Publié le 12 nov 2009Lecture 10 min
La chirurgie laryngée pédiatrique : quelles indications ?
N. LEBOULANGER, E.-N. GARABEDIAN, Service d’ORL et de Chirurgie cervicofaciale pédiatriques Hôpital d’Enfants Armand-Trousseau, Paris
La chirurgie laryngée pédiatrique est, en France comme dans de nombreux pays, une sur-spécialité au sein de l’ORL. Son importance est croissante en raison du développement, ces dernières années, de multiples outils techniques, des progrès de l’anesthésie et de la réanimation pédiatriques, voire de la génétique.
La chirurgie des voies respiratoires hautes du nourrisson était quasi inexistante il y a 20 ans : la trachéotomie « d’attente » était la règle jusqu’à 6 à 8 ans, avec les risques élevés de morbidité induite, les contraintes qu’elle engendre et la mortalité de cette intervention palliative. Progressivement, les dogmes qui existaient sur les risques des interventions précoces sur la croissance laryngée sont tombés et les interventions sur le larynx de l’enfant sont de mieux en mieux codifiées. L’endoscopie complète L’examen de référence en la matière, le gold standard, est l’examen endoscopique complet. C’est lui qui permet un diagnostic étiologique et topographique de précision. L’examen se déroule au bloc opératoire ORL, en présence d’une équipe spécialisée. L’expérience de l’ORL, mais également de l’anesthésiste, est ici primordiale pour le bon déroulement du geste. On commence par une fibroscopie souple sous anesthésie locale, par voie nasale ou buccale, afin d’évaluer la morphologie du larynx, sa tonicité et la mobilité des cordes vocales. Ensuite, l’examen est poursuivi sous anesthésie générale en ventilation spontanée et on examine l’ensemble de la filière respiratoire avec un endoscope rigide. C’est à ce moment que peuvent être réalisés des actes thérapeutiques. L’examen endoscopique complet est l’examen de référence à pratiquer au moindre doute. Bien évidemment, pour une majorité de pathologies bénignes, un examen clinique rigoureux et une simple fibroscopie souple en consultation suffisent. Néanmoins, le recours à l’endoscopie complète doit être effectué au moindre doute. De nos jours, un traitement chirurgical spécifique peut maintenant être proposé aux laryngomalacies sévères, aux sténoses laryngées, aux diastèmes laryngo-trachéaux, et aux enfants chez lesquels un oedème sous-glottique entraîne des difficultés d’extubation. Plutôt que de dresser une liste exhaustive de pathologies et d’indications chirurgicales, il nous a paru intéressant de faire une mise au point sur quelques pathologies fréquentes et/ou particulièrement pouvant requérir une chirurgie laryngée. La laryngomalacie Figure 1. Laryngomalacie, vue endoscopique : collapsus inspiratoire du larynx. La laryngomalacie, ou stridor laryngé congénital essentiel, est l’anomalie laryngée la plus fréquente du nouveau-né. Elle correspond à un collapsus inspiratoire plus ou moins important du larynx (figure 1). Symptomatologie Le principal signe clinique de la laryngomalacie est le stridor qui apparaît classiquement dès les premiers jours de vie et peut s’aggraver durant les 4 à 6 premiers mois pour disparaître progressivement vers 24 mois. Il s’agit d’un bruit aigu, intermittent, sans modification de la voix et de la toux, majoré par le décubitus dorsal et les efforts (lors des pleurs, mais surtout lors des prises alimentaires). Il peut être majoré mais aussi disparaître au sommeil. Les formes simples ne s’accompagnent pas de tirage ni de troubles de la croissance staturopondérale. Dans tous les cas, une fibroscopie doit être réalisée en consultation. Elle évaluera les caractéristiques de la malacie et recherchera des signes de reflux gastro-oesophagien, très fréquemment associé à la laryngomalacie. En cas de suspicion de laryngomalacie, une fibroscopie doit être réalisée en consultation. Traitement Les formes bénignes sont majoritaires et justifient en règle générale un traitement anti-acide (par inhibiteurs de la pompe à protons) et une simple surveillance. Toutefois, 10 à 15 % des enfants présentent une symptomatologie nettement plus sévère : dyspnée de repos avec tirage, difficultés alimentaires, stagnation pondérale, voire apnées dans les formes les plus graves. La prise en charge de ces cas est hospitalière qui nécessite un bilan endoscopique complet et souvent un geste chirurgical : la section des replis ary-épiglottiques. Ce geste se pratique par voie exclusivement endoscopique, en général pendant l’endoscopie diagnostique. Dans les formes isolées de laryngomalacie, ses résultats sont spectaculaires, avec un taux de succès de près de 90 %. Elle permet d’éviter cette fameuse trachéotomie « d’attente » qui était jadis pratiquée dans ces cas. Les formes syndromiques, associées à des troubles neurologiques centraux, répondent moins bien à ce type de geste, mais sont heureusement beaucoup plus rares. La chirurgie endoscopique permet d’éviter la trachéotomie « d’attente » qui était jadis pratiquée. Au total, un enfant atteint de laryngomalacie devrait bénéficier au moins une fois d’un diagnostic fibroscopique en consultation. Pour les formes sévères, le recours à la chirurgie laryngée est souvent nécessaire avec une bonne efficacité. Les immobilités laryngées Elles représentent la deuxième cause de stridor après la laryngomalacie, et peuvent être congénitales ou acquises, périphériques ou centrales. Les formes unilatérales sont en général bien tolérées et peuvent fréquemment passer inaperçues même chez le nourrisson. Si les étiologies cardiaques (à gauche), traumatiques (obstétricales) et neurologiques sont fréquentes, les paralysies récurrentielles uni- ou bilatérales restent souvent d’étiologie inconnue. Là encore, le diagnostic repose sur la fibroscopie sous anesthésie locale. Les formes unilatérales ne nécessitent normalement qu’une simple surveillance. Les formes bilatérales, plus graves, peuvent bénéficier d’une large gamme de gestes chirurgicaux endoscopiques (cordotomie, aryténoïdectomie, etc.) ou à ciel ouvert (laryngoplastie d’élargissement). La réalisation d’une trachéotomie temporaire est souvent nécessaire en période néonatale. Les formes unilatérales sont en général bien tolérées et ne nécessitent normalement qu’une simple surveillance. Les hémangiomes infantiles sous-glottiques Si les hémangiomes infantiles sont les tumeurs cutanées les plus fréquentes de l’enfant, elles atteignent rarement l’axe laryngotrachéal, mais sont alors menaçantes par leur caractère obstructif. C’est donc une pathologie peu fréquente, mais qu’il faut savoir identifier en raison de sa haute morbidité et mortalité en absence de diagnostic. Signes d’appel Figure 2. Angiome sous-glottique, aspect endoscopique : sténose de 90 % de la filière. Classiquement, l’hémangiome évolue en trois phases avec une croissance dès les premières semaines de vie à un an, une période de stabilisation de plusieurs mois à quelques années, suivie d’une décroissance avec disparition vers 6 à 7 ans. En général, après un intervalle libre, l’hémangiome laryngé se manifeste vers 6 mois par des épisodes de laryngite à répétition malgré un traitement efficace du reflux, éventuellement associés à des signes au repos dans les formes sévères. La voix et la toux peuvent être rauques, et un stridor, voire un cornage, de tonalité plus grave, peuvent être également associés. Le diagnostic est posé au cours d’une endoscopie laryngotrachéale complète qui retrouve le plus fréquemment une masse bleutée sous-glottique, plus ou moins obstructive (figure 2). Traitement Les moyens thérapeutiques médicaux actuellement à disposition sont la corticothérapie, mais elle peut poser de sérieux problèmes quand elle doit être prolongée, la vincristine et l’interféron, dont les effets secondaires sont notables et le mode d’administration délicat. Les bêtabloquants sont en revanche prometteurs dans ce domaine. En cas de corticodépendance ou d’extension importante, il sera proposé un traitement chirurgical, soit par voie endoscopique en cas d’atteinte unilatérale, soit par voie externe en cas de lésion circulaire ou particulièrement étendue. Pathologie rare, l’hémangiome infantile sous-glottique a ainsi une présentation parfois insidieuse. Une symptomatologie de laryngite chez un jeune nourrisson de moins de 6 mois doit pouvoir faire évoquer le diagnostic et un bilan endoscopique devient alors indispensable. La papillomatose laryngée C’est une infection d’origine virale, due au papillomavirus humain de type 6 ou 11. Son mode de transmission est encore mal connu, il n’a jamais été constaté de transmission de l’infection au sein d’une même famille ou à des proches. La lésion est un papillome, tumeur bénigne mais potentiellement obstructive, qui peut siéger sur l’ensemble des voies aériennes. Les lésions multifocales sont les plus fréquentes. Symptomatologie Le principal signe clinique est la dysphonie, ancienne, résistante aux traitements médicaux et à l’orthophonie. Elle peut être apparue peu de temps après la naissance ou au contraire n’intervenir que beaucoup plus tard, à l’adolescence. Dans les formes étendues, une véritable gêne respiratoire, voire une dyspnée, peut s’installer. Les risques à long terme sont une propagation au parenchyme pulmonaire, avec risque d’insuffisance respiratoire, et la transformation maligne en carcinome épidermoïde après de nombreuses années d’évolution. Là encore, le bilan endoscopique affirme le diagnostic et permet une confirmation histologique et un typage du virus. Les risques à long terme de la papillomatose laryngée sont une propagation au parenchyme pulmonaire et la transformation maligne. Traitement et prise en charge La prise en charge est longue, aucun traitement curatif n’étant pour l’instant disponible. De nombreuses endoscopies sont en général nécessaires, mais les patients atteints de papillomatose laryngée ont bénéficié ces dernières années de nombreux progrès thérapeutiques et techniques : injections locales d’antiviral (cidofovir), Laser adaptés, exérèse par sondes coupantes rotatives conçues spécifiquement pour le larynx… À l’avenir, on peut espérer que le vaccin contre le papillomavirus fera également ses preuves dans cette pathologie. Les malformations complexes du larynx Figure 3. Palmure laryngée antérieure, vue endoscopique. Elles représentent une cause rare de stridor ou de dyspnée chez le nouveau-né, mais regroupent un grand nombre de pathologies différentes. La majorité de ces lésions sont maintenant congénitales, les progrès des techniques de réanimation ayant permis d’aboutir à une relative diminution du nombre de sténoses acquises. Les palmures laryngées, par exemple, sont des sténoses localisées et limitées à un espace restreint entre les deux cordes vocales, souvent à la partie antérieure (figure 3). À l’inverse, des sténoses plus complexes peuvent intéresser une hauteur plus importante, ou engendrer une obstruction qui mettra l’enfant en danger dès les premières minutes de vie. Plusieurs approches chirurgicales sont possibles, du « simple » petit coup de ciseaux endoscopique sectionnant une palmure limitée, à la complexe résection crico-trachéale qui emporte une partie de l’axe aérien tout en anastomosant entre elles les zones saines. Des greffes cartilagineuses visant à élargir le larynx sont également possibles. Le diastème laryngé est une malformation rare due à un trouble de segmentation des voies aériennes. La partie postérieure du larynx et du cartilage cricoïde est fendue, mettant en communication les filières aériennes et digestives. Cette malformation, autrefois toujours fatale, peut maintenant être prise en charge avec succès dans la majeure partie de cas (figure 4). Une prise en charge endoscopique est possible depuis quelques années, y compris pour des formes assez étendues. Figure 4. Diastème laryngé, vue endoscopique. La difficulté réside en la fermeture étanche de la fente, au bout d’instruments d’endoscopie adaptés aux nourrissons, sur des structures molles et toujours en mouvement. En cas d’atteinte très étendue, une approche ouverte est possible, mais sa morbidité est alors supérieure. Conclusion Ce rapide survol de quelques pathologies chirurgicales des voies aériennes supérieures de l’enfant a un intérêt : rappeler qu’une symptomatologie laryngée chez l’enfant, aussi discrète soit-elle, n’est pas anodine et ne devrait pas être négligée. Un bilan fibroscopique, en général simple à réaliser en consultation, peut permettre de nombreux diagnostics ou orientations étiologiques. Au moindre doute, un bilan endoscopique complet doit être réalisé. La tendance actuelle est de revenir autant que possible à des traitements par voie endoscopique, aux suites postopératoires plus simples.
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