Publié le 17 sep 2018Lecture 9 min
Acariens et pollens : que doit savoir le pédiatre ?
Grégoire BENOIST, Service pédiatrie, Urgences enfants, hôpital Ambroise-Paré, Boulogne-Billancourt
On estime qu’environ 20 % de la population a une allergie respiratoire. Celle-ci peut se manifester par une rhinite, de l’asthme ou une conjonctivite. Les acariens et les pollens sont les principaux pneumallergènes en cause. L’analyse de deux vignettes cliniques va être l’occasion de rappeler des données générales sur les acariens et les pollens, et les grandes lignes de la démarche diagnostique et thérapeutique pour un pédiatre non allergologue.
Acariens
Étienne, 9 ans, consulte en février pour une rhinite chronique présente la majeure partie de l’année, avec une recrudescence en septembre, janvier et lors de séjours dans une maison à l’Île-aux-Moines. La famille vit dans un appartement au rez-de-chaussée, ayant subi un dégât des eaux récent suite à l’inondation de l’appartement du dessus. L’enfant partage sa chambre avec son frère aîné Jérôme (lits superposés). Il dort très mal depuis plus de 2 mois et éternue fréquemment le matin. Il a un asthme contrôlé sous fluticasone.
Acariens et poussière de maison
Les acariens font partie de l’embranchement des arthropodes et de la classe des arachnides. On dénombre près de 50 000 espèces d’acariens, dont la famille des acariens domestiques (house dust mites) et celle des acariens de stockage. Les acariens sont des organismes invisibles à l’œil nu, se nourrissant de phanères humains et animaux. Les acariens domestiques les plus répandus sont Dermatophagoïdes pteronyssinus et D. farinae.
La poussière de maison contient des acariens mais également des pollens, des moisissures, des aliments et des allergènes d’animaux. Les acariens sont un allergène d’environnement intérieur ubiquitaire, présent même dans les maisons considérées les plus propres. On estime qu’1 gramme de poussière contient plus de 10 000 acariens. La chambre à coucher constitue le réservoir majeur, notamment au sein de la literie (sommiers, oreillers, draps, couvertures, couettes) et de la décoration (peluches, moquettes, tapis, fauteuils). Cependant, une étude ayant utilisé un dispositif portatif de recueil de la poussière avait objectivé que 40 % de l’exposition aux acariens se situait en dehors du domicile. Les acariens se développent grâce à 3 facteurs principaux : une humidité relative importante (70-80 % pour D. pteronyssinus, 50-60 % pour D. farinae), une température élevée (20-25°C), une nourriture à disposition (la desquamation journalière d’un individu pourrait nourrir des milliers d’acariens durant des mois). On comprend donc qu’un matelas où un sujet transpire dans un appartement chauffé et peu aéré durant l’hiver constitue une source d’acariens. De même, il est important de rechercher à l’anamnèse la présence de moisissures.
Stratégie diagnostique
Celle-ci est justifiée dans 3 situations.
• L’enfant consulte pour des signes ORL et/ou respiratoires. Le lien avec une sensibilisation aux acariens est évoqué si les symptômes sont classiquement per-annuels, avec recrudescence la nuit ou lors des activités ménagères. Toutefois, les circonstances propices au développement des acariens vont parfois rythmer leur apparition, donnant l’impression d’un caractère saisonnier (à l’instar de l’allergie aux pollens) : fin d’été et automne/hiver, en séjour à une même période dans une maison inoccupée le reste de l’année. À l’inverse, on note une amélioration symptomatique en extérieur ou en altitude.
• Chez tout sujet asthmatique âgé de plus de 3 ans, la SPLF (Société de pneumologie de langue française) recommande une enquête allergologique comprenant la recherche d’une sensibilisation aux acariens.
• Avant cet âge, c’est un mauvais contrôle de l’asthme et/ou la présence de signes d’orientation qui l’indique.
• La tropomyosine, allergène mineur des acariens, protéine des fibres musculaires commune à plusieurs invertébrés, explique l’éventualité de réactions alimentaires croisées avec les crevettes, les escargots, les huîtres et les crabes. On peut citer aussi le syndrome du pancake, où des farines contaminées par des acariens peuvent causer un tableau d’anaphylaxie.
La démarche diagnostique est celle habituelle en allergologie : anamnèse détaillée, prick-tests cutanés et/ou dosage d’IgE spécifiques. Les allergènes recombinants ne sont pas utiles pour le médecin de 1er recours. Il importe d’évaluer le retentissement des symptômes, avec le score ARIA pour la rhinite, le score GINA pour l’asthme. De manière simplifiée, on qualifie une rhinite allergique de persistante (versus intermittente) si elle dure plus de 4 semaines consécutives par an, et de sévère (versus légère) si elle retentit sur l’activité, la qualité de vie.
Stratégie thérapeutique
La prise en charge repose avant tout sur un contrôle optimal de l’environnement, ainsi que le traitement des symptômes selon les recommandations ARIA pour la rhinite (corticoïdes locaux, antihistaminiques généraux et/ou locaux) et GINA pour l’asthme. Les mesures « anti-acariens » doivent être transmises aux familles : lutte contre les circonstances favorisantes dans les pièces de vie par le contrôle de la température et de l’hygrométrie, diminution du nombre d’acariens par la suppression des réservoirs et la réalisation de mesures physiques, voire chimiques (le label anti-acariens n’est pas systématiquement un gage absolu de qualité), évitement des situations à risque (tableau 1).
La SPLF a rappelé que l’éviction des acariens, lorsqu’elle est proposée, doit être globale. Si des métaanalyses ont pu montrer un effet de ces mesures sur la concentration en acariens, leur variabilité de mise en œuvre au sein des études n’a pas permis d’objectiver un effet sur les signes cliniques et la consommation de médicaments. L’immunothérapie allergénique (ITA) correspond à l’administration de doses croissantes d’extraits d’allergène pour at - teindre une dose efficace réduisant les symptômes reliés à l’exposition à celui-ci. Il s’agit du seul traitement étiologique possiblement efficace sur la rhinoconjonctivite allergique et/ou l’asthme. Sa prescription, à partir de l’âge de 5 ans, est du ressort de l’allergologue qui doit avoir confirmé l’allergie (clinique évocatrice et positivité d’un test de sensibilisation aux acariens de poussière de maison). La voie sublinguale est actuellement privilégiée, sous une forme liquide APSI (Allergènes préparés pour un seul individu) ou plus récemment de comprimés (étude phase III pédiatrique), à donner quotidiennement toute l’année pour une période de 3 à 5 ans. Les recommandations ARIA envisagent l’ITA en cas de rhinite intermittente modérée à sévère et de rhinite persistante, notamment si insuffisamment contrôlée par le traitement pharmacologique. Le GINA l’évoque en cas d’asthme persistant ; toutefois un contrôle suffisant des signes est jugé nécessaire (clinique et/ou VEMS > 70 %).
Pollens
Andrea, 12 ans, consulte pour une rhinite chronique et des épisodes sifflants intermittents survenant de début mars à fin avril. Ses symptômes évoluent depuis 3 ans. La famille vit en région parisienne. La jeune fille rapporte une gêne à type de grattage de gorge lors de la consommation des pommes crues, des pêches, des cerises ainsi que des noisettes crues. En revanche, elle peut manger sans difficulté des compotes à la pomme et du Nutella®.
Arbres, pollens...
Si la fin de l’hiver est souvent accueillie avec joie, pour les allergiques, elle annonce le début potentiel de manifestations perturbant significativement le quotidien. De manière pratique, on distingue 3 « saisons » polliniques : celle des arbres de janvier à mai, celle des graminées de mai à juillet, celles des herbacées de juillet à octobre. De manière schématique et non exhaustive, on distingue parmi les arbres : les Bétulacées (bouleau, aulne, charme, noisetier), les Fagacées (châtaigner, chêne, hêtre), les oléacées (frêne, olivier, etc.), les Cupressacées (cyprès), les Salicacées (saule, peuplier). Parmi les Graminées, on distingue : les graminées fourragères (fléole, dactyle, ivraie, etc.) et céréalières (blé, avoine, seigle, maïs, orge, etc.). Enfin, parmi les Herbacées, on distingue : le plantain, l’armoise, la pariétaire et le pissenlit.
La pollinisation correspond au transport d’un grain de pollen pour fécondation. On distingue les pollens anémophiles, transportés par le vent, des pollens entomophiles, pour lesquels la pollinisation s’effectue par les insectes. Les pollens anémophiles peuvent être légers. Ils sont alors facilement transportés par le vent et peuvent parcourir des centaines de kilomètres et être ainsi responsables de signes cliniques à distance de leur lieu de production ; c’est le cas des pollens de graminées. D’autres pollens anémophiles sont lourds et tombent quasiment sur place. Le patient allergique ne sera gêné que s’il est à proximité ou sous l’arbre en période de pollinisation ; c’est par exemple le cas du pollen de tilleul ou celui de marronnier. Les pollens entomophiles sont moins allergisants et provoquent surtout des réactions de voisinage ; c’est l’exemple du pollen de mimosa. Tous les pollens n’ont ainsi pas le même potentiel allergisant. Ce dernier est également modulé par la taille des particules polliniques, l’abondance de la végétation dans la région, ainsi que par d’autres éléments tels que la synergie pollution/pollinisation dans les milieux urbanisés pourtant moins « verts ». Un calendrier pollinique, adaptée à chaque région, permet de connaître en théorie les périodes à risque pour un pollen particulier. Toutefois, le début d’observation des signes, ainsi que leur intensité peuvent varier d’une année à l’autre, modulés aussi par les conditions météorologiques, notamment la pluviosité. Un bulletin hebdomadaire émis par le RNSA (Réseau national de surveillance aérobiologique) permet d’informer les patients et les médecins sur le risque allergique d’exposition pollinique coté de 0 (nul) à 5 (très fort). Enfin, « l’asthme d’orages » est une entité particulière à connaître. Plusieurs épidémies ont été observées dont l’une des plus célèbres a eu lieu le 21 septembre 2016 à Melbourne, où 8 500 patients ont consulté aux urgences pour crise d’asthme (dont 9 décès). Les pollens de graminées et d’olivier sont plus particulièrement concernés. Les conditions d’orage, avec chute brutale de température et augmentation de l’humidité relative, sont à l’orgine du « déchiquetage » des pollens en grains de petit calibre constituant des bioaérosols très allergisants.
Stratégie diagnostique
On retrouve schématiquement les 3 situations évoquées pour l’allergie aux acariens.
• L’enfant consulte pour des signes ORL et/ou respiratoires. Le caractère saisonnier est évocateur, avec l’aide du calendrier pollinique régional et du bulletin aéropollinique.
• Chez tout sujet asthmatique âgé de plus de 3 ans, la SPLF recommande une enquête allergologique comprenant la recherche d’une sensibilisation aux principaux pollens. Avant cet âge, c’est un mauvais contrôle de l’asthme et/ou la présence de signes d’orientation qui l’indique.
• Il existe des réactions alimentaires croisées avec les principaux pollens. L’allergène majeur du pollen de bouleau, Bet v1, est une protéine de la famille moléculaire PR10, représentée aussi dans la famille des Rosacées (pomme, pêche, poire, cerise, prune, carotte, etc.) mais aussi chez certains fruits à coque (arachide, noisette). Ainsi, près d’1 sujet allergique au pollen de bouleau sur 2 présente lors de leur consommation des réactions le plus souvent légères à type de syndrome oral (syndrome de Lessof), avec irritation et prurit oropharyngés. Des réactions plus sévères (jusqu’à l’anaphylaxie) ont été décrites. Le caractère thermolabile de la protéine PR10 explique la tolérance fréquente de la forme cuite de ces aliments. La démarche diagnostique est similaire à celle déjà évoquée : anamnèse détaillée, prick-tests et/ou dosage d’IgE spécifiques. Les allergènes recombinants peuvent être utiles à l’allergologue chez le sujet polysensibilisé, en cas de souhait d’immunothérapie allergénique ou face à des réactions alimentaires complexes.
Stratégie thérapeutique
La prise en charge repose sur le traitement des symptômes (voir précédemment). En cas d’asthme, on peut instaurer des traitements de fond durant une durée déterminée, afin de couvrir la période à risque. Certains conseils pratiques peuvent être transmis aux familles pour contrôler au mieux l’environnement ; l’objectif est ici la limitation de la surexposition plutôt qu’une éviction (illusoire) comme pour les acariens (tableau 2).
De même, en cas de syndrome oral, des recommandations sur la cuisson des aliments et la conduite à tenir en cas de réaction alimentaire peuvent être données. Un PAI n’est pas indispensable en cas de syndrome oral sans gravité. La connaissance des cofacteurs susceptibles d’exacerber les signes d’allergie alimentaire méritent d’être connus (exercice, infection, etc.). L’immunothérapie allergénique par voie sublinguale répond aux mêmes conditions que celles évoquées pour l’allergie aux acariens. Elle est débutée 2 à 4 mois avant le début de la saison pollinique et poursuivie jusqu’à son terme. En cas d’effet dès la première année, elle est répétée sur une période de 3 à 5 ans. Elle peut contribuer à améliorer les manifestations d’allergie alimentaire croisée. Il existe aussi des protocoles d’immunothérapie orale spécifique pour la pomme crue.
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