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Nutrition

Publié le 18 déc 2007Lecture 12 min

Les principes de la prise en charge de l’obésité infantile

M.-L. FRELUT - Hôpital Saint-Vincent-de-Paul, Paris
La prise en charge de l’obésité infantile doit reposer sur l’analyse objective de la situation et non sur une idée a priori, à l’origine de bon nombre d’échecs évitables. De là, le médecin décidera si une aide extérieure est nécessaire ou si une équipe de référence doit être sollicitée.
La prise en charge de l’obésité infantile implique le repérage du cercle vicieux conduisant à la prise de poids, l’analyse avec l’enfant et sa famille des facteurs aggravants, d’ordre en particulier social, psychologique ou scolaire.   Traiter = interrompre un cercle vicieux L’enfant ou l’adolescent atteint au début d’un surpoids puis d’une obésité rentre dans le cercle vicieux schématisé par la figure 1. L’enchaînement est le suivant : dès que l’excès de poids est perçu, non par l’enfant lui-même, mais par ses pairs, il fait l’objet de moqueries, et ce dès l’école maternelle. Sans rien en laisser paraître, parfois pendant des années, l’enfant va modifier son comportement en évitant les situations qui le mettent en difficulté et dans lesquelles il faut montrer son corps, et notamment les activités physiques. Cela a pour conséquence l’ennui et la diminution de la confiance en soi, auxquels le grignotage, l’augmentation de la taille des portions, mais aussi le refuge dans la télévision ou Internet, sont des tentatives de compensation et de réconfort.   Le poids n’est pas un objectif mais une résultante L’objectif n’est pas un poids « idéal » dénué de toute signification, y compris biologique, mais de modifier les éléments contributifs à la dérive. Les résultats doivent être durables et les objectifs pondéraux d’autant plus modestes que la surcharge initiale est élevée. Le potentiel de croissance résiduel joue en faveur de l’enfant. Toutefois, si la masse grasse diminue de 4 % chez les garçons au cours de la puberté, il augmente de 13 % chez les filles. La croissance ne résout donc rien spontanément. Les résultats doivent être durables et les objectifs pondéraux d’autant plus modestes que la surcharge initiale est élevée. La majorité des obésités correspond à la concomitance d’une activité physique basse et d’apports alimentaires excessifs ou déséquilibrés. À long terme, ne sont maintenus que les résultats acquis par une combinaison des objectifs, ce qui a l’avantage de limiter l’effort relatif dans chaque domaine. La prise en charge des obstacles surajoutés, par exemple l’échec scolaire, fait partie intégrante des soins à apporter.   Les cartes maîtresses Une activité physique suffisante, adaptée et plaisante Si certains enfants mangent de toute évidence trop, d’autres se dépensent si peu qu’une alimentation normale paraît excessive. Ainsi, la différence de dépense d’énergie entre des adolescents normo-pondéraux et sédentaires ou au contraire très sportifs atteint-elle en moyenne 1 000 cal/j chez les filles et 1 500 cal/j chez les garçons. Les enfants les plus gros ont les activités physiques les plus réduites, mais il faut garder en mémoire que : – la sédentarité est un phénomène hétérogène : le temps passé à regarder la télévision n’a pas la même valeur que celui passé à lire (télévision, grignotage et consommation de boissons sucrées sont corrélés) ; – la présence d’un téléviseur dans la chambre de l’enfant dès la petite enfance est un facteur aggravant ; – jouer ne s’apprend pas ; encore faut-il avoir le temps et l’espace nécessaires.   Évaluer les aptitudes à l’effort chez l’enfant et l’adolescent obèse La peur de l’échec et du ridicule sous-tendent la majorité des refus d’activité des enfants obèses. Or les aptitudes psychomotrices mais aussi aérobies (condition sine qua non à l’oxydation des acides gras par les mitochondries) diminuent en proportion du surpoids mais aussi du degré de sédentarité. • Les aptitudes aérobies peuvent être testées en cas de surcharge majeure ou de complication. Le VO2 maximal (VO2max) est dans les limites basses en valeur absolue chez les enfants obèses et faible rapporté au poids. L’objectif physiologique est de développert ces aptitudes, c’est-à-dire en pratique, de maintenir le plus longtemps possible des efforts à la limite de l’essoufflement. • Les aptitudes physiques anaérobies utilisées lors de contractions musculaires brèves et intenses, n’autorisent pas la lipolyse et peuvent favoriser les poussées d’hypertension artérielle.   Les complications et limites à l’activité physique. Elles permettent de préciser les contre-indications ou les choix. • Complications orthopédiques. La maladie d’Osgood Schlatter, un syndrome fémoro-patellaire, le risque d’épiphysiolyse fémorale supérieure sont à rechercher. Le dos de l’enfant ne doit pas être douloureux. Une attitude d’enroulement des épaules peut révéler une cyphose que fait sous-évaluer l’obésité. • Complications cardiorespiratoires. Elles se manifestent au minimum par un essoufflement rapide à l’effort. Bon nombre d’enfants obèses sont aussi classés « asthmatiques ». Les EFR sont indiquées en cas de doute. De fait, la plupart des enfants obèses ne savent pas respirer à l’effort et notamment souffler.   En pratique : quelles activités choisir ? Le degré de surpoids sera, outre la souffrance psychologique, l’un des éléments clés du choix. Les activités et les jeux de plein air permettent une dépense d’énergie double de celle de repos. Ils seront donc privilégiés, et ce d’autant que l’on a rarement vu un frigo ou un placard suivre en courant… La natation est plus ou moins appréciée, mais elle a pour avantage d’éviter les contraintes par appui sur les membres inférieurs. Le vélo, activité en décharge du poids du corps, est souvent très apprécié. La marche sera largement favorisée. On a rarement vu un frigo ou un placard suivre un enfant en courant…   Comment réduire la sédentarité ? Le principe de base est de demander à l’enfant et à sa famille — après avoir fourni les explications ad hoc sur la part de la sédentarité dans le cercle vicieux de l’obésité, sans avoir négligé les réelles difficultés rencontrées — de réfléchir à ce que l’enfant pourrait et aimerait faire pour remplacer une activité sédentaire qu’il apprécie. Ainsi, sont respectées la capacité de choix, l’adaptation aux circonstances de la vie de l’enfant, et la notion de plaisir. On ne demandera pas la disparition de la télévision, des jeux électroniques, mais bien leur substitution partielle et leur déplacement à des heures de la journée où il est normal d’avoir envie de se relaxer. Les rôles de l’activité physique chez l’enfant en surcharge pondérale   Réguler l’appétit. La régulation de l’appétit est meilleure lorsque l’activité physique est d’un niveau moyen ou supérieur.   Augmenter les aptitudes psychomotrices et à l’effort, qui s’acquièrent dès la petite enfance et pendant toute la croissance.   Fatiguer : équilibrer le rythme veille-sommeil. Se dépenser fatigue et permet de bien dormir. Un sommeil de qualité (durée et qualité) est essentiel à une bonne réceptivité dans la journée, réduit la sensibilité au stress, facilite la mémorisation. Les enfants obèses dorment souvent mal car ils se couchent trop tard et peuvent souffrir d’hypopnées ou d’apnées. Interroger sur le sommeil est indispensable.   Protéger contre les facteurs de risque cardiovasculaire. L’activité physique joue un rôle protecteur dès l’enfance en permettant l’adaptation cardiorespiratoire à l’effort, réduisant l’hyperinsulinisme et, à corpulence équivalente, en diminuant la proportion de masse grasse viscérale.   Vivre en société et ne pas être seul. Les jeux actifs sont une opportunité unique de faire partie d’un groupe de pairs, de prendre confiance en soi et d’apprendre les règles de vie en collectivité. Respecter la capacité de choix, l’adaptation aux circonstances de la vie et la notion de plaisir. Bien s’alimenter Rééquilibrer l’alimentation ne peut se faire qu’une fois comprise la situation de départ. Plusieurs situations sont possibles, auxquelles les réponses seront différentes.   La famille « bon coup de fourchette » Des repas très copieux, une cuisine trop grasse, surtout si l’on prend en compte la diminution de l’activité par rapport à celle des générations précédentes, sont en cause. Bien cuisiner, induire, sans agresser, des changements (qui ne seront pas des jugements) requièrent compétence et doigté. L’aide d’une diététicienne avertie est souvent nécessaire. La correction portera sur les excès. Il n’est pas question de régime, mais de rétablir un équilibre bénéfique à tous. Prendre en compte des besoins différents selon l’âge, la corpulence et la dépense d’énergie implique que tous les membres d’une même famille n’auront pas droit aux mêmes portions. Dans les familles à « bon coup de fourchette »,  l’aide d’une diététicienne est souvent nécessaire.   Un ensemble équilibré, mais des portions excessives pour l’enfant Parfois, de toute évidence, une famille vigilante fait des efforts pour équilibrer son alimentation, mais un enfant prend un poids excessif. La taille des portions est alors en cause. Ce piège, classique, est d’autant plus fréquent que les présentations des aliments pré-conditionnés (steaks hachés, pizzas, desserts, etc.) poussent à acheter autant de portions qu’il y a de convives. Il est évident qu’une portion adéquate pour l’adulte est excessive pour un enfant, ce d’autant qu’il est plus jeune. On peut alors s’appuyer sur des images pour faire comprendre à l’enfant et à ses parents que le réajustement nécessaire n’est ni une injustice ni un régime. Une fois de plus, il s’agit d’un retour à des apports normaux et équilibrés pour l’âge de l’enfant.   L’enfant grignote entre les repas Plusieurs possibilités sous-tendent le constat et ne seront identifiables qu’à la condition de comprendre les circonstances de ce « grignotage ». • L’enfant roi refuse ce qui est servi à table et mange à sa guise entre les repas. Cette situation très fréquemment évoquée est loin d’être la règle. La question n’est plus celle du rééquilibrage de la seule alimentation mais celle des rapports familiaux et de la détention de l’autorité. Une fois encore, de multiples situations peuvent être en cause, qui répondront à des mesures diverses : du simple conseil à l’aide psychologique d’un membre de la famille (parfois un parent déprimé), voire une aide sociale ou un signalement judiciaire si le règne devient tyrannique. • L’enfant mange plus ou moins à table et grignote entre les repas, mais il se cache plus ou moins. Déterminer les circonstances qui déclenchent ce grignotage symptomatique d’un problème est essentiel. Il se produit souvent lors des moments passés seuls à la maison : mercredi, fin de semaine, vacances, fin d’après-midi, qui sont parfois longs et tristes. Le sentiment de solitude des enfants à l’heure des séparations familiales, les difficultés scolaires, les moqueries, plus ou moins révélées, poussent à rechercher les douceurs : le grignotage est alors un calmant. Les sucreries sont en général préférées, mais la télé et Internet jouent le même rôle : en apportant le rêve, ils apportent l’oubli des préoccupations. L’enfant, même s’il ne sait pas l’exprimer, est conscient de cette fausse solution. Il se sent coupable mais demande de l’aide. Les papiers de bonbon au fond des poches, dans les tiroirs ou sous l’oreiller ne demandent qu’à révéler la « faute ». • Les collations se multiplient. Goûter est normal chez les enfants l’après-midi. Manger au milieu de la matinée ne se justifie que si celle-ci est particulièrement longue ou active. Mais parfois un goûter est donné vers 15 h à l’école et un autre par les parents 1 à 2 heures plus tard. Remettre de l’ordre est indispensable. Recommandations pour l’école. Il est utile d’écrire au professeur d’éducation physique pour préciser quelles activités doivent être adaptées et comment. Le plus souvent, les points à mentionner seront :   Prévoir un échauffement et travailler le souffle ;   Effectuer des activités en aérobie, c'est-à-dire en dessous ou à la limite du seuil d’essoufflement ;   Ne pas noter la performance mais la durée ; selon la situation, éviter les activités avec choc sur les membres inférieurs (sauts…) ou traction du poids (grimper à la corde, barres asymétriques) ou équilibre en hauteur (poutre), les apnées (natation), etc. • Manger permet de rester réveillé. Les enfants obèses de façon paradoxale manquent à la fois de sommeil et d’activité physique. Le manque de sommeil est alors associé à d’autres perturbations du rythme de vie. De fréquents grignotages sont des stimulants de la vigilance, l’équivalent du café ou de la cigarette chez l’adulte. Parfois, le sommeil est perturbé dans sa qualité : l’obésité est associée à des hypopnées, des apnées, un asthme… Les autres mécanismes de perturbation mènent aux mêmes mécanismes compensateurs : l’incitation à la consommation. La prise en charge de l’obésité de l’enfant demande une bonne analyse préalable et une adaptation individuelle. La durée, donc la pertinence et l’acceptabilité des soins sont fondamentaux.                 

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