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Cas cliniques

Publié le 04 jan 2010Lecture 6 min

Une splénomégalie fébrile

M. TARDY, Service Pédiatrie, Centre hospitalier, Firminy

Une jeune fille turque de 16 ans, arrivée en France depuis 2 mois (date de son mariage), consulte aux Urgences pour des douleurs abdominales au niveau inguinal droit, associées à des leucorrhées nauséabondes, dans un contexte de fièvre évoluant depuis 15 jours.

 
Histoire clinique L’interrogatoire est rendu difficile à la fois par la barrière linguistique et par une réticence de la patiente à fournir des informations médicales. Nous attribuerons par la suite cette attitude à une usurpation d’identité effectuée par ses proches pour l’introduire sur le territoire français. L’examen clinique initial trouve un état général altéré, une fièvre à 39,7 °C avec sueurs. L’examen abdominal met en évidence une sensibilité diffuse du flanc gauche associée à une douleur à l’ébranlement rénal gauche. Le toucher vaginal est sans anomalie notable, en dehors des leucorrhées. Il existe un retard de règles de 15 jours. L’examen cardio-pulmonaire, ORL, cutané, neurologique est sans particularité. Les aires ganglionnaires sont libres. Un bilan biologique est prescrit (encadré 1).   Encadré 1. Biologie initiale • NFP : – GB : 2 400/mm3 (polynucléaires neutrophiles : 1 300/mm3 [54 %]) ;  – Hémoglobine : 12,3 g/dl ; – Plaquettes : 170 000/ml • Ionogramme sanguin : normal ; • ALAT : 63 UI/l ; • CRP : 53 mg/l ; • βHCG : négatives La patiente est hospitalisée pour mise en route d’un traitement par rocéphine dans l’hypothèse d’une pyélonéphrite aiguë. L’évolution dans le service est marquée par la persistance de douleurs abdominales diffuses (fosse iliaque droite, hypochondre gauche), de l’état fébrile avec sueurs profuses et l’apparition d’un ictère. La consultation auprès du gynécologue, avec réalisation d’une échographie endo-vaginale, permet d’éliminer une infection génitale haute (salpingite, endométrite) ; le prélèvement vaginal montre une mycose banale (recherches de mycoplasme et des chlamydia négatives). L’échographie abdominale ne montre pas d’anomalie des voies urinaires, mais une splénomégalie mesurée à 18 cm, qui n’avait pas été perçue cliniquement en premier lieu car de consistance « molle ». Il est décidé d’élargir le bilan biologique. Les résultats du bilan biologique complémentaire sont résumés dans l’encadré suivant.   Encadré 2.  Examens complémentaires Bilan biologique standard :  • NFP : – GB : 2 500/mm3 ; – Hémoglobine et plaquettes : normales • Tests hépatopancréatiques : – γGT : 144 UI/l ; – ASAT : 307 UI/l ; – ALAT : 165 UI/l ; – Lipase : 177 UI/l • VS : 15 mm/h • CRP : 50,5 mg/l • Coagulation et ionogramme sanguin : normaux • Virologie • Sérologie HIV, hépatites A et C négatives • Sérologie EBV et CMV en faveur d’une infection ancienne • Sérologie hépatite B : – Antigène HBs : négatif ; – Anticorps anti-HBc : positif ; – Anticorps anti-HBs positif : 542 UI/l • Parasitologie : – Recherche de paludisme : négative (frottis sanguin + antigènes) • Bactériologie : – ECBU : stérile ; – Sérologie Gonocoque, Leishmaniose, Chlamydia : négatives – IDR à la tuberculine : négative – Séro-agglutination de Wright : fortement positive ++++ – Deux hémocultures positives pour Brucella melitensis   Au vu de ces données, le diagnostic de brucellose en phase septicémique est retenu, avec antécédent d’infection par le virus de l’hépatite B. La confirmation du diagnostic est apportée par les examens complémentaires suivants : – NFP : leuconeutropénie ; – syndrome inflammatoire : modeste (VS et CRP peu élevées). Mais surtout par : – les hémocultures ; – la séro-agglutination de Wright (faux-positifs avec la tularémie ou les yersinioses) ; – la détection des anticorps en immuno-fluorescence indirecte (IgG, IgA, IgM) ; – l’IDR en phase chronique.   Commentaires • La brucellose, également appelée fièvre de Malte, fièvre ondulante sudoro-algique ou fièvre méditerranéenne, est une maladie bactérienne due à Brucella melitensis, B. abortus bovis ou B. abortus suis. Ce sont des coccobacilles à Gram négatif à développement intracellulaire, ce qui rend la stérilisation complète difficile et explique les rechutes septicémiques et les troubles chroniques. • L’incidence de la maladie est en nette diminution en France (moins de 100 cas annuels, essentiellement dans le sud du pays), mais en revanche elle est encore fréquente dans les pays en voie de développement. La contamination se fait par les animaux domestiques infectés (bovins, caprins, ovins), liée à l’exercice professionnel (bergers, vétérinaires, agriculteurs, bouchers…), ou non (consommation de fromages frais, de crudités contaminées par le fumier). La maladie s’exprime chez l’animal par des infections génitales et des avortements, avec un portage prolongé jusqu’à plusieurs années. La contagiosité de l’animal à l’homme est très importante (par voie digestive ou cutanée), par contre extrêmement faible par voie inter-humaine. • L’incubation varie de 1 à 3 semaines maximum. La primoinvasion est une phase bactériémique avec atteinte des organes du système réticulo-histiocytaire (foie, rate, moelle osseuse, ganglions lymphatiques, organes génitaux). Elle se manifeste cliniquement par une fièvre ondulante, des sueurs profuses et nauséabondes, des sensations de malaise, des polyarthromyalgies. Il existe une hépato-splénomégalie, et parfois des adénopathies, des arthrites ou des orchites. L’atteinte endocarditique est rare et très grave. • La phase secondaire est une phase de parasitisme bactérien, aboutissant à des foyers infectieux constitués (ostéo-arthrite, spondylodiscite, atteinte hépatosplénique, méningite, atteinte polyviscérale chez l’immunodéprimé). Il existe une asthénie prolongée. • La phase tertiaire (chronique) correspond à des foyers d’évolution torpide (foyers quiescents osseux, neuroméningés, brucellomes viscéraux), associés à une asthénie et des sueurs et algies à l’effort.   Traitement et suivi Le traitement de référence en phase primaire est la bi-antibiothérapie prolongée (6 semaines) : doxycycline (à la dose de 4 mg/kg/j chez l’enfant et de 200 mg/j chez l’adulte) + rifampicine (15 mg/kg/j). Les cyclines sont contre-indiquées avant 8 ans, et la rifampicine en cas de trouble hépatique (attention également à l’effet inducteur enzymatique pour la contraception orale). Les alternatives thérapeutiques sont le cotrimoxazole ou les fluoroquinolones. On peut adjoindre à ce traitement des aminosides en phase aiguë. En phase secondaire avec atteinte focale, le traitement est prolongé pendant 3 mois. En phase secondaire afocale ou en phase tertiaire, le traitement antibiotique ne semble pas avoir d’efficacité. Les mesures de prophylaxie restent un élément clé dans la prise en charge de cette maladie : – maladie à déclaration obligatoire n° 16 ; – surveillance des troupeaux (sérologies, dosage des anticorps dans le lait) ; – pasteurisation du lait, mesures d’hygiène ; – vaccination des animaux ? – vaccination des professionnels ?    

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