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Endocrinologie-Diabétologie

Publié le 13 oct 2017Lecture 7 min

Diabète de type 2 : les enjeux chez l’enfant

Elise BISMUTH REISMAN, Nadia TUBIANA RUFI, Service d’endocrinologie et diabétologie pédiatriques, hôpital Robert Debré, Paris

Le diagnostic de diabète chez l’enfant signifie habituellement diabète de type 1 (DT1 ; destruction auto-immune des cellules bêtapancréatiques) et insulinothérapie à vie. Néanmoins, nous avons vu émerger ces dernières décennies d’autres types de diabète dès l’âge pédiatrique. C’est le cas du diabète de type 2 (DT2) en rapport avec l’épidémie mondiale d’obésité frappant les enfants et les adolescents et qui devient dans certains pays comme le Japon plus fréquent que le DT1. Plusieurs questions se posent alors : va-t-on assister à une explosion des cas en France (Europe) ? Comment reconnaître ces patients parmi les nouveaux cas de diabète ? Faut-il dépister les adolescents obèses ? Quelles sont les options thérapeutiques et l’évolution de ces patients ?

Diabète de type 2 : une nouvelle maladie en pédiatrie Le diabète de type 2 (DT2) à l’âge pédiatrique a d’abord été décrit en Amérique du Nord. Alors qu’exceptionnel dans les années 1980, le DT2  représentait déjà 8 à 45 % des patients selon les séries de grands centres d’endocrinologie pédiatrique américains dans les années 2000, avec une augmentation rapide parallèle à celle de l’obésité, notamment dans certains groupes ethniques à risque (Indiens Pima, Hispaniques, Afroaméricains, etc.). Les données plus récentes ont montré aux États-Unis une augmentation des cas de 30,5 % entre 2001 et 2009. Au Japon, l’incidence a été multiplié par 10 entre les années 1980 et 1995, et le DT2 y est maintenant plus fréquent que le DT1 à l’âge pédiatrique. Malgré la grande variabilité géographique et alors que l’Europe fait partie des zones de faible prévalence, nous avons également assisté sur les dernières décennies à l’émergence puis l’accroissement des nouveaux cas de DT2 dans différents pays d’Europe (Grande Bretagne, France, Allemagne, Autriche, Pologne, etc.). En France, en l’absence de registre national, les données de notre centre suivant une cohorte de plus de 900 enfants et adolescents diabétiques retrouve, par une approche systématique prospective et rétrospective des nouveaux cas de diabète, une proportion de plus de 8 % de DT2 entre 2007 et 2012, soit 4 fois plus qu’il y a douze ans. Un enjeu diagnostique Les critères de diagnostic du diabète sont rappelés dans le tableau 1. Le DT2 à l’âge pédiatrique se révèle classiquement chez l’adolescent (après l’âge de 10 ans ; milieu de puberté), en surpoids ou obèse (généralement ancienne), avec une prédominance féminine et, de manière préférentielle, dans certains groupes ethniques à risque, mais pas exclusivement. On retrouve des signes cliniques d’insulinorésistance (Acanthosis nigricans, syndrome des ovaires polykystiques, etc.) et de nombreux antécédents de diabète dans la famille (DT2, diabète gestationnel). Aucun de ces critères n’est cependant absolu (description de patients âgés de moins de 10 ans au diagnostic, développement  d’un DT2 à poids quasi normal dans certaines ethnies du Pacifique, etc.) et le diagnostic doit donc être fait après élimination d’un DT1 et/ou d’un diabète monogénique compte tenu de la prévalence de l’obésité qui devient actuellement un facteur de confusion important. Le mode de présentation au diagnostic est variable, le plus souvent insidieux avec découverte fortuite lors d’une HGPO ou d’un bilan à jeun, il peut être aussi sévère sous une forme cétosique (voire acidocétosique dans 25 % des cas) ou hyperosmolaire (3,7 % des cas) avec mise en jeu du pronostic vital (15 % de mortalité en cas de forme hyperosmolaire). Dans ces formes de découverte bruyante, c’est l’évolution (négativité des auto-anticorps, évolution avec baisse rapide des besoins en insuline après la phase aiguë) qui orientera le diagnostic étiologique. Il est également important de systématiquement reconstituer la courbe de croissance staturo-pondérale de ces patients, qui suite à la perte de poids parfois importante prédiagnostique, peuvent se présenter avec un IMC dans les normes. Dans environ 20 % des cas, un auto-anticorps peut être identifié chez ces patients, on parle alors de « double diabète » pour lequel le besoin de recours à l’insulinothérapie est généralement plus rapide. Une physiopathologie proche de celle chez l’adulte Le DT2 survient en contexte d’insulinorésistance périphérique (importante physiologiquement en période pubertaire) et hépatique (en lien avec l’obésité) associée à une dysfonction bêtapancréatique. Il a d’ailleurs été démontré de manière intéressante que dans certaines ethnies à risque, l’insulino résistance physiologique de la puberté n’était pas compensée d’une augmentation de l’insulinosécrétion (ex : les Afro-américains). Des études ont par ailleurs estimé la fonction bêtapancréatique des patients au diagnostic à environ 60-90 %, avec une décroissance d’environ 5 % par an chez l’adulte, mais de près de 25 % par an chez l’enfant expliquant la nécessité du recours secondaire fréquent et relativement rapide à l’insulinothérapie chez les patients pédiatriques. Faut-il dépister les adolescents obèses ? Le consensus de l’American Diabetes Association (2000) recommande le dépistage des troubles de la tolérance glucidique chez les enfants de plus de 10 ans présentant un surpoids ou une obésité (IMC ≥ 85e percentile pour l’âge et le sexe) et 2 autres facteurs de risque parmi : l’appartenance à un groupe ethnique à risque, la présence d’antécédents familiaux de diabète de type 2 au 1er ou 2e degré,ou la présence de signes cliniques d’insulinorésistance (syndrome des ovaires polykystiques, hypertension artérielle, dyslipidémie). Le test recommandé est la glycémie à jeun mais de nombreux centres lui préfèrent, même si elle est plus coûteuse, l’HGPO qui a l’intérêt de dépister les états prédiabétiques (intolérance au glucose [ITG]) et offre la possibilité de mise en place de stratégies d’éducation thérapeutique des familles à un stade précoce. En pratique, aux États-Unis, moins de la moitié des patients qui présentent les critères du dépistage en ont bénéficiés, et une anomalie glycémique est constatée chez seulement 9,2 % des enfants dépistés. Dans une autre étude réalisée auprès de 117 adolescents obèses, les facteurs associés à la progression de l’intolérance au glucose (n = 33/117) vers le diabète (8/33) sur une période de suivi médiane de 20 mois sont : l’IMC de départ, la prise de poids et l’augmentation de l’IMC entre les 2 tests et l’appartenance à l’ethnie afro-américaine, sans valeur prédictive de la glycémie et de l’insulinémie à jeun. En Europe, lorsque l’HGPO est réalisée selon les critères ADA, on identifie 20 à 30 % d’ITG et 2 à 5 % de diabète. Les modalités de dépistage restent variables d’un centre à l’autre. Dans tous les cas, ce dépistage doit s’inscrire dans une démarche globale de recherche des comorbidités associées à l’obésité comme l’hypertension artérielle et les dyslipidémies, plus fréquentes d’ailleurs que les troubles de la tolérance glucidique chez ces patients. Il conviendra bien sûr de penser au diabète en cas de perte de poids « inexpliquée » chez un adolescent obèse, le diagnostic risquant d’être fait tardivement (adolescent et famille étant contents de la perte de poids, ils ne sont pas enclin à consulter). Des enjeux thérapeutiques En cas de présentation non sévère (hyperglycémie seule), la metformine associée aux règles hygiéno-diététiques est le traitement de première intention (à noter que la metformine n’a pas montré son efficacité chez le patient obèse non diabétique et n’a donc pas d’indication dans ce cas). La metformine est encore au jourd’hui le seul traitement oral approuvé chez l’enfant DT2 alors que l’on sait que la moitié des patients vont « rechuter » avec ce traitement au bout de quelques mois/années (étude TODAY « Treatment Options for Type 2 Diabetes in Adolescents and Youth »). L’insulinothérapie est alors le seul autre traitement approuvé, le plus souvent utilisé sous forme basale seule ou associé à la metformine, puis mise en place d’une insulinothérapie intensifiée si cela est insuffisant (figure). De manière intéressante, l’étude TODAY a également montré l’absence de supériorité de l’association de la metformine aux règles hygiéno-diététiques (RHD) versus metformine seule, alors que les jeunes du groupe RHD + metformine bénéficiaient d’un coaching impressionnant (visite toutes les semaines pendant les 6 premiers mois puis tous les mois). Il a, par ailleurs, été montré dans cette étude que ceux qui rechutaient sous metformine étaient ceux qui avaient un déclin plus important de la fonction bêtapancréatique (- 25 % à 6 mois, - 56 % à 12 mois). Ces éléments sont importants à prendre en considération lors de nos échanges avec les familles : culpabilité du jeune et de sa famille en cas d’échec, augmentation de l’activité physique du jeune sans « résultat » visible, etc. En cas de présentation sévère (cétose, hyperosmolarité), l’insulinothérapie associée à la metformine (une fois la situation aiguë jugulée) et aux règles hygiénodiététiques est le traitement de 1re intention. Celle-ci pourra le plus souvent être rapidement diminuée, voire arrêtée avant la sortie. C’est pourquoi il est important d’évoquer le diagnostic de DT2 dès la phase initiale au risque de laisser ces patients inutilement sous insuline avec une perte de poids, et donc une rémission, qui sera plus difficile à obtenir. Des enjeux pronostiques Les données concernant l’évolution de ces patients montrent que les complications micro- et macrovasculaires sont plus précoces et rapides que dans le DT1 à un taux moins élevé d’HbA1c. Elles sont donc à rechercher dès le diagnostic, puis à un rythme annuel. La mortalité, principalement cardiovasculaire, est également augmentée à durée de la maladie et âge de diagnostic équivalents. Pour ces raisons, l’objectif métabolique chez ces patients doit donc être strict et on recommande habituellement une HbA1c ≤ 6,5 % (ISPAD).

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