Publié le 05 juil 2015Lecture 6 min
Palpitations chez l'enfant : quand s’inquiéter ?
A. MALTRET, Massy
Motif fréquent de consultation, les palpitations ne sont que dans moins de 50 % des cas d’origine cardiaque. Le diagnostic repose sur l’interrogatoire et l’enregistrement ECG au décours des troubles.
Les palpitations sont, avec les malaises, un motif fréquent de consultation en cardiologie pédiatrique. Pourtant, il est rare que l’enfant utilise spontanément le terme « palpitation » pour décrire sa gêne fonctionnelle. Il se plaindra plus volontiers d’avoir « des ratés dans le cœur », « des coups de poignards », « son cœur qui court », etc. Parfois ce sont les parents qui donnent l’alerte lorsqu’ils ont perçu un rythme cardiaque rapide en mettant la main sur le thorax de leur enfant. Enfin, il peut arriver que ce soit le pédiatre qui, lors d’un examen, ausculte un rythme rapide ou irrégulier. « Palpitation » ne rime pas obligatoirement avec « trouble du rythme cardiaque ». Une étude menée sur 190 patients adultes a montré que moins de la moitié des palpitations avaient une étiologie cardiologique. Un tiers d’entre elles sont des manifestations de stress ou d’angoisse, et 16 % restent sans cause identifiée. À l’inverse, tous les troubles du rythme ne sont pas systématiquement associés à une plainte fonctionnelle de palpitation, soit que l’enfant est trop jeune pour l’exprimer, soit que la fréquence cardiaque en trouble du rythme n’est pas très rapide. Quelle évaluation initiale ? L’interrogatoire est primordial même s’il est plus ou moins facile chez l’enfant. Cet interrogatoire doit être patient et bienveillant. Les parents peuvent également être d’une aide précieuse, si tant est qu’ils ne monopolisent pas la parole et qu’ils ne répondent pas à la place de leur enfant à des questions qui lui sont directement posées. Ils pourront préciser l’ancienneté de la plainte, mais aussi les antécédents familiaux et/ou personnels, la prise de bêta-2 mimétiques ou de psychostimulant. Le contexte familial et scolaire doit être également renseigné afin d’essayer de cerner la personnalité de l’enfant ou de l’adolescent. En effet, les adolescents anxieux se plaignent volontiers d’éréthisme cardiaque au stress, voire à l’effort. L’interrogatoire permet généralement de rectifier le diagnostic. Les signes fonctionnels associés (lipothymie, gêne thoracique), la périodicité et les circonstances de survenue des palpitations doivent être consignés. L’examen physique est rarement contributif, sauf si l’auscultation retrouve des bruits du cœur irréguliers et/ou rapides. Le plus souvent l’ECG de consultation n’est pas contributif, sauf s’il enregistre l’arythmie. L’anomalie la plus fréquemment découverte sur des palpitations est le syndrome de Wolff-Parkinson-White (figure 1). L’échographie cardiaque a deux objectifs : premièrement de s’assurer de la normalité de l’architecture cardiaque, mais aussi de vérifier la bonne contractilité du ventricule gauche. Une altération de la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) peut être secondaire à une tachycardie atriale ectopique, mais aussi à une extrasystolie ventriculaire incessante. Aucun examen biologique n’est nécessaire en première intention. Le bilan thyroïdien ne se justifie que si les investigations ont montré un rythme sinusal moyen, anormalement élevé pour l’âge. La recherche de catécholamine urinaire est très exceptionnellement justifiée. Figure 1. Syndrome de Wolff-Parkinson-White. Comment obtenir un ECG percritique ? L’enregistrement du rythme cardiaque au moment des symptômes est essentiel au diagnostic. Les moyens à mettre en œuvre pour obtenir un tel tracé sont nombreux et dépendent de la fréquence des symptômes : – holter ECG des 24 heures pour des symptômes quotidiens ; – holter ECG sur plusieurs jours, voire une semaine, pour des symptômes hebdomadaires. Les holters doivent s’accompagner d’une « feuille de rythme » sur laquelle le patient ou ses parents consignent les symptômes et leurs heures de survenue. Un holter normal sans symptôme n’ayant bien évidement pas la même signification qu’un holter normal avec symptôme ; – enregistreur à transmission téléphonique pour des symptômes mensuels ; – certificat médical, à remettre aux parents, si les palpitations sont très sporadiques, mais durent suffisamment longtemps pour être enregistrées dans un service d’urgence proche du domicile. Pourquoi poursuivre les investigations ? Si, malgré ces différents outils, les palpitations n’ont pu être documentées, quels éléments dans l’anamnèse doivent inquiéter et inciter à la poursuite des investigations ? La survenue à l’effort ou au stress des palpitations, leur association avec une lipothymie ou une perte de connaissance, un antécédent de mort subite familiale ou encore la suspicion d’une canalopathie imposent la réalisation d’examens plus « invasifs », dont la liste suivante n’est pas exhaustive et dépendra de la suspicion diagnostique : – test d’effort ; – exploration électrophysiologique ; – IRM cardiaque et potentiels tardifs en cas de suspicion de dysplasie arythmogène du ventricule droit (VD) ; – holter implantable en sous-cutanée (loop recorder) ; – tests génétique et pharmacologique. Étiologies des palpitations de l’enfant • Trouble du rythme : extrasystole atriale, extrasystole ventriculaire (figure 2), tachycardie supraventriculaire, tachycardie ventriculaire. • Causes cardiaques autres : prolapsus mitral, myocardiopathie, myo-péricardite. • Causes extracardiaques : anémie, hyperthyroïdie, fièvre, hypovolémie, POT syndrome. • Causes psychosomatiques : anxiété, crise d’angoisse. • Causes iatrogènes : boisson caféinée, alcool, tabac, bêta-2 mimétiques, médicaments psychostimulants. Figure 2. Extrasystole ventriculaire. Les étiologies cardiaques et les troubles du rythme imposent une prise en charge spécialisée. Les causes psychosomatiques de palpitation de l’enfant ne sont pas rares. Comme l’éréthisme cardiaque, les palpitations psychosomatiques concernent des enfants anxieux. Les symptômes débutent généralement après un stress (annonce du redoublement, événement familial, etc.). Les investigations doivent être minimales (holter-ECG des 24 heures) pour ne pas « amplifier » l’anxiété familiale. Le temps nécessaire, entre « psycho » et « rythmo», doit être pris en consultation pour comprendre et expliquer l’origine des symptômes. Ceux-ci s’amendent après que l’on ait rassuré les parents et le patient. Figure 3. Palpitation ou anomalie du rythme perçues par un tiers. Conclusion La prise en charge des palpitations de l’enfant diffère peu de celle de l’adulte. L’interrogatoire et l’ECG percritique font le diagnostic. Les outils thérapeutiques sont les mêmes, avec une place croissance de l’ablation endocavitaire chez l’enfant, notamment pour le syndrome de Wolff- Parkinson-White. Pour en savoir plus • Weber BE, Kapoor WN. Evaluation and outcomes of patients with palpitations. Am J Med 1996 ; 100(2): 138-48. Erratum in: Am J Med 1997 ; 103(1) : 86. • Brugada J et al.; European Heart Rhythm Association; Association for European Paediatric and Congenital Cardiology. Pharmacological and non-pharmacological therapy for arrhythmias in the pediatric population: EHRA and AEPC-Arrhythmia Working Group joint consensus statement. Europace 2013 ; 15(9) : 1337-82.
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