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ORL et Stomatologie

Publié le 15 jan 2008Lecture 9 min

Stridor des premiers mois de vie : écouter ou agir ?

M.-P. MORISSEAU-DURAND, Clinique CCBB Marcel-Sembat, Boulogne-Billancourt

Cette question se pose à chaque pédiatre face à un nourrisson présentant un stridor laryngé, au cours de la surveillance de l’évolution des premiers mois de vie. En raison du caractère évolutif et volontiers dyspnéisant de cette pathologie, il est important de savoir évaluer précisément le stridor pour étayer la décision et le type de prise en charge.

 
Définitions Le stridor est un « bruit » respiratoire(1). Il peut être inspiratoire ou expiratoire, voire les deux. La tonalité du bruit (aigu, rauque ou sifflant) permet de localiser l’étage où se situe l’anomalie, laryngée ou trachéale : – inspiratoire et aigu : anomalie de l’étage vestibulaire ou glottique ; – inspiratoire et rauque : anomalie sous-glottique ; – expiratoire et sifflant : anomalies trachéale et bronchique. Le « stridor » est en fait l’abréviation du  « stridor laryngé congénital essentiel », que les ORL pédiatriques appellent encore actuellement plus volontiers laryngomalacie. Il s’agit d’un stridor inspiratoire, intermittent, aigu ou grave, vibrant, sans modification du cri et de la toux. Il correspond à une aspiration passive de la muqueuse des aryténoïdes, ou de l’épiglotte, ou des deux. L’explication pathologique actuellement retenue serait l’hypotonie de la musculature laryngée par immaturité des voies nerveuses correspondantes. Si la laryngomalacie est la cause la plus fréquente de stridor des premiers mois de vie (50 à 70 % des cas), elle n’est pas la seule et reste quand même un diagnostic d’élimination. La laryngomalacie est la cause la plus fréquente de stridor des premiers mois de vie (50 à 70 % des cas). Arguments du diagnostic La suspicion diagnostique du stridor laryngé repose sur un faisceau d’arguments cliniques caractéristiques : – le caractère intermittent, à la fois exacerbé à l’effort, à l’alimentation et aux pleurs, mais diminué par l’attention, l’hyperextension cervicale, le décubitus ventral dans les bras, l’augmentation, voire l’absence, pendant le sommeil ; – le caractère vibrant polyphonique aigu ou grave ; – et enfin, associé dans 60 % des cas, un reflux gastro-œsophagien(2). Le diagnostic positif de la laryngomalacie repose sur la fibroscopie naso-laryngée. La fibroscopie se fait en consultation, sous anesthésie locale nasale chez un nourrisson à jeun depuis 3 heures. En revanche, en cas de gêne respiratoire, l’oxygénation et la proximité d’un bloc opératoire sont à privilégier. La règle d’or est de ne pas franchir le plan glottique en dehors d’un bloc opératoire. La règle d’or de la fibroscopie en cas de stridor laryngé est de ne pas franchir le plan glottique en dehors d’un bloc opératoire. Cette fibroscopie permet l’analyse morphologique et dynamique du larynx ainsi que l’examen de l’état de la muqueuse aryténoïdienne et du pied de l’épiglotte. Ainsi, pourra-t-on mettre en évidence de façon typique : – une laryngomalacie antérieure avec enroulement sur elle-même et bascule inspiratoire de l’épiglotte vers l’arrière, recouvrant le plan glottique ; – une laryngomalacie postérieure avec vibration et invagination inspiratoire de la muqueuse des aryténoïdes dans la lumière laryngée, voire globale (figure 1). Figure 1 (à gauche). Laryngomalacie globale. Figure 2 (au centre). Radio du larynx de profil. Figure 3(à droite). Laryngomalacie de séquence de Pierre Robin. De façon moins typique, on assiste parfois à une hypermobilité laryngée dans le sens vertical entraînant un collapsus complet du larynx sur lui-même(1), comme dans certaines pathologies malformatives (séquence de Pierre Robin [figure 3], syndrome CHARGE). Bien entendu, base de langue et valécules sont strictement normales, de même que la dynamique laryngée. La muqueuse inter-aryténoïdienne est parfois le siège (dans 60 % des cas) d’un œdème érythémateux de la muqueuse laryngée postérieure.   Écouter ou agir ? Évaluer le stridor Pour repondre à cette question, il faut avant tout évaluer le stridor et répondre à une série de questions préalables fondamentales.    Le stridor est-il seulement musical ? Est-il bien toléré, avec juste une petite dépression sus-sternale très modérée. L’alimentation est-elle rapide, la courbe de poids ascendante ? Le tonus et le développement psychomoteur normaux ?    Le stridor est-il dyspnéisant (10 à 15 % des cas), marqué par l’apparition d’un tirage important à l’effort, à la fois sus-sternal, xyphoïdien et intercostal ? Des pauses pour reprise inspiratoire entraînent-elles des troubles de l’alimentation, allongeant la durée des tétées ou des biberons (plus de 30 minutes) ? La courbe de croissance staturopondérale est-elle ralentie ? Le reflux gastro-œsophagien majoré ?    Le stridor est-il cachectisant ? Existe-t-il une dyspnée et un tirage permanent même au repos, entraînant un véritable entonnoir xyphoïdien ? L’alimentation est-elle très laborieuse (plus de 40 minutes), avec des fausses routes, une fatigue, une désynchronisation de la déglutition et de la respiration ? Le reflux est-il difficileà contrôler ? Observe-t-on une stagnation ou une cassure pondérale, des troubles du sommeil avec apnées et réveils nocturnes anormalement fréquents ?    Le stridor est-il isolé ? La succion et la déglutition sont-elles efficaces et bien coordonnées ? Le sommeil est-il calme, sans ronflement ni apnée ? Le reflux est-il bien contrôlable, l’examen somatique et morphologique normal ainsi que l’examen psychomoteur ?    Le stridor est-il associé à un dysfonctionnement néonatal du tronc cérébral (DNTC), qui associe au moins 3 des 4 signes suivants : – troubles de succion et déglutition : succion faible au doigt avec mauvaise obturation des lèvres autour du mamelon ou de la tétine. Déglutition lente avec bavages, encombrement pharyngé, fausses routes très fréquentes, voire malaises (apnées, cyanose, reflux pharyngo-nasal) ; – troubles du tonus glossopharyngo-laryngé : avec glossoptose et apnées obstructives nocturnes ; – troubles de la motricité œsophagienne : avec rejets et vomissements ; – dysrégulation sympatho-parasympathique cardiaque : hypertonie vagale avec accès de pâleur. Le diagnostic différentiel est souvent difficile et les limites souvent ténues entre des troubles de déglutition, entraînés par une gêne respiratoire, et des troubles de déglutition liés à une immaturité du carrefour pharyngo-laryngé.    Le stridor est-il présent d’emblée dès la naissance ? Surtout s’il est intense et mal toléré (car la laryngomalacie apparaît plutôt subrepticement quelques jours après la naissance), une fibroscopie laryngée sera très facilement demandée, voire obligatoire et urgente, dans les cas les plus mal tolérés, car il ne faut pas passer à côté : – d’une paralysie laryngée unilatérale (dysphonie, fausses routes) ; – d’une paralysie laryngée bilatérale (stridor permanent augmenté à l’effort) ; – d’une dyskinésie laryngée (ou la reprise inspiratoire est parfois normale) ; – d’une sténose sous-glottique (avec un stridor permanent rauque, voire aux deux temps) ; – enfin d’un diastème laryngé (où les fausses routes sont au premier plan).    Le stridor est-il typique ? En effet, la moindre atypie clinique fera éliminer, en plus des causes précédentes : – un kyste congénital du vestibule ou de la vallécule (de symptomatologie très proche mais plutôt positionnelle) ; – une sténose anatomique laryngée, congénitale (avec un stridor permanent) ; – un angiome sous-glottique (avec une toux rauque, un cornage et angiome cutané). Devant tout stridor atypique, une fibroscopie laryngée est bien entendu obligatoire et parfois urgente. Devant tout stridor atypique, une fibroscopie laryngée est bien entendu obligatoire et parfois urgente.   Que faire et dans quel cas ?    Dans les formes musicales. Si cette forme est tout à fait isolée, écouter et surveiller simplement l’évolution dans les 6 premiers mois est amplement suffisant. La surveillance de l’accentuation des premiers mois, la stabilisation, puis la régression clinique se fera en douceur, en traitant si nécessaire un reflux gastro-œsophagien. La fibroscopie ne sera faite qu’en cas de doute.    Dans les formes dyspnéisantes. Il faut réagir et demander une fibroscopie dynamique laryngée et une évaluation clinique de l’enfant. Pour ce faire, une hospitalisation pour observation de la ventilation diurne et nocturne, de la qualité de la prise des biberons, du sommeil peut-être nécessaire ; on en profitera pour réaliser une saturométrie diurne et nocturne éventuellement complétée d’une PCO2 capillaire. Certaines équipes proposent une polygraphie et une pHmétrie si nécessaire ; le traitement antireflux sera intensifié et, au terme de cette hospitalisation, une décision sera prise vis-à-vis d’un traitement chirurgical.    Dans les formes cachectisantes, (15 % des cas), on sera amené à réaliser une supra-glottoplastie, voire une trachéotomie en cas d’échec. Comme alternative, certaines équipes proposent une ventilation non invasive, quand cela est possible.   Qu’est-ce que la supra-glottoplastie ? La supra-glottoplastie est une intervention chirurgicale réalisée sous anesthésie générale avec intubation sous laryngoscopie en suspension à l’aide de micro-ciseaux ou au laser. Elle consiste en la résection des replis muqueux ary-épiglottiques excédentaires qui s’invaginent dans le plan glottique, repérés par une fibroscopie dynamique préopératoire immédiate. Cette intervention se fait au cours d’une courte hospitalisation avec réalimentation rapide et épaissie(3). Les indications Si elles ne se discutent pas un instant dans les formes cachectisantes, elles seront considérées au cas par cas dans les formes dyspnéisantes mal tolérées. Cette intervention est pratiquée avec beaucoup de réserve dans les formes associées à un dysfonctionnement néonatal du tronc cérébral(4). Les résultats On observe une amélioration immédiate et durable dans 90 % des cas. Les récidives sont rares et les risques de sténoses secondaires de la margelle laryngée concernent surtout les cas où le stridor est associé à des anomalies congénitales(4). L’alternative dans ces cas est la trachéotomie d’attente ou la ventilation non invasive.   Quels risques à ne rien faire ? Dans les formes musicales, il n’y a aucun risque si la forme est isolée et stable. Dans les formes dyspnéisantes, le risque de retard du développement staturopondéral est majeur, de même que celui psychomoteur par hypoxie chronique. Enfin, dans les formes cachectisantes, le risque de décès n’est pas nul(1).                              Dans les formes musicales isolées, écouter et surveiller l’évolution dans les 6 premiers mois est amplement suffisant. Dans la pratique, on retiendra  Écouter les formes musicales « isolées » et stables.  Réagir dans les formes dyspéisantes par une consultation ORL pédiatrique avec fibroscopie laryngée dynamique sous anesthésie locale, surtout en cas de dyspnée obstructive diurne ou nocturne, de difficultés alimentaires, de défaut ou de retard de croissance staturopondérale.  Opérer les formes graves (15 %) car la supra-glottoplastie offre une solution satisfaisante dans 90 % des cas.  La trachéotomie est une solution alternative des échecs ou surtout des formes associées à un dysfonctionnement néonatal du tronc cérébral, en particulier au cours des anomalies congénitales associées. 

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