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Nutrition

Publié le 24 jan 2010Lecture 7 min

Diététique et théorie hygiéniste

F. RANCÉ, Hôpital des Enfants, Toulouse

Toutes les études le montrent, la prévalence des maladies allergiques augmente dans les pays économiquement avancés, caractérisés par une vie de plus en plus urbaine et de moins en moins rurale. Le recul des pathologies infectieuses, lié principalement au progrès de l’hygiène, semble bien coïncider avec la montée de l’allergie. De ces constats est née la théorie hygiéniste, qu’il faudrait plutôt appeler théorie de l’exposition microbienne. Mais, le phénomène semble beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît, et les théories qui gravitent autour de la théorie initiale abondent, mais pas toujours dans le même sens…

 
Les causes de l’allergie sont multifactorielles, mais largement dominées par les facteurs génétiques et l’environnement (1). Des facteurs issus de notre mode de vie actuel ont été suggérés pour expliquer l’augmentation de la prévalence des maladies allergiques. Il s’agit d’hypothèses issues de la théorie hygiéniste, mieux appelée théorie de l’exposition microbienne (2). D’autres hypothèses impliquent l’alimentation, plus riche en graisses, pauvre en antioxydants ou encore faible en vitamine D (1). Les facteurs génétiques vont moduler les effets attendus de l’alimentation ou de l’exposition microbienne sur le développement des maladies allergiques (3-5). Il est donc tout aussi important de connaître les différents phénotypes génétiques pour comprendre les effets variables des facteurs de l’environnement.   Définition La théorie de l’exposition microbienne est fondée sur l’augmentation du niveau d’hygiène des populations, se traduisant par une diminution des contacts avec des substances microbiennes (endotoxines) au cours de l’enfance, associée à un niveau de protection accru contre les infections en raison des vaccinations (1).   Les études épidémiologiques Plusieurs études (6,7) ont montré une diminution du risque d’asthme, et/ou d’autres manifestations allergiques et/ou de sensibilisation, chez les enfants ayant des parents fermiers de profession. Il a aussi été montré que les enfants dont les parents travaillaient souvent dans les étables avaient une fréquence moindre d’allergies que ceux qui n’avaient aucun contact de ce type (13,6 % vs 22,9 %) (7). Cette étude (ALEX), menée en Allemagne, Autriche et Suisse, a débuté en 1999 par un questionnaire chez des parents d’enfants âgés de 6-8 ans. Les 901 enfants inclus et randomisés selon leur mode de vie, rural ou non, ont eu un bilan allergologique et un inventaire des poussières de leur environnement a été effectué.   L’étude PARSIFAL (Prevention of Allergy Risk factors for Sensitization In children related to Farming and Anthroposophic Lifestyle) est une étude transversale portant sur 14 893 enfants classés en trois catégories (milieu fermier, écoles de Steiner et témoins). Comparativement au groupe témoin (vivant en dehors d’un milieu agricole), il y avait chez les enfants de milieu fermier et des écoles de Steiner une diminution d’incidence de l’asthme, des sifflements, du rhume des foins et de la sensibilisation aux pollens, mais pas de diminution de l’atopie (5).   L’étude PASTURE (Protection against Allergy; STUdy in Rural Environments) est une étude prospective de suivi de 1 163 enfants vivant ou non dans une ferme, en Autriche, Finlande, France, Allemagne et Suisse (8). Les inclusions ont été effectuées chez des femmes enceintes. Cette étude montre que le mode de vie à la ferme et la consommation de lait de ferme non pasteurisé réduit l’incidence de l’allergie, indépendamment du taux d’endotoxines. L’effet protecteur était observé lorsque l’exposition (ferme et lait non pasteurisé) était survenue lors de la grossesse et surtout avant l’âge de un an (9), ce qui veut dire que l’âge d’exposition intervient.   Rôle des facteurs diététiques Les facteurs augmentant la prévalence de l’atopie La taille réduite de la fratrie, l’amélioration des équipements ménagers et de l’hygiène des maisons ont réduit l’opportunité des infections par contage au sein des familles (2). • La diminution de l’exposition aux micro-organismes a été suggérée comme étant responsable de l’augmentation de la susceptibilité aux maladies allergiques par le biais d’une altération du développement du système immunitaire. La théorie des antioxydants dérive d’un effet anti-inflammatoire de la vitamine C et du bêta-carotène, protecteurs de l’asthme. Il n’existe pas de données pour les allergies alimentaires. • Le rôle d’une diminution de la consommation d’antioxydant et d’une augmentation de l’ingestion de graisses dans notre alimentation moderne a été avancé sans preuves réelles (10). Il y aurait une augmentation de la consommation des huiles oméga-6 polyinsaturés (acide linoléique), avec réduction des apports en huiles de poisson, qui comportent des acides gras oméga-3 polyinsaturés (acide eicosapentaénoïque). Les oméga-6 sont importants dans la synthèse des prostaglandines E2, alors que les oméga-3 inhibent leur synthèse ; les PG-E2 réduisent la synthèse de la production de l’IFN-γ par les lymphocytes T. Il en découle une augmentation de la production des IgE par les lymphocytes B. Cette théorie pourrait expliquer l’augmentation des maladies allergiques comme l’asthme, l’eczéma, et la rhinite allergique (1).   Les facteurs réduisant la prévalence de l’atopie • La consommation de lait de ferme non pasteurisé par les enfants vivants dans les fermes pourrait contribuer à la réduction de la prévalence des sensibilisations (11). • Il existe un fort gradient nord sud des prescriptions d’épinéphrine dans l’indication d’anaphylaxie (12). Ces observations font évoquer un éventuel rôle de la vitamine D pour diminuer la fréquence des maladies allergiques (12). La vitamine D inhibe la prolifération des cellules T in vitro ainsi que la production des cytokines de type Th2 : IL-2, IFN- γ et IL-12 (13). Les facteurs génétiques Avec la génétique, tout se complique car les résultats des études ne sont pas univoques. • Dans l’étude PARSIFAL, l’effet protecteur d’une vie à la ferme est modifié par la génétique et le polymorphisme NPSR1 (3). Une analyse génétique a été réalisée chez 3 113 enfants de la cohorte. L’analyse statistique démontre une très forte interaction entre les différents polymorphismes de 7 NPSR1 (en particulier rs323922 et rs324377), les contacts réguliers avec les animaux de ferme et les symptômes allergiques (p < 0,005). Deux polymorphismes additionnels (SNP546333, rs740347) semblent eux aussi particulièrement importants, intervenant sur la réponse à l’exposition aux endotoxines, qui est modulée par le taux de protéines dans les monocytes (p = 0,002). • Par ailleurs, la protection de l’asthme et des allergies apportée par la consommation de lait de ferme est modifiée par les variations génétiques de l’immunité innée, notamment celles de l’expression du récepteur CD14 (5). Quatre polymorphismes du CD14 ont été analysés chez 222 enfants de deux populations européennes de fermiers et de non fermiers. Le génotype AA homozygote associé à l’expression du CD14/ -1721 s’est révélé associé à une diminution de la prévalence de l’asthme (odds ratios : 0,18 [IC95 % : 0,07-0,47]), de la rhinoconjonctivite et des sensibilisations polliniques. La consommation du lait de ferme et les maladies allergiques semblent médiées par des mécanismes immunitaires innés, et donc génétiques. Conclusion Les études de suivi de cohorte et interventionnelles sont indispensables, bien que les biais soient difficilement inévitables, pour confirmer les hypothèses diététiques en cause dans le développement des allergies. Les modifications de notre alimentation associées à une génétique propice au développement des allergies expliquent l’augmentation des allergies. Il faut en effet tenir compte de la génétique pour comprendre l’absence d’effet protecteur d’une vie à la ferme avec consommation de lait non pasteurisé chez certains individus.  

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