la cystographie sera réalisée. Pour les autres enfants, il paraît raisonnable de ne pas pratiquer cet examen, cette attitude pouvant être revue en cas de récidive de pyélonéphrite. Reste encore à affiner la notion de facteur de risque en confirmant l’intérêt de la procalcitonine et en essayant d’améliorer sa sensibilité par couplage de son dosage à d’autres marqueurs qui restent à définir.
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