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Gastro-entérologie

Publié le 13 sep 2011Lecture 6 min

Hypersensibilité non IgE-dépendante aux protéines du lait de vache et reflux gastro-oesophagien, un lien à rechercher. À propos d’un cas

T. ABOUDIAB1a,b, L. LEKE2, P. CASTERMAN1b, J.P. CANARELLI3 1 (a) Cabinet de pédiatrie libérale, Péronne, (b) service de néonatologie, Centre Hospitalier, Saint-Quentin 2Département de médecine néonatale, CHU d’Amiens 3Département de chirurgie viscérale,
Nous rapportons ici le cas d’un enfant de 2 ans présentant un RGO sur hernie hiatale discrète. La recherche d’une allergie aux protéines de lait de vache a été fructueuse et bénéfique pour l’enfant.
Illustration : Reflux vu au TOGD. Observation Nathan, né en janvier 2008, est adressé en consultation de chirurgie infantile par son médecin de famille, à l’âge de 2 ans pour des vomissements alimentaires apparus 2 mois auparavant survenant en général une à deux heures après son repas, et plus particulièrement pendant la sieste ou le sommeil et accompagnés de quintes de toux. Les 20 premiers mois étaient marqués par des bronchites asthmatiformes à répétition sans la notion de vomissements, d’otites et sans antécédents d’atopie familiale. Le transit oeso-gastro-duodénal (TOGD) a révélé une discrète hernie hiatale de dimension inconstante et intermittente, mais surtout un reflux gastro-oesophagien (RGO) assez important (illustration). Il est alors adressé par le chirurgien en consultation pédiatrique pour instaurer un traitement médical anti-reflux qui risquait de déboucher, en cas d’échec, sur un traitement chirurgical, étant donné la présence d’une hernie hiatale pouvant être responsable de la symptomatologie respiratoire. De l’interrogatoire des parents, on retient une hyperactivité débordante : « il ne tient pas en place, touche à tout, ne s’applique pas longtemps devant une tâche. » Hormis une peau sèche, l’examen clinique était sans particularité et la croissance staturo-pondérale est normale (poids à 18 kg [> 97e percentile] pour 93 cm [> 97e percentile]) au moment de sa prise en charge. Devant une peau sèche, une hyperactivité, des bronchites asthmatiformes, des quintes de toux et un RGO et avant d’instaurer un traitement médical anti-reflux, nous avons voulu vérifier si l’ensemble de la symptomatologie n’était pas en rapport avec une hypersensibilité aux protéines du lait de vache (PLV), d’autant plus que l’enfant consommait du lait deux à trois fois par jour. La recherche d’hypersensibilité immédiate aux PLV par la méthode des RAST était négative, tandis que le patch-test (Diallertest ®) s’est avéré positif, orientant le diagnostic vers une hypersensibilité retardée non IgE-dépendante aux PLV. Le maintien à volonté des produits laitiers fermentés dans l’alimentation de cet enfant (deux yaourts ou un substitut du lait pour nourrisson et enfant à base de protéine du riz le matin, du fromage à pâte cuite le midi et le soir après son repas habituel, tout en excluant le lait et les autres dérivés non fermentés) a permis en quelques jours la disparition de toute la symptomatologie, notamment les quintes de toux et les vomissements tant postprandiaux que ceux survenant pendant la sieste. Aucune bronchite asthmatiforme n’est survenue depuis l’instauration de son régime alimentaire. Le test de réintroduction du lait, en décembre 2010, à l’insu de l’enfant et pendant trois jours, a entraîné une récidive de la symptomatologie, à savoir une hyperexcitabilité, des vomissements et une poussée d’eczéma généralisée, motivant le retour à son régime précédent.   Commentaire L’hypersensibilité non IgE-dépendante telle qu’elle a été décrite en 1945 par Gell et Coombs ne met pas en danger la vie du patient, mais peut provoquer une pathologie insidieuse par le biais d’une inflammation chronique responsable de multiples symptômes et des signes cliniques pouvant être à la fois digestifs et extradigestifs. En effet, depuis 2001, nous avons publié plusieurs observations montrant des liens entre l’hypersensibilité non IgE-dépendante au lait et des signes cliniques et symptômes tels que l’otite séreuse, le RGO, la constipation, la vulvite récidivante, l’anorexie du nourrisson, l’asthme, la toux chronique, l’eczéma et l’hyperactivité chez l’enfant (1-4). D’autres travaux récents ont également fait le lien entre le lait et ces symptômes (5). Nous avons démontré en 2003 qu’un enfant ayant une hypersensibilité non IgE-dépendante au lait, peut, dans la grande majorité des cas, consommer selon son seuil de tolérance qui reste à établir, une certaine quantité de produits laitiers fermentés. Cette tolérance est probablement due à une hydrolyse partielle de la protéine du lait par les enzymes de la fermentation, étant donné que le patch-test pour le lait pouvait être positif, alors que celui du yaourt pouvait être négatif le même jour et chez le même patient (2). Les effets bénéfiques des métabolites issus de la fermentation sur le système immunitaire intestinal sont maintenant bien connus. D’après les travaux de C. Hoarau, le produit de fermentation issu d’une bifidobactérie peut induire des cellules dendritiques avec un profil « tolérogène » et probablement des lymphocytes T régulateurs (6). Les résultats obtenus avec le yaourt pourraient s’expliquer en partie par le rôle immunorégulateur des produits de fermentation. Le traitement thermique, en dénaturant les épitopes reconnus par le système immunitaire, peut modifier la réaction allergique. Dans un travail publié en 2008, A. Nowak-Wegrzyn et coll. ont montré que 75 % des enfants allergiques au lait toléreraient le lait chauffé (7). L’originalité de ce cas clinique réside dans la manière où la thérapeutique a été conduite ; la disparition des symptômes, tout en maintenant les produits laitiers fermentés dans l’alimentation de cet enfant, améliorerait l’observance du régime imposé et éviterait une éventuelle carence nutritionnelle, attribuée souvent à certains régimes plus restrictifs. Quant aux patchs-tests alimentaires, leur positivité ne donne qu’une orientation supplémentaire en faveur de l’hypersensibilité, de même leur négativité ne signe pas non plus son absence. Leur non-reproductibilité aux aliments les rend peu fiables et ne sont pas conseillés dans les dernières recommandations (8,9). En définitive, seul un test d’éviction/ réintroduction de l’aliment suspect permet de confirmer le diagnostic d’hypersensibilité alimentaire. Cette observation ainsi que les données de la littérature récente viennent renforcer la proposition que nous avions faite il y a quelques années (2001), qui consiste à éliminer une hypersensibilité aux PLV devant un RGO atypique avant d’envisager un traitement lourd (1). En ce qui concerne l’hyperactivité, L.M. Pelsser et coll. viennent de publier dans le Lancet une étude randomisée confirmant ce que nous avons décrit en 2007 (4) sur le lien entre l’hypersensibilité alimentaire non IgE-médiée et l’hyperactivité chez l’enfant (10). D’autres travaux sont nécessaires pour vérifier l’hypothèse du rôle des IgG dans la formation des complexes immuns circulants (CIC). En effet, depuis 2001, nous évoquons l’hypothèse d’un dépôt de CIC dans les vaisseaux de l’organisme, pouvant entraîner une inflammation chronique, une sorte de « vascularite a minima », pouvant être responsable de multiples symptômes et signes cliniques, selon les prédispositions génétiques des sujets ayant une hypersensibilité alimentaire non IgE-médiée.  

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