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Nutrition

Publié le 30 aoû 2010Lecture 9 min

Vitamine D et adolescent : faut-il s’y intéresser ?

A. LIENHARDT-ROUSSIE, Hôpital de la Mère et de l’Enfant, CHU, Limoges

La supplémentation en vitamine D est fortement recommandée lors du 3e trimestre de la grossesse et systématique pour le jeune enfant. Cela a permis la disparition des hypocalcémies néonatales sévères par carence vitaminique maternelle et celle du rachitisme carentiel commun du petit enfant, du moins dans notre pays. Qu’en est-il pour nos adolescents ? Sont-ils carencés ? Comment les dépister ? Faut-il leur proposer une supplémentation ?

La vitamine D est-elle une vitamine ? La vitamine D n’est pas une vitamine mais une véritable hormone stéroïde avec une synthèse, un transport sanguin puis des actions endocrines et paracrines via un récepteur nucléaire (figure 1). En fait, le terme de vitamine D est un abus de langage et regroupe un ensemble de métabolites différents, tous dérivés du cholécalciférol, ou vitamine D3. Le métabolite actif est la forme di-hydoxylée (1-25[OH]2D3), de demi-vie courte, et dont la synthèse puis la dégradation sont finement régulées. La forme de réserve de la vitamine D est la forme 25(OH)D3 de demi-vie longue et dont la synthèse est peu régulée ; elle est stockée au niveau hépatique. Figure 1. Synthèse et action simplifiées de la vitamine D. Le métabolite actif de la vitamine D est la forme di-hydoxylée du cholécalciférol (vitamine D3) ou 1-25(OH)2D3 . Le cholécalciférol est soit synthétisé par la peau sous l’action des rayons ultraviolets à partir du 7 déhydrocholestérol (7-DHC), soit apporté par l’alimentation ; il subit une double hydroxylation en 25 au niveau du foie puis en 1 au niveau rénal ; ce métabolite a une durée de vie courte et sa synthèse est finement régulée en modulant l’expression du gène de l’enzyme 1 α-hydoxylase (CYP27B1) responsable de l’hydroxylation rénale. Sa dégradation est également régulée par modulation du gène de la 24 hydroxylase (CYP24). La forme de réserve de la vitamine D est la forme 25(OH)D3 dont la demi-vie est longue et la synthèse peu régulée ; elle est stockée au niveau hépatique. La vitamine D est transportée dans le sang par une protéine, la BDP. L’action de la vitamine D s’exerce sur les tissus cibles par le biais d’un récepteur nucléaire (VDR), le couplage vitamine D/récepteur modulant alors la transcription de nombreux gènes. Rôles élargis de la vitamine D Les rôles de la vitamine D dans la régulation du métabolisme phosphocalcique ne sont plus à démontrer, mais peuvent parfois paraître contradictoires : elle stimule l’absorption intestinale des ions calcium et phosphate. Selon les situations, elle favorise la minéralisation osseuse ou recrute le calcium intraosseux ; réprime la synthèse de PTH pour en limiter l’effet néfaste sur l’os ; stimule celle de FGF 23, facteur hypophosphatémiant. Depuis quelques années, d’autre rôles sont reconnus à la vitamine D : – régulation du système rénine angiotensine ; – modulation de l’immunité ; – régulation du cycle cellulaire et donc de la prolifération cellulaire, voire de l’apoptose ; – contrôle de certaines excrétions hormonales, telle celle de l’insuline. Basée sur le rôle pivot de la vitamine D dans le maintien d’une calcémie normale, une supplémentation en vitamine D est fortement recommandée lors du 3e trimestre de la grossesse et systématique pour le jeune enfant. Qu’en est-il pour nos adolescents ? Une supplémentation en vitamine D est fortement recommandée lors du 3e trimestre de la grossesse et systématique pour le jeune enfant.  Carence à l’adolescence : comment la reconnaître ? Reconnaître cliniquement une carence en vitamine D chez l’adolescent n’est pas simple. En effet, rares sont les adolescents symptomatiques, même si de véritables rachitismes carentiels ont été décrits chez l’adolescent en France, et dans ce cas plus volontiers parmi les populations migrantes : 33 cas ont été décrits en région rouennaise chez des adolescents par Mallet en 2000. Il faut donc se baser sur des définitions plus « biologiques » de la carence en vitamine D. L’évaluation du statut en vitamine D repose sur le dosage de la 25(OH)D3. Chez l’adulte, la définition de la carence en vitamine D a fait l’objet d’un consensus. Il faut cependant être vigilant dans l’interprétation des valeurs normales présentées, notamment selon la trousse de dosage, voire la saison. Pour l’enfant, le consensus international n’existe pas. Le tableau 1 rapporte les taux que nous préconisons dans le centre de référence des maladies rares du métabolisme phosphocalcique pour définir normalité et déficit. La carence en vitamine D entraînant une élévation de la PTH, certains auteurs se basent sur cette élévation pour reconnaître un état de possible carence en vitamine D.   Y a-t-il carence ? Malgré ces difficultés, de nombreuses études ont été effectuées de par le monde, sous diverses latitudes, à des saisons différentes, dans diverses populations adolescentes en bonne santé, de corpulence normale et d’ethnies variées pour appréhender leur statut vitaminique D. Ainsi, une carence « biologique » est décrite dans toutes ces populations adolescentes, qu’elles soient américaines, australiennes, chinoises, norvégiennes, irlandaises ou françaises. Elle est plus marquée en période hivernale qu’en période estivale et pour les populations à peau pigmentée. Certes, les comparaisons sont difficiles en raison de grandes variabilités dans les âges, les saisons et surtout les taux seuil de 25(OH)D3 utilisés. Pour exemple, dans la région parisienne, le statut vitaminique D de 116 patients âgés de 6 à 17 ans (41 garçons, 76 filles) en bonne santé a été évalué en fin d’hiver : 11 % sont en dessous du seuil de 25 nmol/L et 62 % en dessous de 50 nmol/L. Il n’est cependant pas raisonnable d’envisager des dosages systématiques pour dépister cette carence. La carence en vitamine D est plus marquée en période hivernale qu’en période estivale et pour les populations à peau pigmentée. L’adolescent à risque peut être repéré en utilisant l’outil proposé par Michèle Garbédian : en croisant sur un abaque exposition solaire et apport nutritionnel spontané ou supplétif en vitamine D, on peut repérer très rapidement en pratique quotidienne, lors d’une consultation « de routine », un adolescent à risque de carence en vitamine D (figure 2).   Figure 2. Abaque de M. Garabédian, croisant exposition solaire et apports nutritionnels ou supplétifs en vitamine D. Une attention particulière doit être portée auprès des adolescents obèses : ceux-ci sont fortement carencés en vitamine D, certes en raison de leurs habitudes alimentaires et de leur moindre exposition solaire, mais également en raison d’une moins bonne biodisponibilité de la vitamine D qui se retrouve « piégée » dans le tissu adipeux. Une attention particulière doit être portée auprès des adolescents obèses, car ceux-ci sont fortement carencés en vitamine D. Retentissement potentiel ? Même si elle est totalement asymptomatique, cette carence occulte durant l’adolescence risque d’avoir un retentissement à l’âge adulte, ce d’autant plus que, le plus souvent, elle perdure. Cette carence chronique provoque une élévation des taux de PTH, certes non pathologique, mais entraînant une modification du remodelage osseux avec de possibles conséquences au long terme. Par ailleurs, des adolescentes carencées en vitamine D puis supplémentées pendant deux années, ont une moins bonne accrétion osseuse que leurs pairs non carencées initialement : cela se traduit par un contenu minéral osseux moindre, même s’il est amélioré, et suggère que le retard n’est pas rapidement comblé. Le retard de minéralisation osseuse chez une adolescente carencée en vitamine D semble long à combler. Il semblerait par ailleurs qu’une carence en vitamine D dans la petite enfance (apports inférieurs à 10 μg/j) soit associée de façon significative à la survenue d’un diabète insulinodépendant (étude EURODIAB 1999) et à la majoration de l’insulinorésistance chez des adolescentes obèses, et ce par des mécanismes physiopathologiques différents (modulation de l’immunité, sécrétion de l’insuline), et à la survenue de pathologies neurologiques auto-immunes. L’augmentation du risque relatif de survenue de cancer est désormais bien établie dans la population adulte carencée (cancer colorectal, anal et sein). Enfin, les pathologies cardiovasculaires et les décès qu’elles induisent sont également plus fréquents en cas de carence en vitamine D chez l’adulte. Certes ces effets à long terme de la carence en vitamine D méritent encore d’autres études prospectives et/ou interventionnelles. Faut-il agir ? Il semble donc utile de voir d’un oeil différent la carence en vitamine D chez l’adolescent en bonne santé et de ne pas la négliger (tableau 2). L’autre trépied du métabolisme phosphocalcique, à savoir l’apport calcique alimentaire, est également mis à mal pendant l’adolescence. Les apports calciques sont très nettement insuffisants, et ce encore plus chez la jeune fille que chez le jeune homme. L’adolescent est en pleine croissance staturale et a des besoins accrus tant en calcium qu’en vitamine D pour fabriquer son squelette. Or, si les apports recommandés sont de 1 000 à 1 200 mg/j de calcium ils sont en réalité bien inférieurs (tableau 3). Parmi la population adolescente française, ils avoisinent les 800 mg/j. Les apports recommandés en vitamine D sont de 5 à 10 μg/j (200 à 400 UI/j), alors que spontanément ils sont plus bas, entre 1,5 et 3,5 μg/j (60 à 140 UI/j). Pour toutes ces raisons, une supplémentation en vitamine D est souhaitable chez l’adolescent et peut se faire en prescrivant un apport de 100 000 UI à l’entrée de l’hiver puis en févier-mars, associé à la prise de 3 à 4 produits laitiers quotidiens. En pratique, on retiendra  La vitamine D est une hormone.  Elle régule principalement le métabolisme phosphocalcique mais a d’autres fonctions.  Les adolescents sont souvent carencés en vitamine D.  Repérage à l’aide d’abaque, pas de dosage sanguin.  Apports alimentaires indispensables : • 3 à 4 produits laitiers quotidiens ; • 100 000 UI de vitamine D deux fois pas an durant l’hiver.

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