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Cas cliniques

Publié le 08 juil 2009Lecture 6 min

Une fièvre mal tolérée

D.ARMENGAUD, CH de St Germain en laye

Vanessa, 14 ans et demi, présente une fièvre apparue brutalement la veille au soir aux alentours de 40,5 °C avec céphalées, vomissements et selles liquides. La persistance de cette fièvre malgré le traitement antithermique symptomatique (paracétamol) et sa mauvaise tolérance du fait d’une fatigue inhabituelle déclenche l’appel du médecin traitant. Celui-ci, devant une angine érythémateuse avec suspicion de syndrome méningé, l’adresse aux urgences. 

 
Histoire clinique Vanessa est la troisième d’une fratrie comprenant un frère et une soeur aînés âgés respectivement de 28 et 24 ans, sans antécédents médicaux particuliers (tout comme ses parents). Elle a présenté à l’âge de 4 ans un traumatisme de la jambe ayant nécessité une intervention chirurgicale, et se plaint d’angines à répétition. Elle est normalement réglée depuis l’âge de 12 ans, pèse 57 kg (+2DS) pour une taille de 158 cm. À l’examen, cette jeune fille paraît très asthénique, sans plainte caractérisée ou douleur focalisée. La température est à 40 °C avec une pression artérielle à 91/ 47 mmHg et une fréquence cardiaque à 112/min. L’auscultation cardio-pulmonaire est normale, l’abdomen est souple avec une petite sensibilité de l’épigastre et de l’hypochondre droit, sans hépato- ni splénomégalie. Le transit est normal. L’examen de la cavité buccale retrouve une pharyngite érythémateuse avec un purpura du voile. Il n’y a pas d’éruption cutanée ni marbrures, mais les extrémités sont chaudes avec un aspect érythémateux. L’examen neurologique est normal, notamment, il n’y a pas de raideur méningée Le test de diagnostic rapide streptococcique est immédiatement effectué et revient négatif. Un bilan biologique est prélevé (encadré).   Première discussion Ce tableau de pharyngite fébrile est apparemment bénin ; du fait du purpura du voile, il peut évoquer en premier lieu une mononucléose infectieuse, ce d’autant que le test de diagnostic rapide d’angine streptococcique est négatif. Cependant, si le tableau paraît infectieux, son origine n’est pas évidente et des éléments biologiques doivent alerter : • la NFS révèle une franche polynucléose neutrophile (95 %) ; • la CRP est à 162 mg/l ; • il existe une insuffisance rénale avec une élévation modérée de l’urée (6,1 mmol/l), mais relativement plus importante de la créatinine (141 μmol/l) que ne le voudrait une simple insuffisance rénale fonctionnelle. Pour autant il n’y a pas d’orientation diagnostique, car : • sans pouvoir être exclue définitivement, l’examen n’est pas en faveur d’une méningite ; • il n’y a aucune gêne respiratoire, l’auscultation et la radiographie du thorax secondairement effectuée sont normales (index cardio-thoracique = 0,54) ; • la bandelette urinaire est négative (ni protéinurie, ni hématurie) et l’ECBU demandé quand même dans ce contexte est stérile ; • il n’y a aucun point d’appel abdominal, digestif ou gynécologique, chez cette jeune fille qui nous dit ne pas être sexuellement active, et qui est, d’ailleurs, en période de règles. Il est donc décidé de la garder en UHCD pour maintenir la surveillance, avec pose d’une voie d’abord « de sécurité » et perfusion de G5 + électrolytes couvrant les besoins hydriques quotidiens (50 ml/kg/j). Évolution Dans les heures qui vont suivre, la situation se détériore avec une majoration de l’asthénie, alors que la fièvre reste modérée (38,4 °C), les extrémités chaudes et vasodilatées, et une hémodynamique centrale qui se dégrade avec une accélération de la fréquence cardiaque à 145 /min et une hypotension artérielle à 82/39 mmHg. Un nouveau bilan biologique est demandé.  Le tableau clinique se détériore et commence à rassembler les éléments d’un choc « chaud » hyperkinétique : • détérioration de l’hémodynamique ; • insuffisance rénale progressive avec hyponatrémie de dilution et hypoprotidémie ; • retentissement polyviscéral avec troubles de l’hémostase et atteinte hépatique… qui réclament des mesures d’urgences, à savoir un remplissage vasculaire rapide avec, selon le consensus actuel, administration de sérum physiologique en perfusion rapide de 20 ml/kg (un quart de masse sanguine).   Commentaire   En pédiatrie, la majorité des chocs rencontrés sont de nature hypovolémique par déshydratation (gastro-entérite), hémorragie (saignement ou hémolyse) ou infection (pyélonéphrite aiguë, pneumonie, méningite), avec une vasoconstriction périphérique à l’origine du mauvais teint, des marbrures et une froideur des extrémités. L’absence de cette vasoconstriction et, au contraire, le constat d’une hyperhémie des muqueuses (oropharyngée, conjonctivale génitale) doivent « inquiéter » et faire évoquer la possibilité d’un choc « toxinique », pour lequel deux germes sont principalement en cause : le streptocoque et le staphylocoque.   S’il existe quelques particularités des deux germes (cf. tableau), c’est la recherche de la porte d’entrée qui apportera le plus d’information sur l’origine bactériologique. Ici, une origine ORL est possible (en faveur du streptocoque). Mais il faut aussi penser à questionner cette jeune fille dont les règles sont en cours… sur l’utilisation de tampons vaginaux. Dans le cas présent, l’interrogatoire retrouve une fréquence de changement de tampons insuffisante, du fait de règles peu abondantes, et faisant évoquer le diagnostic de toxic shock syndrome staphylococcique.   Prise en charge et évolution Vanessa sera transférée pour la poursuite de la prise en charge dans une unité de réanimation pédiatrique où la stabilisation hémodynamique nécessitera : • la perfusion de 2 litres de remplissage dans les 12 heures suivantes, avec soutien par inotropes (dobutamine et adrénaline) en perfusion continue pendant environ 24 heures ; • une antibiothérapie à large spectre au début (ceftriaxone, vancomycine, rifampicine, metronidazole) ; • une immunomodulation par la perfusion de gammaglobulines à hautes doses (0,9 g/kg) deux jours de suite, permettant l’obtention de l’apyrexie au cours de la première perfusion. La confirmation diagnostique sera apportée par l’identification, au sein de leucorrhées purulentes d’un Staphylococcus aureus multisensible, ce qui permettra de simplifier l’antibiothérapie par cloxacilline avec une évolution ultérieure tout à fait simple.  

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