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ORL et Stomatologie

Publié le 13 déc 2007Lecture 9 min

Épidémiologie des otites moyennes aiguës du nouveau-né

E. BINGEN,Y. AUJARD,M. FRANCOIS - Hôpital Robert-Debré, Paris

L’otite moyenne aiguë (OMA) représente la cause la plus fréquente des pathologies infectieuses de l’enfant, le pic d’incidence se situant entre 6 et 18 mois. Environ 10 % des enfants ont un épisode d’OMA avant 3 mois. Cependant, l’examen des tympans est rendu difficile par les particularités anatomiques de l’oreille externe à cet âge. Cela peut conduire à une sous-estimation du diagnostic et au risque de ne porter le diagnostic qu’à l’occasion de complications.

 
Environ 24 millions d’épisodes d’OMA surviennent aux États-Unis. Le pic d’incidence se situe entre 6 et 18 mois. Environ 10 % des enfants ont un épisode d’OMA avant 3 mois (1,2). En fait, l’incidence chez le nouveau-né varie de 5 à 30 % selon les méthodes diagnostiques utilisées (3). Dans une étude sur 970 nouveau-nés hospitalisés toutes pathologies confondues, 21 % présentaient une OMA diagnostiquée par otoscopie et paracentèse (3). Pour Balkany et coll. (4), l’incidence en unité de soins intensifs est proche de 30 %.   Diagnostic Le tympan pathologique En période néonatale, les critères cliniques d’un tympan pathologique sont un aspect congestif, inflammatoire, épaissi, associé à une modification de l’aspect de la membrane tympanique, un défaut de mobilité de celle-ci avec la présence de pus en dedans du tympan. Dans certaines études, le diagnostic d’OMA est posé sur le seul défaut de mobilité tympanique à l’examen otoscopique, ce qui explique probablement des taux d’incidence élevés. Cependant, chez le nouveau-né, l’examen des tympans est rendu difficile par les particularités anatomiques de l’oreille externe à cet âge : le conduit auditif est étroit, flaccide, souvent encombré de cérumen et de squames retenus par les poils nombreux, ce qui diminue le champ de vision. De plus, le tympan lui-même est dans le prolongement de la paroi postérieure du conduit auditif externe, il est de couleur gris rosé, les reliefs y sont peu apparents, il n’est pas encore translucide (5). Cela peut conduire à une sous-estimation du diagnostic et au risque de ne porter le diagnostic qu’à l’occasion de complications (6,7). L’OMA du nouveau-né est une affection à rechercher devant des signes d’appel peu spécifiques ou lors de tout contexte infectieux. Pathologies infectieuses associées Une part importante des OMA est masquée par une pathologie infectieuse plus visible, respiratoire ou extra-respiratoire : infection urinaire, conjonctivite, méningite, septicémie. Tetzlaff et coll. (8) retrouvent, chez 54 % des enfants de moins de 3 mois atteints d’OMA, une association avec une pneumonie, une méningite ou une bronchiolite. Chez le nouveau-né, comme chez le jeune nourrisson, la fièvre incite toujours à vérifier les tympans(3). Turner retrouve 70  % d’enfants fébriles parmi 137 enfants âgés de moins de 2 mois atteints d’OMA (9). Quarante-six pour cent  de ces enfants avaient une conjonctivite et 27 % une bronchiolite (9). Shazberg et coll. (10) rapportent 50 % d’OMA chez les enfants atteints de bronchiolite. L’OMA représente une complication des bronchiolites. Ainsi, en présence d’une conjonctivite ou d’une bronchiolite, une OMA doit être recherchée chez les enfants de moins de 2 mois (9). L’OMA représente une complication des bronchiolites   Facteurs de risque d’OMA Plusieurs facteurs de risque d’une OMA chez le nouveau-né ont été identifiés : une infection maternofœtale, la ventilation artificielle, une anomalie anatomique (fente labiopalatine), une immunodéficience, un liquide amniotique méconial, l’hospitalisation, l’hypotrophie, un reflux gastro-œsophagien précoce, l’aspiration de liquide amniotique contaminé à travers les trompes d’Eustache et/ou un dysfonctionnement de celles-ci, la prématurité (3,4,11). Une incidence plus élevée d’OMA est retrouvée chez les nouveau-nés de petit poids (< 1 500 g) par rapport à ceux dont le poids est supérieur à 1 500 g(12). D’autres études au contraire n’observent pas d’incidence plus élevée chez les prématurés (1). Berman et coll. ont observé une association entre une intubation nasotrachéale de plus de 7 jours et la présence d’une OMA (13). L’allaitement maternel réduit le risque d’OMA(14,15,16). Cependant, la protection apportée par l’allaitement maternel n’augmente pas avec sa durée(1). Cet effet bénéfique est associé à l’apport d’immunoglobulines de type sécrétoire au niveau des trompes d’Eustache participant à la défense immunitaire locale des oreilles moyennes. L’allaitement maternel a également été associé à l’inhibition de l’adhésion de S. pneumoniae et H. influenzae aux cellules épithéliales buccales. À l’opposé, une colonisation nasopharyngée précoce avec S. pneumoniae (17) et le tabagisme maternel sont des facteurs favorisant d’une OMA dans la période néonatale. La survenue d’un 1er épisode d’OMA au cours de la période néonatale est associée à la survenue d’otites récidivantes (18). Ceci témoigne d’une anomalie anatomique, physiologique ou immunologique au même titre qu’une anomalie anatomique des voies urinaires prédispose aux infections urinaires récidivantes.   Épidémiologie Chez le nouveau-né, la paracentèse est indispensable pour le diagnostic étiologique, bactériologique. Des études anciennes ont suggéré que les OMA chez les enfants de moins de 2 mois étaient associées aux entérobactéries et à Streptococcus agalactiae. En 1972 Bland et coll. (19) ont rapporté une prévalence  de 73 % d’entérobactéries chez 21 nouveau-nés atteints d’OMA. Des études effectuées entre 1976 et 1993 montrent une prévalence de 20 % des entérobactéries (6,7,13,20). Cependant, d’autres études ne retrouvent ces germes que dans une proportion de 5 à 8 % (21,22). Les entérobactéries, Streptococcus agalactiae et S. aureus sont plus fréquemment retrouvées avant 15 jours de vie ou chez les prématurés plus âgés hospitalisés. Dans des études plus récentes chez les nouveau-nés et les petits nourrissons, la proportion de S. pneumoniae et H. influenzae retrouvée après nettoyage du conduit auditif et paracentèse est comparable à celle retrouvée chez les enfants de plus de 3 mois (tableau). Ainsi, la prévalence varie entre 30 et 46 % pour S. pneumoniae et entre 20 et 35  % pour H. influenzae  chez les enfants de moins de 6 semaines, 2 mois ou 3 mois(9,21,22,23). M. catarrhalis est moins fréquemment retrouvé. L’origine de l’acquisition des germes est associée soit à une transmission verticale d’origine maternelle, soit à une transmission horizontale provenant de la fratrie ou d’adultes en contact avec le nouveau-né. Les taux de résistance des germes retrouvés au niveau de ces études anglo-saxonnes ou israéliennes sont beaucoup moins élevés que ceux retrouvés en France. En France, la prévalence de la résistance de H. influenzae à l’ampicilline est proche de 30 %(24) et celle de S. pneumoniae à la pénicilline de 70 %(25). La diminution de la sensibilité des pneumocoques à la pénicilline est croisée avec toutes les bêtalactamines. Ainsi, vis-à-vis des souches de pneumocoque de haut niveau de résistance à la pénicilline, seule l’amoxicilline par voie orale et la ceftriaxone par voie injectable conservent une bonne activité.   Fréquence des différentes bactéries selon les études.         Shurin(21)  1978   n=70  paracentèse  États-Unis < 6 semaines Turner(9) 2002    n = 109 paracentèse Israël  < 2 mois Sakran(23)   2005 n = 68 paracentèse  Israël   < 3 mois Sarma(22)  1987   n = 101   paracentèse   Finlande    < 3 mois S. pneumoniae 30 % 46 % 38 %  38 %  H. influenzae 23 % 34 % 19 %  18 % B. catarrhalis 25 %  2 %  - -  Entérobactéries 8 % 7 % 14 % 10 %  P. aeruginosa -   11 %    S. aureus 8 %   13 % 34 % Streptocoque groupe B/A 6 % 10 % 4 %  -   Streptocoque groupe D  - 1 %  -  -  Stratégie thérapeutique Dans une étude concernant 40 enfants  âgés de moins de 2  mois  et atteints d’OMA fébriles ou non, Nozicka et coll.(26) observent qu’aucun de ces enfants n’a développé d’infections bactériennes sévères. Des résultats comparables sont retrouvés dans d’autres études(9). Ces auteurs proposent de traiter les enfants apyrétiques atteints d’otite, âgés de 2 à 8 semaines sans signe de sepsis avec des antibiotiques oraux sans hospitalisation. Pour d’autres auteurs, le traitement des OMA chez les nouveau-nés fébriles est identique à celui des septicémies néonatales. En pratique chez le petit nourrisson non fébrile âgé de 2 mois ou 3 mois eutrophique, né à terme, n’ayant pas séjourné à l’hôpital en dehors de la maternité et qui présente, en l’absence d’altération de l’état général, une OMA isolée diagnostiquée par l’examen otoscopique ou plus rarement par la paracentèse, il est proposé un traitement antibiotique par l’association amoxicilline plus acide clavulanique orale ou la ceftriaxone injectable ; ceci sous couvert de l’assurance d’une bonne observance parentale et d’un contrôle otoscopique à la 48e h(7). L’examen clinique permet de contrôler l’efficacité thérapeutique et les résultats bactériologiques d’adapter la thérapeutique. L’absence d’amélioration du tympan et/ou l’apparition de signes généraux conduisent à l’hospitalisation pour antibiothérapie parentérale. Chez le nouveau-né, la prudence impose une hospitalisation avec l’institution parentérale de la triple antibiothérapie, ampicilline + céfotaxime + gentamicine, administrée après prélèvement pour hémoculture, d’un ECBU et de LCR comme chez tout nouveau-né suspect d’infection. Un traitement spécifique adapté est institué en cas de paracentèse avec l’identification d’une étiologie bactérienne.   Conclusion L’étiologie des OMA chez les enfants de moins de 2 mois est proche de celle d’enfants plus âgés et la distribution des germes n’est pas différente dans le 1er ou le 2e mois. En raison du risque de complications locorégionales et systémiques, le traitement chez le petit nourrisson de 2 ou 3 mois est rapidement débuté après prélèvement d’une hémocul-ture et d’un ECBU et la pratique d’une otoscopie et ou d’une  paracentèse à visée bactériologique. Un contrôle clinique de l’évolution est impératif dans les 48 premières heures du traitement. L’absence d’amélioration conduit à l’hospitalisation pour un traitement parentéral. Le traitement empirique doit tenir compte de la résistance élevée retrouvée à cet âge. Chez le nouveau-né, la présence d’une OMA justifie l’hospitalisation et un traitement parentéral après la réalisation de prélèvements bactériologiques à visée étiologique.éférences

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