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Comportement

Publié le 27 oct 2013Lecture 8 min

Le sommeil des adolescents

C. MIGNOT, C. STHENEUR, Service de pédiatrie, Hôpital Ambroise Paré, Boulogne-Billancourt
Le sommeil se modifie tout au long de l’enfance. Ses caractéristiques pendant la période pubertaire ne sont pas adaptées au rythme de vie imposé aux adolescents, aussi beaucoup de conflits parents-enfants se cristallisent autour des heures de coucher et de lever. Le médecin est alors parfois interpelé pour apaiser la situation.
  Architecture du sommeil Il existe trois états de veille et de sommeil : la veille, le sommeil lent et le sommeil paradoxal. Le sommeil lent comprend lui-même quatre stades de profondeur croissante (du stade 1 au stade 4). • Le stade 1 correspond à l’endormissement du sujet. On l’observe en début de nuit ou après des phases de réveils nocturnes. Des myoclonies d’endormissement se produisent fréquemment et n’ont pas de caractère pathologique. • Le stade 2. Le tonus musculaire est diminué, les mouvements oculaires absents et la respiration régulière. Ce stade représente environ 50 % du temps total de sommeil. • Les stades 3 et 4 constituent le sommeil lent profond. Le tonus musculaire est encore diminué, les mouvements oculaires toujours absents et la fréquence respiratoire particulièrement stable. L’individu est profondément endormi et il est difficile de le réveiller. Ces stades constituent 15 à 20 % du temps de sommeil total. • Le sommeil paradoxal, ou stade 5, représente 20 à 25 % du temps total de sommeil. Les rêves y sont beaucoup plus fréquents et beaucoup plus riches que lors des autres stades. Le sommeil paradoxal est souvent suivi d’un passage en stade 1 ou d’un réveil de courte durée dont le sujet ne se souviendra plus. Le sommeil de l’adulte jeune s’organise en cycles, définis par l’intervalle de temps séparant deux phases de sommeil paradoxal. Au cours de la nuit, 4 à 6 cycles de 90 minutes chacun se succèdent jusqu’au réveil définitif de l’individu. Les proportions de chaque stade varient en fonction des cycles. En début de nuit, le sommeil est particulièrement riche en sommeil lent profond, et le premier épisode de sommeil paradoxal ne dure que de 4 à 8 minutes. Sa durée va s’allonger au fur et à mesure des cycles, au détriment de celle du sommeil lent profond(1).   Fonctions du sommeil Malgré de nombreuses recherches depuis plusieurs dizaines d’années, les fonctions précises du sommeil restent mal comprises et hypothétiques. Il est sûr que nous ne pouvons survivre sans dormir, et qu’une privation de sommeil entraîne une compensation avec allongement de sa durée la nuit suivante. Lors d’une dette de sommeil, les tâches faisant appel à la créativité ou à la notion d’abstraction sont altérées, alors que les tâches « classiques » sont conservées(2). On observe une diminution des performances scolaires et de l’attention chez les enfants privés de sommeil. Le sommeil joue un rôle important dans les processus d’apprentissage et de mémorisation. Ainsi, on note une modification de l’architecture du sommeil dans la nuit suivant de nouvelles acquisitions, avec une augmentation de la quantité de sommeil paradoxal. De plus, la privation de sommeil altère la mémorisation de procédures nécessitant une adaptation comportementale. Sommeil lent et sommeil paradoxal auraient chacun une fonction bien précise concernant la mémorisation. Les informations chargées émotionnellement seraient traitées plutôt lors du sommeil paradoxal qui semble permettre la maturation cérébrale, ainsi que la mise en place et le développement de circuits nerveux. Il aurait un rôle dans la programmation de nos comportements et est indispensable à l’équilibre psychique des individus par l’intermédiaire des rêves. Le sommeil lent, lui, aurait une fonction de restitution tissulaire et permettrait une économie énergétique en réduisant le métabolisme basal.   Le sommeil normal de l’adolescent Pendant l’adolescence, on observe une diminution du sommeil lent profond au profit du sommeil lent léger. Le temps de sommeil paradoxal reste constant, alors que la durée du sommeil lent profond diminue de 40 % entre la phase prépubertaire et l’achèvement du développement. La somnolence durant la journée devient de plus en plus importante au fur et à mesure de l’avancée dans les stades de Tanner. Les besoins en sommeil de l’adolescent sont de l’ordre de 9 heures par nuit(3). Pourtant, la plupart d’entre eux ne dorment que 7 à 8 heures. En effet, les devoirs, les discussions téléphoniques, les jeux vidéo, la télévision retardent l’heure du coucher. Les jeunes possédant une télévision dans leur chambre, ainsi que ceux qui ont la possibilité de jouer aux jeux vidéo ou de naviguer sur Internet le soir, se couchent plus tard que ceux ne disposant pas de ces éléments. La durée de sommeil des adolescents varie de manière importante entre les nuits de semaines où l’adolescent est soumis au rythme scolaire, et celles de week-ends ou des vacances où ils se couchent mais surtout se lèvent quand il veut. Les jeunes âgés de 10 à 14 ans dorment en moyenne 30 minutes de plus le week-end, et cette différence augmente avec l’âge pour atteindre 2 heures à 18 ans(4). Ce rattrapage n’est cependant pas suffisant pour combler la dette de sommeil accumulée pendant la semaine, qui atteint 2 heures par jour en moyenne. Il favorise de plus le syndrome de retard de phase auquel est plus sensible l’adolescent.   Le syndrome de retard de phase Il s’agit d’un trouble du rythme veille/sommeil caractérisé par une incapacité pour l’individu de s’endormir aux heures dites conventionnelles. La qualité du sommeil n’est pas compromise, et sa durée est normale si on laisse le sujet se réveiller seul. Les obligations sociales et professionnelles rendent difficiles cette dernière condition. Pour compenser, le patient a alors tendance à faire des siestes en fin d’après-midi et à se lever plus tard le week-end, aggravant ainsi son décalage. Ce syndrome est beaucoup plus fréquent à l’adolescence que chez l’adulte. Un allongement des rythmes circadiens, une diminution de la sécrétion de mélatonine et une augmentation de celle des hormones gonadotropes pourraient favoriser ce retard de phase et expliquer sa prédominance à l’adolescence(5). Une prédisposition familiale est également retrouvée dans 40 % des cas. Somnolence matinale, retard voire absentéisme scolaire, altération des performances cognitives peuvent en résulter.   Les troubles du sommeil Une enquête réalisée en France en 2003 auprès de 652 adolescents âgés en moyenne de 15 ans révélait que 35,7 % d’entre eux souffraient d’insomnie (c’est-à-dire de difficultés à initier ou maintenir le sommeil)(6). Les filles notamment avaient plus de difficultés à s’endormir, faisaient plus de cauchemars et se sentaient plus somnolentes durant la journée. Elles étaient plus nombreuses à présenter une insomnie (40,2 % contre 31,6 % chez les garçons). Les raisons de ces troubles du sommeil sont nombreuses et variées. On peut entre autres citer les difficultés scolaires, les troubles affectifs, les problèmes relationnels et les atteintes somatiques. La fatigue générée rend plus difficile le travail scolaire, favorise l’anxiété, la dépression, l’agressivité, diminue la vigilance et donc augmente le risque d’accidents(3). De plus, pour lutter contre l’abattement, les adolescents ont souvent recours à des substances psychoactives comme l’alcool, le tabac, la caféine ou, à l’inverse, ils cherchent le sommeil à l’aide de somnifère souvent pris sans prescription médicale.   Conduite à tenir Le sommeil normal de l’adolescent est perturbé. Il s’endort tard, est fatigué dans la journée, l’adolescent est en « décalage horaire » permanent, ce qui n’est pas facile à vivre au quotidien. Le médecin doit rechercher la présence d’une souffrance psychique, d’une anxiété importante, de difficultés scolaires ou relationnelles, qui perturberaient le sommeil. Pour améliorer l’endormissement, des conseils d’hygiène simples doivent être respectés : – pas d’accès aux écrans dans la chambre de l’adolescent ; – pas de téléphone portable la nuit ; – ne pas trop retarder le coucher le week-end ; – favoriser l’endormissement par une diminution des lumières et du bruit avant le coucher. Au total, le sommeil est souvent un point de désaccord entre parents et adolescent, car il met en cause la consommation d’écrans, les sorties, les activités du week-end… Il faut comprendre les enjeux des uns et des autres pour répondre aux questions autour des troubles du sommeil sans oublier que ce sommeil est physiologiquement perturbé.   Pour la pratique, on retiendra Le sommeil se modifie à l’adolescence avec physiologiquement un retard à l’endormissement et une somnolence diurne. Ce sommeil est, de plus, souvent perturbé par des insomnies liées à une souffrance psychique, une mauvaise hygiène de sommeil et parfois un syndrome de retard de phase. Les conséquences de cette dette chronique peuvent être sérieuses et entretenir le phénomène. Les connaissances des mécanismes du sommeil et de sa régulation permettent de donner des conseils d’hygiène simple. Les conflits autour du sommeil sont souvent le reflet des difficultés relationnelles entre l’adolescent et ses parents et doivent être décryptés par le praticien.

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