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ORL et Stomatologie

Publié le 27 fév 2014Lecture 9 min

Toux chronique de l’enfant : le point de vue du pneumologue

A. DESCHILDRE, Unité de Pneumologie pédiatrique, Pôle Enfant, hôpital Jeanne de Flandre, CHRU de Lille
La chronicité de la toux peut être définie arbitrairement par sa persistance au-delà de 4 semaines. Mal tolérée par l'entourage et/ou suscitant l'inquiétude, elle peut conduire à la réalisation de multiples examens complémentaires, souvent inutiles. Pour le praticien, la difficulté tient à la diversité des affections se manifestant par une toux. La démarche du pneumologue s’appuie donc sur un interrogatoire fouillé et un examen clinique à la recherche d’une orientation diagnostique ou de signes de gravité. Un seul examen complémentaire est incontournable : le cliché de thorax.
  La toux : des mécanismes spécifiques… Au niveau des voies aériennes inférieures, la toux est déclenchée par un réflexe dont les afférences se situent au niveau de récepteurs localisés dans le larynx, la trachée, les bronches et le poumon. Les récepteurs à l’irritation (voies aériennes centrales) sont mis en jeu lors des stimulations mécaniques et les récepteurs des fibres C (voies aériennes périphériques et centrales) lors de stimulations chimiques. Les réflexes de toux et de bronchoconstriction sont souvent déclenchés simultanément. Cependant, la toux est plutôt due à la stimulation des récepteurs par les médiateurs de l’inflammation, l’hypersécrétion de mucus, ou encore l’action directe d’agents irritants qu'aux modifications de calibre des voies aériennes. Si la toux est fréquente chez l’enfant asthmatique, toux et asthme sont deux entités différentes.   L’interrogatoire et l’examen clinique orientent très souvent vers le diagnostic L’interrogatoire doit préciser les caractéristiques de la toux : début brutal (syndrome de pénétration ?), ancienneté, caractère saisonnier, facteurs déclenchants (infection virale, polluants, allergènes, conditions climatiques, efforts, rire, pleurs, alimentation), continue ou avec des périodes de rémission, horaire : diurne et/ou nocturne (une toux qui réveille l’enfant est en faveur de son caractère organique), tonalité (aide apportée par les enregistrements réalisés par les parents) : sèche, rauque, quinteuse ou productive (attention, le jeune enfant ne crache pas !), retentissement sur les activités de l’enfant et tolérance par l’entourage familial et scolaire. Il faut également préciser certains points qui orientent vers une piste diagnostique : atopie familiale ou personnelle (asthme, rhinite allergique, eczéma), environnement (tabac, polluants, allergènes), fréquence des infections ORL, notion de reflux gastro-oesophagien ou de fausses routes, prématurité et antécédents néonataux, bronchorrhée, hémoptysies. À l’examen clinique, on recherche les arguments en faveur des étiologies les plus fréquentes : xérose cutanée ou eczéma en faveur de l'atopie, toux en inspirationexpiration forcées, répétées ou sibilants en faveur de l’asthme, encombrement rhino-pharyngé (rhinorrhée postérieure) et respiration buccale (faciès adénoïdien), otite séreuse en faveur d’un foyer ORL. On élimine les signes évoquant une affection sévère (détaillés par G. Benoist dans ce dossier) : retentissement sur la croissance staturopondérale, polypnée, tirage, déformation thoracique, pâleur ou cyanose, hippocratisme digital.   Un seul examen complémentaire s’impose : le cliché de thorax Le cliché doit être de bonne qualité, en inspiration et si possible en expiration forcée. On recherche une image anormale : syndrome bronchique, infiltrat, trouble de ventilation, dilatations bronchiques, asymétrie de transparence, anomalies médiastinales (adénopathies, masse anormale, anomalies trachéale ou des gros vaisseaux), etc. Celle-ci peut n’apparaître qu’en expiration, comme un trappage en faveur d’un obstacle bronchique (figures 1 et 2).   Figure 1. Toux chronique évoluant depuis 6 mois. Début brutal et innefficacité des traitements. Suspicion d'hyperclarté de la base droite sur le cliché en inspiration. Trappage sur le cliché en expiratoin. Confirmation du corps étranger en endoscopie (morceau de plastique provenant probablement d'un jouet). Figure 2. Toux chronique chez un enfant de 9 ans. Association à un hippocratisme digital et une inflexion pondérale. Le cliché de thorax montre une opacité de la base gauche, une perte de volume du poumon gauche et un syndrome bronchique diffus. Diagnostic de mucoviscidose.        L'interrogatoire, l’examen clinique et le cliché de thorax permettent d’orienter le diagnostic et de repérer les toux justifiant rapidement des examens complémentaires : retentissement sur l'état général, arguments en faveur d'une affection chronique, image thoracique anormale. Si l’évaluation clinique et radiologique est rassurante, la demande d’examens complémentaires doit être ciblée. Quelques situations résument la majorité des causes de toux chronique de l’enfant : infections virales récidivantes, « foyer » ORL (rhinite chronique avec jetage postérieur) et asthme. La toux liée au reflux gastro-oesophagien est plus discutée (figure 3). ● Les infections virales récidivantes constituent probablement l'étiologie principale chez l’enfant d’âge préscolaire, favorisées par le tabagisme passif et la vie en collectivité. La fréquence des infections donne l’impression d’une continuité des symptômes. L’altération de l’épithélium et la libération de médiateurs de l’inflammation favorisent le réflexe de toux. De plus, les infections virales sont susceptibles d’induire une hyperréactivité bronchique. Les situations ORL chronique (rhinite, hypertrophie des végétations/ amygdales, sinusite chez l’enfant plus grand) sont étroitement liées aux infections virales. Figure 3. Démarche diagnostique devant une toux chronique de l’enfant.  ● La toux peut être un signe d’asthme. Elle est alors associée à d’autres symptômes : exacerbations, sifflements, asthme d’effort, rhinite allergique. Elle est déclenchée par l’hyperventilation, le rire, l’excitation ou certaines ambiances (fumée, allergènes, froid). Elle est aussi nocturne (fin de nuit, réveil). Les EFR sont utiles pour conforter le diagnostic d’asthme en montrant un syndrome obstructif réversible après administration de β2 mimétiques. De même, l’existence d’une allergie (prick-tests ou, à défaut et comme élément d’orientation, test multi-allergénique vis-à-vis des pneumallergènes) oriente vers ce diagnostic. ● RGO : cause ou conséquence de la toux ? Les liens entre toux et RGO restent controversés. L’interrogatoire (pyrosis ?), l’examen ORL (inflammation hors infection du pharynx, de la glotte, voire de la luette ?), le terrain (affection favorisant le RGO ?) orientent vers cette piste.   Un traitement d’épreuve efficace conforte le diagnostic Un traitement d’épreuve orienté vers le diagnostic pressenti peut être proposé. La corticothérapie inhalée est efficace sur la toux de l’asthme. Elle est initiée pour au moins 4 semaines, selon les recommandations (100 à 200 μg/j équivalent fluticasone avec un dispositif approprié) et son efficacité doit être réévaluée. Le traitement anti-reflux par inhibiteurs de la pompe à protons ne se conçoit durablement qu’en cas de pH-métrie positive. Un traitement d’épreuve de 2 à 3 semaines peut être prescrit en cas de forte suspicion de RGO. Une rhinite chronique est traitée par lavages au sérum physiologique répétés, une corticothérapie locale le cas échéant (allergie) et une gestion adéquate de l’environnement (lutte contre l’exposition au tabac). Enfin, l’antibiothérapie est à réserver à la pneumopathie identifiée par le cliché de thorax ou une infection ORL compliquée (sinusite).   Toux psychogène Poser le diagnostic de toux psychogène et proposer une prise en charge spécifique est souvent difficile. La toux psychogène est repérable par l’interrogatoire : exclusivement diurne, très sonore, isolée, gênante pour l’entourage plus que pour l’enfant, souvent déclenchée par une virose. Elle peut s’apparenter à un tic. Elle partage certaines caractéristiques avec d’autres affections fonctionnelles : syndrome d’hyperventilation, dyskinésie des cordes vocales. Il faut éviter la réalisation d’examens inutiles et orienter la prise en charge vers la relaxation, un travail sur le souffle, et prendre le cas échéant l’avis du psychologue. L’hypnose a été proposée.   Repérer les situations justifiant rapidement des investigations L’existence de signes de gravité ou orientant vers un diagnostic (syndrome de pénétration, hémoptysies, bronchorrhée, par exemple) justifie d’emblée la réalisation d’examens complémentaires (tableau) : test de la sueur, étude de l’immunité, intradermo-réaction, endoscopie bronchique, étude de la ciliature bronchique, etc.). Certains symptômes orientent vers une piste diagnostique : toux sanglante dans la tuberculose ou les tumeurs endobronchiques ; stridor ou cornage en cas d’obstacle ou de compression du larynx ou de la trachée ; toux pendant les repas de la fistule oeso-trachéale ou du diastème laryngé ; toux grasse perannuelle et hippocratisme digital dans les dilatations des bronches associées à la mucoviscidose ; début néonatal (détresse respiratoire, rhinite) ; situs inversus dans la dyskinésie ciliaire congénitale (tableau et figure 3). Dans ces conditions, deux examens apportent des informations complémentaires, voire étiologiques : endoscopie et tomodensitométrie. • L’endoscopie bronchique peut apporter de nombreuses informations sur la cause (corps étranger, anomalie endobronchique : granulome, tumeur, compression, fistule, etc.), la muqueuse (inflammation, sécrétions, focalisées ou diffuses), la dynamique de la trachée et des bronches (dyskinésie) et permet des prélèvements (aspiration, lavage broncho-alvéolaire pour étudier la microbiologie et/ou la cytologie, brossage ou biopsie pour étudier la ciliature). • La tomodensitométrie approfondit l’évaluation des lésions (dilatations des bronches focalisées ou diffuses, atteinte des petites voies aériennes, infiltrat, adénopathies, malformation, etc.). L’analyse du médiastin justifie une injection de produit de contraste. Elle est utile en cas de toux grasse et d’anomalies auscultatoires persistant malgré un traitement bien conduit (y compris en cas de cliché de thorax normal car certaines lésions très focalisées échappent au cliché standard). L’existence de signes de gravité ou orientant d’emblée vers certaines étiologies (corps étranger par exemple) justifie la prise en charge par un service spécialisé pour compléter les investigations. L’endoscopie et la tomodensitométrie apportent des informations utiles et complémentaires.   En conclusion La toux chronique est une situation très fréquente. L’interrogatoire, l’examen clinique et le cliché de thorax permettent, d’une part, d’orienter le diagnostic et d’initier un traitement étiologique ou d’épreuve, et d’autre part, d’identifier rapidement les situations justifiant un avis pneumopédiatrique et des investigations plus poussées. Le plus souvent, la toux chronique est plus gênante que grave, et il faut limiter les investigations complémentaires inutiles.

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