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Allergologie - Immunologie

Publié le 28 avr 2020Lecture 5 min

Allergies retardées au lait de vache : cas pratiques

Anaïs LEMOINE, Service de Nutrition et gastroentérologie pédiatrique, hôpital Trousseau (AP-HP), Université de la Sorbonne, Paris
Allergies retardées au lait de vache

Quand et comment faire le diagnostic d’APLV retardée ? Que faire devant des rectorragies ou un RGO important ? Que dire aux parents ? Testez vos connaissances et comprenez vos erreurs.

Comment diagnostiquer une allergie aux protéines de lait de vache (APLV) de type retardée ? Le test d’éviction-réintroduction est le seul test indispensable pour poser le diagnostic d’APLV retardées non IgE-médiées. En effet, la simple amélioration des symptômes après l’éviction des PLV n’est pas suffisante pour parler d’APLV. Les parents doivent être informés dès le début de l’éviction de cette réintroduction à visée diagnostique, qui sera réalisée 2 à 4 semaines après l’amélioration des symptômes, au domicile, selon un protocole simple à leur remettre (figure 1 : 1er jour de réintroduction : 1 mesure de lait infantile en remplacement de l’hydrolysat, 2e jour : 1 cuillère mesure de lait infantile par biberon ; 3e jour : 2 cuillères mesure de lait infantile par biberon, etc. jusqu’au remplacement complet de l’hydrolysat par du lait infantile). Figure 1. À tout âge : exemple de réintroduction du lait infantile en remplacement de l’hydrolysat. Figure 2. Après 4 mois : exemple de réintroduction des produits laitiers dans l’alimentation (càc : cuillère à café). L’APLV sera confirmée en cas de récidive franche des symptômes lors de la réintroduction, et pas seulement en cas d’inconfort constaté par les parents. Le terme « intolérance au lait de vache » renvoie à la notion d’ « intolérance au lactose » pour le grand public. Or la prise en charge est la même que dans les APLV IgE-médiée, à savoir un régime d’éviction stricte, contrairement à l’intolérance au lactose. Il faut donc bel et bien parler d’allergie. Quel bilan allergologique prescrire en cas d’APLV retardée ? Le dosage des IgE spécifiques n’est pas nécessaire devant un tableau d’APLV non IgE-médiée, avec une symptomatologie retardée. Les parents se trouvent souvent désappointés face à ce résultat négatif et ne comprennent plus la démarche diagnostique. Et même si les IgE spé cifiques sont positives, elles n’expliqueraient en rien le tableau clinique mais refléteraient juste une sensibilisation. En revanche, si l’allergie est confirmée, un prick-test lait de vache et/ou le dosage des IgE lait de vache avant la réintroduction pour tester la tolérance quelques mois plus tard sont utiles pour vérifier l’absence d’apparition d’IgE spécifiques ou la séroconversion IgE. Si le pricktest et/ou les IgE spécifiques sont positifs, la réintroduction sera à réaliser en milieu hospitalier, pour différencier une simple sensibilisation d’une allergie IgE-médiée vraie. Le terme RAST (Radio Allergo Sorbent Test) fait référence à un dosage immuno-radiologique des IgE qui n’est plus utilisé de nos jours, au profit des méthodes immuno-enzymatiques. Le Phadiatop® nourrisson permet de doser à la fois des IgE d’allergènes alimentaires et de pneumallergènes (lait de vache, blanc d’œuf, arachide, poisson et acariens, chat, chien, pollens). Bien qu’il soit vendu comme un « test d’orientation diagnostique », il permet uniquement de dépister des sensibilisations allergéniques. Chez un nourrisson de moins de 4 mois et a fortiori sans symptomatologie allergique dans les 2 heures après l’ingestion d’aliments, la prescription d’un Phadiatop® est inutile. Quant aux IgE totales, leur dosage peut être utile dans un second temps en présence d’une polysensibilisation allergénique ou d’une dermatite atopique avec des IgE spécifiques élevées. Les patch-tests ne sont pas recommandés par les sociétés savantes d’allergologie pour le diagnostic des allergies alimentaires. Que faire devant des rectorragies en période néonatale ? La grande majorité des rectorragies en période néonatale sont idiopathiques et peuvent évoluer de manière favorable spontanément. Il faut éliminer une cause locale évidente (fissure anale, érosion du siège) et penser au sang maternel mammaire dégluti. Nous préconisons une réassurance parentale en premier lieu, avec abstention thérapeutique pendant 4 jours, avant de débuter un régime sans protéines de lait de vache si les rectorragies persistent(1). Il n’est donc pas nécessaire d’adresser l’enfant aux urgences si l’examen clinique est rassurant, sans argument d’orientation pour une invagination intestinale aiguë ou un volvulus du grêle, par exemple. Que faire devant un reflux sévère en période néonatale ? Le reflux gastro-œsophagien (RGO) est physiologique, concerne plus de 60 % des nourrissons, avec un pic du RGO à 4-6 mois. Dans 95 % des cas, le RGO sera résolutif à 1 an. Si le reflux ne s’améliore pas du tout malgré une formule épaissie chez un nourrisson non suralimenté, les sociétés européennes et nord-américaines de gas troentérologie pédiatrique (ESPGHAN et NASPGHAN) recommandent un test d’éviction-réintroduction des PLV pendant 2-4 semaines. Le test aux antiacides de type IPP pendant 4-8 semaines n’est à réaliser qu’en troisième intention, après avis gastro-entérologique(2). Quelle évolution dans les APLV retardées ? Si l’on prend l’exemple des proctocolites allergiques, l’évolution est favorable dans 40 à 53 % des cas à l’âge de 1 an(3). Si l’on réintroduit les PLV plus tôt, l’âge médian de guérison est de 7 mois, avec 90 % de guérison à l’âge de 1 an(4). Dans les formes d’APLV non IgEmédiée, non sévère, et hors SEIPA, les réintroductions pour tester l’acquisition de la tolérance peuvent donc être proposées dès l’âge de 4 mois, puis tous les 2 mois jusqu’à guérison de l’APLV, au domicile selon un protocole simple avec augmentation progressive à base de lait infantile ou à l’aide de cuillérées de yaourt(5) (figure 1 : 1er jour : 2 à 3 cuillérées de yaourt nature ; 3e jour : ¼ de yaourt ; 5e jour : ½ yaourt, etc., puis introduction de beurre et produits fromagers, puis remplacement de l’hydrolysat par du lait infantile, etc.). Quel(s) document(s) remplir pour la crèche/l’école et quel régime dans une APLV non IgE-médiée (hors SEIPA) ? Le pédiatre ou le médecin généraliste peuvent remplir les documents du PAI que les parents vous apportent en consultation. Vous pouvez préciser sur les documents qu’aucune trousse de secours n’est nécessaire, car aucune réaction allergique immédiate n’est à craindre. Il faut également prescrire le régime d’éviction de l’enfant pour la crèche ou l’école et proposer des yaourts substitutifs sans lait de mammifères. Les consommations de veau, bœuf, et soja sont possibles, car les allergies croisées sont faibles. L’accueil de l’enfant au niveau de la restauration collective dépendra des possibilités d’adaptation par le cuisinier et un panier repas peut s’avérer nécessaire. Réponses aux questions des Cas cliniques : Cas clinique A : Q1 : E ; Cas clinique B : Q1 : D ; Q 2 : C ; Q3 : D ; Q4 : C ; Q5 : C et D ; Cas clinique C : Q1 : C.

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