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Pédiatrie générale

Publié le 07 sep 2015Lecture 6 min

Incontinence urinaire : quels diagnostics évoquer ?

S. NATHANSON, Service de pédiatrie-néonatologie, Centre hospitalier de Versailles

Les troubles mictionnels, et notamment les fuites urinaires, constituent un important motif de consultation en pédiatrie générale. Les deux diagnostics les plus fréquents sont l’énurésie simple pour les enfants dont les fuites sont exclusivement nocturnes et l’instabilité vésicale pour les enfants ayant des fuites diurnes. Néanmoins, d’autres diagnostics doivent rester à l’esprit du clinicien, qui les recherche par un interrogatoire et un examen clinique rigoureux puis, éventuellement, à l’aide d’examens complémentaires.

Importance de l’interrogatoire L’interrogatoire doit se dérouler en deux temps. La première partie consiste à recueillir les éléments de l’anamnèse générale dans le but de rechercher des facteurs favorisants ou d’éventuelles pathologies organiques sous-jacentes à l’origine des fuites. Il doit également s’attacher à caractériser les fuites urinaires : sont-elles nocturnes, diurnes ou mixtes ? Il faut penser à rechercher une constipation associée éventuellement à une encoprésie, des antécédents d’infections urinaires fébriles ou d’épisodes de fièvre inexpliqués, l’existence d’un syndrome polyuropolydipsique. Dans un deuxième temps, l’interrogatoire s’attachera à détailler l’anamnèse mictionnelle : existe-t-il une dysurie (nécessité de pousser pour uriner), des besoins impérieux, des manoeuvres pour retenir les urines ? Quelle est la fréquence des mictions et leur quantité, quelle est la qualité du jet urinaire ? Est-il saccadé ? Comment quantifier ces fuites : s’agit-il de fuites modérées, quelques gouttes tâchant la culotte ? Le pantalon est-il trempé ? Y a-t-il des fuites immédiatement après la miction ? L’examen clinique doit rechercher un encombrement stercoral et l’existence d’un globe vésical. Les organes génitaux externes doivent être examinés de manière à rechercher une inflammation. Un écoulement permanent de l’urine peut être détecté, dans les cas de malformation anatomique avec abouchement ectopique urétéral. Un examen neuro-orthopédique doit être réalisé de manière à rechercher des signes évocateurs de dysraphisme fermé : sillon fessier dévié, fossette lombo-sacrée, lipome médian, touffe de poils dans la région sacrée. L’examen orthopédique recherche la présence de pieds creux, une inégalité de longueur des membres inférieurs, un déficit de la sensibilité périnéale et des membres inférieurs.   Les diagnostics à évoquer   Vessie neurologique Il s’agit d’un dysfonctionnement vésical caractérisé par une dys-synergie vésico-sphinctérienne. La vessie cherche à se vider en se contractant en amont d’un sphincter ne se relâchant pas.  Physiopathologie Le fonctionnement vésical est caractérisé par l’existence de hautes pressions intravésicales. La vessie est hyperactive et présente progressivement des troubles de la compliance, un épaississement pariétal, le développement de diverticules. En amont, apparaissent les conséquences sur le haut appareil, marquées par une urétéro hydronéphrose et une détérioration de la filtration glomérulaire. Le risque, en l’absence de prise en charge, est celui de l’aboutissement à l’insuffisance rénale chronique.  Modes de révélation Une vessie neurologique peut se révéler à l’occasion d’infections urinaires récidivantes, infections basses et/ou pyélonéphrites aiguës ou à l’occasion d’un retard d’acquisition de la continence urinaire.  Étiologies des vessies neurologiques La cause du dysfonctionnement vésico-sphinctérien est soit médullaire (le plus souvent), soit cérébrale. Les causes médullaires sont le plus souvent congénitales. Il s’agit des anomalies de fermeture du rachis sur la ligne médiane. La forme la plus sévère est le dysraphisme ouvert, c’est-à-dire le spina bifida ou myéloméningocèle. Le dysraphisme peut être fermé. Ce sont les situations de lipomes du cône médullaire, film terminal court, sinus dermique, diastématomyélie, syndrome de régression caudale. L’atteinte médullaire peut également être acquise, d’origine traumatique, tumorale ou infectieuse. Enfin, les vessies neurologiques peuvent s’inscrire dans un contexte polymalformatif, notamment de malformations anorectales, dans le syndrome de VATER, les agénésies sacrées. Enfin, il ne faut pas méconnaître le syndrome de Hinman caractérisé par un dysfonctionnement vésico-sphinctérien sans anomalie neurologique médullaire identifiable.  Explorations complémentaires L’échographie est réalisée systématiquement si une vessie neurologique est suspectée. Celle-ci recherche les conséquences possibles sur le haut appareil, à savoir des dilatations des cavités excrétrices et une dédifférenciation cortico-médullaire. Au niveau vésical, l’épaisseur de la paroi est évaluée, ainsi que la capacité de vidange vésicale par l’estimation du volume pré- et post mictionnel. Une cystographie sera demandée uniquement en cas d’anomalies du haut appareil à l’échographie, en cas de pyélonéphrites aiguës faisant suspecter un reflux vésico-urétaral secondaire. La cystographie permet d’étudier l’anatomie vésicale pré-, per- et postmictionnelle. Un bilan urodynamique est réalisé devant une situation vésico-sphinctérienne à risque rénal et pourra aider au choix du traitement médical ou chirurgical.   Les syndromes polyuropolydipsiques Ils sont définis par l’existence d’une diurèse > 50 ml/kg/j, associée à une augmentation des apports liquidiens. Quelques éléments de gravité sont recherchés : une soif nocturne, une perte de poids, l’altération de la croissance staturo-pondérale, lorsqu’ils sont présents, font suspecter une organicité à cette polyurie. Une bandelette urinaire à la recherche de glycosurie doit être systématiquement réalisée pour le diagnostic d’un diabète.  Tubulopathies congénitales Des troubles de la croissance staturo-pondérale associés à une polyurie sont généralement observés dès les premiers mois de vie. Dans ce cadre peuvent être suspectées les tubulopathies proximales se traduisant par un syndrome de Toni-Debré-Fanconi ou bien des tubulopathies distales, telles que le syndrome de Bartter ou de Gitelman.   Autres étiologies • Devant des fuites peu abondantes survenant juste après une miction, on pourra évoquer un reflux urinaire intravaginal. • Un écoulement permanent de l’urine visible à l’inspection de la région vulvaire peut envisager un abouchement ectopique de l’uretère. • Une obstruction urétrale par une lithiase, urétérocèle, valves de l’urètre postérieur.   Conclusion Les fuites urinaires sont un motif très fréquent de consultation pédiatrique. Le plus souvent ces fuites sont d’origine fonctionnelle, qu’il s’agisse d’une immaturité vésicale se traduisant par des fuites diurnes ou bien d’une énurésie simple lorsque les fuites sont exclusivement nocturnes. Cependant, l’interrogatoire et l’examen clinique veillent à ne pas méconnaître des étiologies plus rares de fuites, représentées par les vessies neurologiques ou les syndromes polyuropolydipsiques.

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