Publié le 11 jan 2016Lecture 5 min
Le virtuel peut-il soigner les enfants ?
G. PICHEROT, CHU de Nantes
Le virtuel est de plus en plus présent dans le monde de l’enfance et le terme « réalité virtuelle » utilisé sans discernement. Quelle est sa définition et dans quelle mesure peut-il être utile pour les soins de l’enfant ? Avantages et écueils, vraisemblablement relationnels, d’une technologie qui a investi les foyers.
Une définition à préciser Une première approche du terme « réalité virtuelle » fait référence à la relation entre le réel et le virtuel dans les techniques d’information et de communication. L’interprétation se focalise sur le virtuel. On évoque alors le « potentiel », le « non actuel » (en principe non visible), le « différent de la présence corporelle » (S. Tisseron). Une autre approche correspond à une définition issue de l’inter prétation de l’anglais « virtual reality », mieux traduite par le terme « presque réalité ». Dans ce deuxième axe de définition, la réalité virtuelle est conçue comme une simulation interactive visuelle et sonore avec un objectif – dans le domaine médical – de soins ou d’enseignement. Elle permet une amélioration sensorimotrice et cognitive par l’immersion, l’interaction et l’analyse de ses propres actions. Pour éviter les confusions entre ces deux axes de définition, certains proposent de traduire le terme « virtual reality » par « virtualité réaliste ». On parle aussi de réalité augmentée lorsqu’on superpose avec l’aide des techniques d’information et de communication (TIC) le virtuel au réel. Pour les soins, le modèle de réalité augmentée est représenté par les jeux informatiques utilisés, par exemple en éducation thérapeutique. Applications dans le domaine des soins De nombreuses publications portent sur l’utilisation de la réalité virtuelle dans diverses pathologies (plus de 1 000 publications répertoriées par Pubmed depuis le 1er janvier 2013 !). Le principal but de recours à cette technique concerne le développement de l’autonomie et « une meilleure rencontre avec le monde réel ». Les pathologies principalement concernées sont l’autisme, les déficiences motrices et cognitives dans le cadre des infirmités motrices cérébrales, l’obésité et les troubles de coordination. Les intérêts de la réalité virtuelle sont soulignés par tous les auteurs : – absence de matériel gênant les mouvements de l’enfant ou angoissant pour lui ; – accessibilité malgré les handicaps ; – possibilité d’utilisation à plusieurs ; – avidité des enfants pour ce type de médiation thérapeutique. La réalité virtuelle est utilisée pour une approche moins angoissante de la réalité d’un comportement ou d’une maladie. On parle d’une immersion dans le virtuel qui permet d’interagir et de développer des adaptations comportementales sans l’angoisse du réel. Les enfants apprennent à mieux repérer leurs symptômes et gèrent mieux leur asthme ou leur diabète. La réalité virtuelle et la « réalité augmentée » sont très utilisées dans l’enseignement au titre de techniques d’apprentissages par simulation, qui développent aussi les capacités sensitivomotrices et cognitives des soignants, avant l’application dans le réel au grand bénéfice des soignés, en particulier des enfants. Les points négatifs L’utilisation des écrans par l’enfant peut avoir des conséquences négatives, déjà largement décrites et reprises dans le rapport de 2013 de l’Académie des sciences, « L’enfant et les écrans ». Les risques d’isolement du monde réel, de la consommation de temps face aux écrans par rapport aux autres activités, de la violence qui peut accompagner certaines images ou certains contacts non contrôlés sont associés à l’utilisation de toutes ces techniques d’information et de communication. L’utilisation de la réalité virtuelle dans les soins pourrait de manière plus spécifique « éviter la pensée » en se fixant uniquement sur l’image virtuelle, et également empêcher le contact réel avec les soignants et engendrer un « désengagement » réciproque. Le risque est peut-être d’entretenir une confusion entre réalité et virtualité, en maintenant, par exemple, la réalité du corps à distance. Ce mode de soins ou d’éducation thérapeutique n’est qu’une modalité parmi d’autres. Il impose au soignant de rester présent et actif. L’objectif est la liaison avec la réalité. Comme pour l’utilisation de la simulation dans les apprentissages médicaux, la réalité virtuelle est une étape de transition vers le réel. La particularité de l’enfant est sans doute sa très grande capacité à s’adapter à ce monde virtuel informatique comme il s’adapte à la virtualité des contes traditionnels. À travers ce mode relationnel, d’autres abords thérapeutiques seront sûrement développés. Les résultats de cette réalité virtuelle sont prometteurs dans une « place raisonnable », mais elle ne remplacera jamais le contact direct et l’accompagnement !
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