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Cardiologie

Publié le 24 sep 2006Lecture 7 min

Bruits du cœur anormaux chez le jeune enfant : l’oreille peut-elle suffire ?

D. Bonnet - Hôpital Necker-Enfants Malades, Paris

Les anomalies de l’auscultation du jeune enfant peuvent être des arythmies, des bruits surajoutés ou, le plus souvent, des souffles. Se pose alors la question essentielle de la nécessité d’un examen spécialisé, afin de s’assurer du caractère anorganique ou physiologique du «  bruit anormal ».

L'auscultation cardiaque est un des éléments clés du diagnostic de cardiopathie. L’oreille permet de tenter de répondre à différentes questions : – y a-t-il une cardiopathie ? – quelle est cette cardiopathie ? – quel en est le pronostic ? – un avis spécialisé est-il nécessaire ? Dans certains cas, l’auscultation permet de répondre à toutes ces questions. Cependant ces situations sont rares bien que stéréotypées. Nous verrons ici les limites de la seule utilisation du stéthoscope au cours de l’examen cardiaque pédiatrique.   En dehors de l’arythmie respiratoire et des souffles intermittents ou veineux, un avis cardiologique est requis pour préciser le diagnostic, donner les éléments pronostiques et la méthode de suivi, éliminer les diagnostics différentiels rares mais préoccupants et, le plus souvent, pour rassurer l’enfant, sa famille et les soignants parfois définitivement.   Anomalies du rythme    L’arythmie est un motif fréquent de demande de consultation spécialisée. Seule l’arythmie respiratoire, qui s’observe chez les enfants d’âge scolaire (ralentissement inspiratoire et accélération expiratoire de la fréquence cardiaque), ne requiert pas d’exploration supplémentaire.      Les bradycardies, inhabituelles pour l’âge, doivent être explorées par un ECG. Celui-ci conclut le plus souvent à une bradycardie sinusale, mais il est indispensable d’éliminer un trouble de la conduction auriculo-ventriculaire ou un syndrome du QT long, en particulier chez l’enfant sportif.    Les tachycardies. Celles très rapides de type jonctionnel sont de diagnostic très simple car la fréquence est souvent supérieure à 230/mn. À l’inverse, certaines tachycardies atriales peuvent se situer dans la gamme de fréquences normales pour l’âge ; c’est le caractère chronique de la tachycardie qui doit mettre la puce à l’oreille et faire pratiquer un ECG.    Les extrasystoles sont d’une grande banalité. On recommande qu’elles soient tout de même enregistrées sur un ECG et qu’en fonction de leurs caractéristiques (atriales ou ventriculaires) un complément d’exploration pour confirmer leur bénignité soit indiqué par un spécialiste (figure 1).       Figure 1. Extrasystolie ventriculaire (ESV) monomorphe. Il s’agit d’une anomalie fréquente, habituellement bénigne. Il faut cependant s’en assurer en montrant que les ESV disparaissent à l’accélération de la fréquence cardiaque et qu’il n’y a pas d’autres anomalies de l’ECG, en particulier del’intervalle QT, mais aussi que le cœur est anatomiquement et fonctionnellement normal en échographie. Bruits surajoutés    Dédoublement de B2. L’auscultation normale distingue souvent au foyer pulmonaire un dédoublement du deuxième bruit du cœur (BB2) qui est variable avec la respiration de façon physiologique. Le caractère fixe de ce BB2 s’accompagnant d’un petit souffle éjectionnel est caractéristique des communications interauriculaires (CIA). La très grande majorité de ces CIA est de type ostium secundum (figure 2) et peuvent être prises en charge sans urgence, voire négligées pour les plus petites. Une échocardiographie est indispensable pour préciser l’anatomie exacte de la CIA dont dépend immédiatement le pronostic et le type de suivi.       Figure 2. Communication interauriculaire (CIA) ostium secundum (A). CIA ostium primum (B). Retour veineuxpulmonaire anormal total au sinus coronaire (C). Même sémiologie auscultatoire, mais pronostic et indications thérapeutiques radicalement différents.    Les bruits de galop (B3, B4 ou galop de sommation) sont toujours pathologiques chez l’enfant. Ces bruits correspondent le plus souvent à une cardiomyopathie et sont rarement entendus de façon fortuite chez un enfant bien portant. Un avis spécialisé dont l’urgence dépend de la situation clinique immédiate est requis.   « Les bruits de galop sont toujours pathologiques chez l’enfant et requièrent un avis spécialisé. » Les souffles   Organique ou anorganique ? Un florilège de descriptions des souffles cardiaques est disponible dans tous les livres de séméiologie. Les caractéristiques de l’auscultation de chaque cardiopathie a donné lieu à une littérature abondante. En pratique quotidienne, la constatation est le plus souvent binaire : il y a un souffle et la question à se poser est unique : est-il anorganique ou innocent ?  Là aussi, les descriptions fleuries des souffles innocents abondent. Il faut bien sûr en tenir compte : disparition avec un changement de position ou la respiration, variabilité dans le temps, souffle uniquement en contexte fébrile…   Pour certains souffles, l’auscultation affirme le diagnostic de cardiopathie et le type : souffle rude souvent frémissant, en rayon de roue des petites communications inter-ventriculaires (CIV) ; souffle continu sous-clavier gauche de canal artériel persistant ; souffle diastolique d’insuffisance aortique. Le diagnostic est fait, cependant un avis spécialisé est indispensable pour éliminer certains diagnostics différentiels rares mais de pronostic radicalement différent (canal artériel persistant ou fenêtre aorte-pulmonaire), ou pour donner des indications pronostiques affinées dans les CIV.   Cas particuliers des CIV La CIV de type maladie de Roger, sans aucune conséquence hémodynamique, autorise une vie normale mais nécessite une information précise, intimement liée au diagnostic du spécialiste, aux familles et soignants. En effet, les CIV périmembraneuses doivent être distinguées des CIV infundibulaires qui doivent être opérées, le plus souvent pour prévenir l’insuffisance de la valve aortique ; les CIV périmembraneuses doivent être surveillées de temps en temps car elles peuvent, elles aussi, se compliquer tardivement d’insuffisance aortique (figure 3). L’endocardite d’Osler doit être prévenue dans ces CIV mais cette précaution est inutile dans les CIV, musculaires uniquement soufflantes qui ne nécessitent pas de suivi. La précision du diagnostic est donc indispensable à la définition du pronostic et à la précision de l’information.   « La précision du diagnostic est  indispensable à la définition du pronostic et à la précision de l’information. » Souffles sur obstacle Les souffles liés à des obstacles à l’éjection sur la voie pulmonaire ou bien sur l’aorte doivent être systématiquement explorés. Le plus souvent, quand ils sont organiques, ils correspondent à des anomalies discrètes des valves aortiques ou pulmonaire, mais l’élimination des diagnostics différentiels est indispensable : obstacles sous-valvulaires, malformations de la valve aortique… Certaines cardiopathies soufflantes ne sont pas dépistées par l’auscultation de la face antérieure du thorax, telle la coarctation de l’aorte car le souffle est dorsal mais la palpation des pouls fémoraux permet de rectifier le diagnostic.   « La coarctationde l’aorte donne un souffle dorsal avec abolition des pouls fémoraux. »   Conclusion Pour une bonne orientation diagnostique en cardiologie pédiatrique, il faut donc utiliser tous ses sens, savoir rassurer rapidement et éviter une médicalisation inutile des anomalies à l’évidence physiologiques de l’auscultation. Il faudra recourir au spécialiste pour toutes les situations ambiguës souvent dans un but de réassurance et savoir être convaincant sur la bénignité de certaines cardiopathies mineures et l’inutilité du suivi. Enfin, il faut rester ferme sur les précautions à prendre telles que la prévention de l’endocardite d’Osler tout en ne pêchant pas par excès.   Points Forts    Se méfier des bradycardies chez les non-sportifs et des tachycardies prolongées inadaptées.    Les bruits surajoutés invariables sont organiques.    Un souffle innocent est le plus souvent intermittent.    L’échocardiographie est le plus souvent indispensable pour donner un pronostic et indiquer éventuellement un suivi.    Une seule consultation spécialisée peut permettre de dédramatiser définitivement le fait « d’avoir un souffle au cœur ».  

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