Publié le 09 jan 2008Lecture 6 min
L’adrénoleucodystrophie liée à l’X
Céline Dupin, Montréal, Canada
Peu d’affections aussi rares (environ 30 à 35 cas par an en France) ont donné lieu à autant de publications (415 citations sur Medline depuis 1982 !) que l’adrénoleucodystrophie liée à l’X1. Fortement médiatisée par un film hollywoodien de 1992 (Lorenzo) et plus récemment par l’action de Zinédine Zidane, parrain de l’Association européenne contre les leucodystrophies (ELA), cette affection orpheline est l’objet de travaux de recherche fondamentale et de tentatives thérapeutiques dans plusieurs laboratoires et services spécialisés en Europe et outre-Atlantique. Les premiers résultats biologiques encourageants d’un essai de thérapie génique humaine, présentés tout récemment par le Pr Aubourg, viennent de replacer l’adrénoleucodystrophie liée à l’X sur le devant de la scène.
Une mutation découverte en 1993 La maladie est due à la mutation d’un gène situé sur le chromosome X en Xq28 identifiée par les équipes des Prs Aubourg et Mandel (Paris). La mutation se transmet sur le mode récessif lié au sexe et les cas de mutations de novo sont rares (moins de 8 %). Une physiopathologie non totalement élucidée L’adrénoleucodystrophie (ALD) liée à l’X se caractérise sur le plan biologique par une multiplication par 3 à 5 des taux d’acides gras à très longue chaîne (AGTLC). Le mécanisme par lequel la mutation du gène ALD et la diminution consécutive des taux de la protéine ALD (ALDP) conduisent à une accumulation d’AGTLC dans les peroxysomes cellulaires reste à préciser. De même, la toxicité directe des AGTLC sur les cellules du cortex surrénalien et les membranes myéliniques n’est pas totalement établie. Des phénotypes très variables On distingue à la fois des formes infantiles et des formes chez l’adulte de l’ALD, en sachant que dans une même famille des phénotypes différents peuvent s’observer. • Les formes cérébrales infantiles atteignent des garçons de 5 à 12 ans. Elles se manifestent par un déficit cognitif associé progressivement à des atteintes sensorielles (diminution de l’acuité visuelle et surdité), une ataxie cérébelleuse et des troubles moteurs. L’évolution spontanée se fait vers la mort en 2 à 5 ans. • La maladie peut également débuter à l’âge adulte et se manifester par une adrénomyéloneuropathie qui se traduit par une paraparésie spastique d’évolution progressive. La vitesse d’aggravation est variable selon les cas et la paraplégie peut être suivie dans un tiers des cas environ par une démyélénisation cérébrale. Dans un grand nombre de cas, ces manifestations neurologiques s’accompagnent d’une insuffisance surrénalienne périphérique. Celle-ci peut d’ailleurs parfois être la seule manifestation de l’affection. Contrairement à d’autres maladies à transmission récessive liée au sexe qui épargnent les femmes conductrices, l’ALD peut être symptomatique chez les femmes. On peut observer chez elles des tableaux cliniques d’adrénomyéloneuropathie survenant après 40 ans sans toutefois noter d’atteinte surrénalienne. Un diagnostic biologique « simple » • Devant une suspicion clinique, le diagnostic repose sur le dosage dans le plasma ou les fibroblastes des AGTLC. Les mutations du gène ALD étant très variables d’une famille à l’autre, la recherche de la mutation en cause n’est pas réalisée « en routine ». • Dans les familles à risque, c'est-à-dire une fois qu’un cas a été diagnostiqué, le dépistage des femmes conductrices est important. Il est réalisé par la recherche de la protéine ALDP dans les lymphocytes et les monocytes. Dans ces familles, le dépistage des sujets de sexe masculin, encore asymptomatiques ou peu symptomatiques, est également proposé pour permettre la mise en route d’un traitement prévenant une évolution négative (greffe de moelle) ou de diagnostiquer une insuffisance surrénale avant qu’elle ne se décompense. • Chez les femmes conductrices, un dépistage prénatal sur biopsie trophoblastique ou ponction amniotique doit être systématiquement proposé. Des perspectives thérapeutiques encourageantes • L’ALD liée à l’X a été l’objet de nombreuses tentatives thérapeutiques. La plus médiatisée, un régime pauvre en AGTLC et riche en acides oléique et érucique apportés sous forme d’huile de Lorenzo, du prénom d’un enfant malade pour lequel ses parents avaient élaboré cette thérapeutique, s’est en fait révélée inefficace sur les taux d’AGTLC intracérébrales et sur les signes cliniques (2). Les statines et les immunosuppresseurs n’ont pas démontré non plus leur intérêt en clinique. • Depuis les premiers cas traités au début des années 1980 par l’équipe du Pr Aubourg à l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul de Paris, la greffe de cellules hématopoïétiques (moelle ou sang du cordon) a largement fait la preuve de son efficacité dans les formes de l’enfant. Sur une série de 136 enfants ayant bénéficié d’une greffe de moelle entre 1982 et 1999, la survie à 5 ans a été de 92 % chez les malades asymptomatiques ou ayant une atteinte clinique (ou à l’IRM) encore modérée (3). Dans ces derniers cas, une stabilisation des lésions neurologiques voire une régression peut s’observer. Les résultats sont en revanche mauvais à un stade plus tardif. • À côté de la transplantation de cellules hématopoïétiques qui nécessite une lourde prise en charge, non dépourvue de risque, de grands espoirs sont suscités aujourd’hui par la thérapie génique. Après des essais concluants chez la souris, les premiers résultats biologiques obtenus chez deux patients ont été présentés il y a quelques jours par le Pr Aubourg au dernier Congrès de la Société européenne de thérapie génique et cellulaire à Rotterdam (Pays-Bas). Le vecteur utilisé dans ce premier essai clinique était un lentivirus dérivé du VIH-1 qui a été introduit in vitro dans des cellules CD34 des malades. Ces cellules ont été ensuite réinjectées aux patients et ont permis d’obtenir une expression de la protéine ALDP dans 30 à 50 % des lymphocytes.
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