Publié le 03 nov 2021Lecture 8 min
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les végétations…
Natacha TEISSIER, Service d’ORL pédiatrique, Inserm U1141, hôpital Robert Debré, Paris
Très souvent inculpées dans l’obstruction nasale permanente des enfants ou dans les infections à répétition, les végétations ne sont cependant pas toujours les seules responsables. Quels sont leurs rôles ? Dans quelles conditions deviennent-elles hypertrophiques ? Quelles en sont les conséquences ? Et quelles sont les indications d’une adénoïdectomie ?
Les végétations, c’est quoi ?
Les végétations correspondent à du tissu lymphoïde situé dans le rhinopharynx. Elles ont un rôle immunitaire dans les infections des voies aériennes supérieures comme les autres structures composant l’anneau de Waldeyer telles que les amygdales palatines et basilinguales.
Elles comportent des cryptes qui permettent d’augmenter l’interface d’échange avec l’air inspiré et ainsi optimiser l’immunoréactivité des lymphocytes B présents en leur sein.
Sous l’effet d’une hyperstimulation antigénique du fait de la pollution, de virus, des infections, des maladies d’adaptation, d’allergies, les végétations peuvent s’hypertrophier. Cela est exceptionnel avant l’âge de 1 an. Le pic d’hypertrophie se situe habituellement vers l’âge de 3-4 ans pour diminuer ensuite progressivement et disparaître vers 10 ans.
Quelles sont les conséquences d’une hypertrophie adénoïdienne ?
Par le volume qu’elles occupent dans le rhinopharynx, et tout particulièrement au niveau des choanes, les végétations hypertrophiques peuvent entraîner une obstruction nasale permanente, une rhinorrhée secondaire à des difficultés de mouchage ou une stagnation des sécrétions qui ne peuvent s’évacuer par le rhinopharynx. L’enfant présente alors habituellement une respiration buccale.
Classiquement, on décrit le faciès adénoïdien qui témoigne du retentissement de cette obstruction chronique sur le sommeil : des yeux en amandes, tombants, cernés ; une bouche ouverte ; des narines fines, un visage allongé ; parfois associés à une hypertrophie synchrone des amygdales.
Le syndrome obstructif consécutif à l’hypertrophie adénoïdienne se caractérise par des signes diurnes et nocturnes. Dans la journée, il peut présenter une inertie à se lever, des céphalées matinales, une anorexie matinale, une hyperactivité, voire une irritabilité.
L’enfant peut s’endormir facilement dans la journée, en particulier en voiture, voire faire des siestes prolongées de plus de 2 heures après l’âge de 3 ans.
Enfin, on peut aussi noter des échecs scolaires. Les signes nocturnes comportent des épisodes de ronflement, une respiratoire laborieuse, bruyante ; il peut exister des pauses respiratoires, un sommeil agité, voire des sueurs et des épisodes d’énurésie. Parfois, l’enfant se positionne au sommeil en hyperextension céphalique.
Si le syndrome obstructif devient chronique, il peut exister des conséquences cognitivo-comportementales liées aux épisodes de désaturation et à la fragmentation du sommeil tels que des troubles d’apprentissage, de l’attention, de l’organisation dans l’espace et une hyperactivité. Plus rarement, quand il existe une hypertrophie amygdalienne associée prolongée, des conséquences cardiaques ont été décrites (hypertension artérielle, décompensation cardiaque droite).
Récemment, une entité a été décrite d’adénoïdite chronique qui comporterait les mêmes signes cliniques que l’hypertrophie adénoïdienne mais se caractériserait par la présence d’un dépôt mucopurulent sur les végétations, un portage bactérien chronique et une inflammation locorégionale ; cependant, cette description russe et chinoise ne convainc pas le reste de la communauté médicale comme une entité à part entière(1). Elle ne serait qu’une exacerbation infectieuse d’une hypertrophie adénoïdienne.
Comment fait-on le diagnostic d’une hypertrophie des végétations ?
En consultation pédiatrique, il est difficile d’en faire le diagnostic de certitude. À l’examen clinique, on s’efforce de rechercher des signes indirects mais peu spécifiques, tels qu’une rhinorrhée, une respiration buccale, une diminution de la buée lors d’un test au miroir positionné devant le nez, une hypertrophie amygdalienne associée, voire une otite séromuqueuse, consécutive à un blocage de la trompe d’Eustache par le volume adénoïdien et l’inflammation chronique qu’elle constitue.
À l’aide d’un fibroscope souple, l’ORL examine les fosses nasales, les choanes et le rhinopharynx. En fonction du volume occupé dans le rhinopharynx, on peut stadifier l’hypertrophie. Quand les végétations occupent plus de 50 % des voies respiratoires rhinopharyngées, on estime qu’elles peuvent être responsables d’un syndrome obstructif (stade 3 ou 4)(2) (figure 1).
Il est important de souligner que la radiographie du rhinopharynx n’a pas de place dans l’évaluation du volume adénoïdien car elle apprécie très mal l’obstruction en tant que telle.
En cas de tableau discordant entre la clinique parfois marquée et le faible volume adénoïdien, on peut compléter par une polysomnographie. En effet, le volume en tant que tel n’est pas l’élément déterminant, mais il s’agit plutôt d’évaluer le retentissement de l’obstruction chronique. Un index d’apnées > 1 épisode/heure ou un index d’apnée-hypopnée > 5 épisodes/heure est considéré comme pathologique. L’hypertrophie adénoïdienne peut aussi être à l’origine d’un syndrome de hautes résistances correspondant à une augmentation des efforts respiratoires pendant le sommeil et des épisodes de micro-éveils ; dans ce tableau, l’index apnéehypopnée est < 5. La polysomnographie permet d’identifier les critères de gravité tels que l’index d’apnée-hypopnée élevé, la durée longue des apnées, des épisodes de dé saturation, en particulier quand la saturation minimale est basse, une durée longue d’hypercapnie.
Quelle prise en charge ?
Diverses « recettes de grand-mères » sont régulièrement proposées mais n’ont pas démontré d’efficacité dans l’amélioration du syndrome obstructif : le miel, l’ail, le basilic, le gingembre, les gargarismes à l’eau salée, les inhalations de vapeur, etc.
Les recommandations portant uniquement sur les végétations sont anciennes ; elles concernent désormais le plus souvent conjointement les amygdales et les végétations. Il existe donc peu de littérature récente sur la gestion unique de l’hypertrophie adénoïdienne.
Afin de soulager le syndrome obstructif, on peut encourager le mouchage et le lavage des fosses nasales réguliers. Les corticoïdes par voie nasale ont montré qu’ils pouvaient être bénéfiques dans les syndromes légers à modérés(3) ou pour traiter une rhinite allergique associée(4).
Cependant, il n’y a pas d’indication à un traitement antibiotique par voie générale ni locale(5).
En cas de syndrome obstructif entraînant un retentissement sur le sommeil, on propose une adénoïdectomie. Ce geste peut être associé à une amygdalectomie si celles-ci sont augmentées de volume elles-aussi, ou éventuellement à une pose d’aérateurs transtympaniques en cas d’otite séreuse. D’ailleurs, l’adénoïdectomie potentialise l’effet bénéfique de la pose d’un aérateur transtympanique sur l’otite séreuse chez l’enfant de plus de 4 ans(6).
Les tableaux de rhinopharyngites à répétition et d’otites moyennes aiguës ne constituent pas une indication à une adénoïdectomie ; bien qu’elle semble avoir montré un certain effet sur les infections à répétition en diminuant la charge inflammatoire et infectieuse, on propose plutôt la pose d’aérateurs transtympaniques dans les otites récidivantes qui a montré une meilleure efficacité et qui permet d’instaurer un traitement local plutôt que par voie générale(7,8).
Comment se passe la chirurgie ?
Ce geste est habituellement proposé en ambulatoire, l’enfant arrivant à jeun (6 heures de jeûne). En cas de comorbidités (enfant drépanocytaire, enfant de moins de 1 an, etc.), l’intervention peut être programmée avec une surveillance postopératoire en hospitalisation (figure 3).
L’adénoïdectomie s’effectue sous anesthésie générale, après intubation orotrachéale(9). Le geste chirurgical dure en lui-même habituellement moins de 10 minutes : en passant par la bouche, maintenue ouverte par un ouvre-bouche, on passe une curettefaux affutée, appelée adénotome, derrière le voile et on retire la partie hypertrophique des végétations, en laissant la base de celles-ci ; ceci explique les éventuelles repousses à distance. Il est important de ne pas effectuer un geste trop appuyer pour limiter le risque de saignement péri-opératoire lié à des plaies de la muqueuse rhinopharyngée. L’enfant est surveillé deux heures en salle de réveil pour s’assurer de l’absence de saignement post-opératoire qui pourrait nécessiter une reprise au bloc opératoire pour hémostase.
Existe-t-il des contreindications opératoires ?
Il n’existe pas de contre-indications absolues à l’adénoïdectomie. Un état fébrile ou un syndrome infectieux associé à une toux doit faire reporter l’intervention de 3 semaines afin de limiter le risque anesthésique.
Les fentes palatines et les divisions sous-muqueuses (luette bifide) doivent être recherchées à l’examen clinique : elles représentent une contre-indication relative à l’adénoïdectomie du fait du risque de décompensation d’une insuffisance vélaire potentielle, masquée par l’hypertrophie des végétations.
Les troubles de la coagulation ne sont pas une contre-indication lorsque la chirurgie est impérative ; un bilan de coagulation préopératoire n’est pas systématique si l’interrogatoire ne retrouve pas d’antécédent personnel ou familial hémorragique(10).
Quelles peuvent être les complications opératoires ?
Une complication classique, mais heureusement rare de cette intervention, est la décompensation d’une insuffisance vélaire (antécédent de fente vélaire, division sous-muqueuse du voile, etc.).
C’est une complication qu’il faut redouter tout particulièrement chez les enfants porteurs d’une microdélétion 22q11. Afin de limiter la survenue d’une rhinolalie post-opératoire, l’indication doit être bien pesée et réservée aux syndromes obstructifs sévères ; le geste doit être limité à la désobstruction des choanes en maintenant le paquet adénoïdien médian, qui permet de limiter le passage d’air rétrovélaire responsable de la rhinolalie. La prise en charge de la rhinolalie repose alors sur une rééducation orthophonique, voire parfois une chirurgie (pharyngoplastie).
Exceptionnellement, en cas de chirurgie ayant nécessité une reprise pour hémorragie et coagulation, on peut constater la survenue de synéchies du rhinopharynx pouvant limiter le flux d’air nasal, et entraînant plutôt une rhinolalie fermée et une récidive de l’obstruction.
Quelles sont les suites opératoires ?
La douleur postopératoire, d’intensité faible à modérée, dure rarement plus de 24 à 48 heures. Elle peut s’accompagner d’une gêne à la déglutition. L’ordonnance de sortie comporte en général du paracétamol en première intention et du sérum physiologique pour faire des lavages de nez.
De petites pertes de sang peuvent survenir, par la bouche ou par le nez, durant 24 heures. La prise en charge initiale de ces petits saignements consiste à effectuer des lavages de nez ou des gargarismes doux au sérum physiologique. S’ils persistent ou sont abondants, les parents doivent contacter le service hospitalier.
Quels sont les diagnostics différentiels ?
Le tableau d’obstruction nasale chronique, associé ou non à une rhinorrhée, peut aussi se voir en cas d’hypertrophie turbinale, de déviation de cloison, de symptomatologie allergique : l’examen clinique et le contexte peuvent permettre de redresser le diagnostic.
Certaines présentations cliniques doivent cependant alerter et remettre le diagnostic d’hypertrophie adénoïdienne en question. Tout d’abord, chez l’enfant de moins de 1 an, l’hypertrophie adénoïdienne est exceptionnelle ; il peut alors s’agir d’une rhinite néonatale ou une malformation (sténose des orifices piriformes, atrésie choanale unilatérale passée inaperçue, etc.).
Chez l’adolescent, la persistance ou la réapparition de végétations doit faire rechercher une pathologie tumorale telle qu’un lymphome, un carcinome indifférencié EBV induit. Plus souvent, heureusement, il s’agit simplement d’une repousse des végétations favorisées par un reflux acide chronique.
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