Publié le 25 juil 2010Lecture 10 min
Anti-inflammatoires non stéroïdiens et corticoïdes : indications raisonnées en rhumatologie pédiatrique
B. BADER-MEUNIER, Hôpital Necker - Enfants malades, Paris
Les anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS) et les corticoïdes sont largement utilisés en rhumatologie pédiatrique. Leur prescription doit reposer sur des règles précises. Leurs nombreux effets secondaires, lors d’une utilisation prolongée, doivent être expliqués aux familles.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens Les AINS sont prescrits en rhumatologie pédiatrique du fait de leur effet antipyrétique et antalgique. Ils sont également souvent efficaces sur le gonflement articulaire, mais de façon moins marquée. Ils peuvent être prescrits pour la prise en charge d’une arthrite inflammatoire à la phase initiale, en l’absence de contreindications ou de manifestations systémiques d’une pathologie inflammatoire et/ou auto-immune ne nécessitant pas d’emblée une corticothérapie. Les AINS doivent être prescrits à la phase initiale d’une arthrite juvénile (AJI) systémique, oligoou poly-articulaire en l’absence de contre-indications. La prise en charge d’une AJI figure dans le protocole national de soins (PNDS « Arthrite juvénile idiopathique »), sous l’égide de la Haute Autorité de santé (HAS). Dans la forme systémique d’AJI non compliquée probable, un test thérapeutique par AINS est proposé pendant 4 à 8 semaines, en fonction de l’évolution clinique. En cas d’efficacité sur la fièvre et les manifestations articulaires, le diagnostic de forme systémique d’AJI probable est retenu, à confirmer par l’évolution. En l’absence d’efficacité, un avis spécialisé de rhumatologie pédiatrique est à demander. Dans les formes d’AJI poly-articulaires, ou oligo-articulaires étendues, un traitement par AINS est également proposé en première intention. Quels AINS ? À titre indicatif, les différents AINS utilisés figurent dans le tableau. Aucune étude n’a démontré l’efficacité d’un AINS sur un autre. Il faut par ailleurs souligner que les doses utilisées en rhumatologie pédiatrique sont souvent supérieures à celles recommandées, et que l’on peut être amené à utiliser certains d’entre eux, notamment l’indométacine avant l’âge recommandé de 15 ans. Les indications d’un traitement par aspirine sont actuellement limitées du fait des effets secondaires. Ils sont actuellement essentiellement utilisés dans la maladie de Kawasaki à doses anti-inflammatoires, à la période initiale, mais il faut souligner qu’aucune étude cascontrôle n’a démontré une différence dans la survenue d’un anévrisme entre les patients prenant de l’aspirine et ceux n’en prenant pas d’une part, et entre les doses élevées de 80- 100 mg/kg/j d’une part et les doses plus faibles de 50 mg/kg/j d’autre part. Effets secondaires Les effets secondaires des AINS sont nombreux et il est essentiel d’en informer les familles, si possible par un support écrit. Il existe une corrélation entre leur survenue, la dose utilisée et la durée d’exposition. Dans une étude effectuée au Royaume-Uni entre 1990 et 2001, 6,1 % des accidents mortels survenant chez l’enfant étaient liés à des AINS, notamment du fait de perforations digestives. Les principaux effets secondaires sont digestifs, rénaux, cutanés, hépatiques, hématologiques, neurologiques. Toute prescription d’AINS chez un patient ayant une pathologie rénale ou hépatique doit être soigneusement pesée et discutée. Les effets secondaires des AINS sont nombreux lors d’une prescription prolongée. Les effets secondaires les plus fréquents sont les effets secondaires digestifs : gastralgies, voire une hémorragie digestive. Ils sont moins fréquents que chez l’adulte. Il ne nous semble pas utile de prescrire systématiquement un protecteur gastrique, qui peut n’être proposé qu’en cas de douleurs gastriques. Les effets digestifs les plus sévères sont observés avec l’association de deux AINS, qui est à déconseiller. Une comparaison entre le naproxène (anti-COX-1) et le célécoxib (anti-COX-2) ne met pas en évidence des différences en termes de tolérance digestive. Plus rarement, on observe : – une atteinte rénale : insuffisance rénale aiguë vasomotrice, en général de bon pronostic si l’exposition médicamenteuse est interrompue. En revanche, si celle-ci se prolonge, il existe un risque de pérennisation de l’insuffisance rénale vasomotrice avec possibilité de nécrose tubulaire aiguë et, exceptionnellement, de nécrose papillaire. D’autres types d’atteintes rénales sont possibles : néphrite tubulo-interstitielle aiguë, hyperkaliémie secondaire à la baisse de la production de la rénine, rétention hydro-sodée secondaire à l’effet anti-natriurétique, des l’inhibition des prostaglandines, tubulopathie proximale en cas d’ingestion massive d’aspirine notamment ; – une atteinte cutanée : manifestations allergiques (éruptions urticariennes, exceptionnellement érythème polymorphe, voire syndrome de Stevens-Johnson), pseudo-porphyrie (naproxène, ibuprofène). Il convient de rappeler qu’il existe un risque accru d’infection sévère de la peau et des tissus mous (cellulite) au cours de la varicelle ; – l’apparition d’une hépatite, d’une tendance hémorragique, d’un asthme induit, de signes neurologiques (céphalées, vertiges, malaises, acouphènes [aspirine]) ; – un syndrome d’activation macrophagique, nécessitant une prise en charge urgente. La plupart de ces manifestations régressent à l’arrêt du traitement. Toute prescription d’AINS chez un patient ayant une pathologie rénale ou hépatique doit être soigneusement pesée et discutée. Comment prescrire des AINS ? Les effets secondaires possibles d’un traitement par AINS prolongé doivent être expliqués à la famille, si possible sous forme d’un support écrit (documents disponibles sur le site du Centre de Référence des Arthrites Juvéniles : http://rhumped.org). Les protecteurs gastriques sont proposés en cas de symptomatologie digestive. Il convient d’insister sur la nécessité d’une bonne hydratation, notamment lors d’un traitement par indométacine, afin de prévenir le plus possible la survenue d’un insuffisance rénale vasomotrice. Le traitement est à discuter en cas de pathologie rénale ou hépatique sous-jacente. Enfin une surveillance biologique régulière des transaminases et de la créatinine est nécessaire en cas d’utilisation prolongée (une à deux fois par an en l’absence de facteurs de risque de toxicité rénale ou hépatique surajoutées). La surveillance biologique (NFS, transaminases, fibrinogène) doit être fréquente lors d’un traitement par AINS à la phase initiale d’une forme très inflammatoire de maladie de Still du fait du risque de survenue d’un syndrome d’activation macrophagique. Les protecteurs gastriques sont proposés en cas de symptomatologie digestive. Les corticoïdes Nous n’aborderons dans cette revue que la prescription des corticoïdes systémiques en rhumatologie pédiatrique. Les corticoïdes sont prescrits dans de nombreuses pathologies dans ce domaine : AJI, vascularites, connectivites et autres maladies de système (périartérite noueuse de l’enfant, maladie de Kawasaki réfractaire aux immunoglobulines intraveineuses et autres vascularites, lupus érythémateux systé mique, dermatomyosite juvénile, sclérodermie, maladies autoimmunes diverses et certaines granulomatoses systémiques notamment). Il convient d’avoir éliminé une pathologie infectieuse évolutive ou tumorale avant la prescription de corticoïdes. Il est également essentiel de prescrire une dose adaptée à la symptomatologie, comportant de fortes doses en cas d’atteinte d’organe sévère, et doses moindres, de l’ordre de 0,5 mg/kg/j au plus dans les autres cas. • Dans la forme systémique de l’AJI, une corticothérapie à forte dose est prescrit d’emblée en cas de complications sévères : syndrome d’activation macrophagique, péricardite importante, anémie sévère. Elle est également prescrite en cas d’efficacité insuffisante des AINS ou d’intolérance, ainsi que dans les formes corticodépendantes dues au seuil. À titre indicatif, la prescription doit être envisagée en cas d’impossibilité de diminuer la corticothérapie à moins de 1 mg/kg/j d’équivalent prédnisone (30 mg/j chez le grand enfant) après 3 mois de traitement, ou de moins de 0,3 mg/kg/j (ou 10 mg/j chez le grand) après 6 mois de traitement. • La corticothérapie à faible dose pendant une durée courte peut être également prescrite dans les formes poly-articulaires très douloureuses à la phase initiale, mais il faut privilégier les autres traitements (AINS, méthotrexate, injections intra-articulaires de corticoïdes). Dans ces formes polyarticulaires ou oligo-articulaires, une corticothérapie systémique peut également être utile en cas d’uvéite antérieure sévère ou en cas d’insuffisance du traitement local. • Dans les autres pathologies, les doses sont fonction de la présentation clinique. Le traitement à fortes doses doit être instauré en urgence en cas d’activation de syndrome macrophagique, ou d’atteinte d’organe sévère (rénale, cérébrale…) vascularite ou pathologie auto-immune. Avant de prescrire des corticoïdes systémiques, il convient d’avoir éliminé une pathologie infectieuse évolutive ou tumorale. Comment prescrire la corticothérapie ? La corticothérapie orale est la plus utilisée à une dose maximale de 2 mg/kg/j de prédnisone ou prédnisolone (les doses usuelles ne dépassent pas en général 80 mg/j). Elle peut parfois être associée à un AINS, notamment dans la forme systémique d’AJI. Elle se donne en une à deux prises par jour et doit être diminuée progressivement, classiquement dans les maladies systémiques sévères pour arriver à 0,5 mg/kg/j sur 3 à 12 mois avec une diminution d’ailleurs très progressive. Un traitement alterné 1 jour sur 2 est source de mauvais contrôle de la maladie et de rechutes dans les pathologies inflammatoires ; il ne doit être envisagé qu’à partir de doses très faibles, de l’ordre de 0,2 mg/kg/j. L’administration de bolus de méthylprednisolone est effectuée dans la prise en charge de certaines maladies inflammatoires par certaines équipes, mais l’intérêt par rapport à des doses plus faibles n’a jamais été formellement démontré. L’administration de bolus de méthylprednisolone (20 à 30 mg/kg ou 1 g pour 1,73m², sans dépasser 1 g) doit être effectué sous surveillance stricte de la kaliémie, de la tension artérielle par voie intraveineuse lente de plusieurs heures. Les effets secondaires de la corticothérapie La corticothérapie expose à de nombreux effets secondaires : – infections suraiguës, surtout en association avec d’autres immunosuppresseurs ; – syndrome cushingoïde, prise de poids, vergetures, hyperpilosité ; – ralentissement de la croissance ; – gastrite, ulcère gastrique ; – ostéopénie, fractures, nécrose de la tête fémorale. Il est à noter que certaines pathologies prédisposent plus que d’autres à l’ostéoporose, notamment la dermatomyosite et, dans un degré moindre, le lupus systémique ; – hypertension artérielle ; – glaucome ; – myopathies : l’IRM musculaire peut alors être intéressante pour distinguer une myopathie cortisonique d’une myosite inflammatoire dans certaines pathologies ; – troubles de l’humeur et du sommeil ; – insuffisance surrénalienne à l’arrêt du traitement. L’information aux familles concernant les différents effets et leur prévention est essentielle. Un document présentant ces différents aspects est disponible sur le site de Centre de Référence des Arthrites Juvéniles. Il faut insister sur la diététique, l’hygiène de vie et la supplémentation vitamino-calcique. Les traitements d’épargne cortisonique, doivent être utilisés rapidement en cas de cortico-dépendance de haut seuil. Il convient de surveiller régulièrement la croissance staturo-pondérale et le fond d’oeil. Un traitement par hormone de croissance doit être discuté avec un endocrinopédiatre en cas d’infléchissement statural. Une ostéodensitométrie et un bilan phosphocalcique doivent être proposés en cas de symptomatologie évocatrice d’ostéoporose. Des radios, voire une IRM, sont à prescrire en cas de symptomatologie évocatrice d’ostéonécrose. L’indication des bisphosphonates est réservée aux patients ayant une ostéoporose symptomatique uniquement actuellement.
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