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Cancérologie

Publié le 28 sep 2023Lecture 5 min

La maladie de Nonne-Milroy, un lymphœdème héréditaire de type 1

Pierre FRANCES* et coll.

Nous rencontrons en consultation la jeune A., âgée de 2 mois, que les parents nous confient avec une certaine anxiété. Ils ont en effet remarqué chez leur fille (1er enfant du couple) la présence d’un discret œdème du pied gauche à la naissance, ainsi qu’un œdème vulvaire. L’équipe hospitalière n’a alors pas fait cas de cette anomalie qu’elle considérait comme anodine et les parents ont été alors rassurés. Cependant, très progressivement, ces derniers ont remarqué une évolution de cet œdème qui s’est majoré du côté du membre inférieur gauche pour apparaître plus légèrement du côté droit.

En reprenant notre interrogatoire, nous apprenons que la nièce et le grand-oncle du père et les deux filles de ce dernier sont porteurs d’un lymphœdème des deux pieds. Cliniquement, nous mettons en évidence la présence d’un lymphœdème bilatéral concernant l’ensemble de la jambe gauche et l’avant-pied droit, ce dernier ne prenant pas le godet. Un épaississement du revêtement cutané au niveau du pied avec le signe de Stemmer (impossibilité de plisser la peau de la face dorsale du 2e orteil) est aussi observé. Une dystrophie unguéale qui concerne les deux pieds (koïlonychie qui correspond à des ongles ayant une forme concave) est également constatée. L’examen cardiovasculaire (cardiologique et recherche des pouls périphériques) se révèle tout à fait normal. Compte tenu des éléments observés et de l’éventuel caractère héréditaire de cette observation clinique, nous avons décidé d’envoyer cette jeune enfant vers une unité universitaire spécialisée en angiologie. À l’issue d’une courte hospitalisation, le diagnostic de maladie de Nonne-Milroy est posé.   La maladie de Nonne-Milroy   Cette pathologie est en rapport avec un lymphœdème congénital. Elle a été rapportée initialement par Nonne en 1891 qui a surtout décrit les lymphœdèmes congénitaux, puis secondairement par Milroy en 1892. Les lymphœdèmes primaires ou constitutionnels sont divisés en trois catégories : congénital (de la naissance avant 2 ans), précoce (entre 2 et 35 ans) ou tardif (au-delà de 35 ans). Les lymphœdèmes congénitaux représentent entre 6 et 12 % des lymphœdèmes primitifs. La maladie de Nonne-Milroy est une affection peu fréquente (1 cas pour 6 000 naissances environ). C’est un type de lymphœdème héréditaire suivant un mode autosomique dominant avec pénétrance incomplète. Cette mutation concerne le gène FLT4 (localisation au niveau 5q34-5q35) qui encode pour VGFR-3 (Vascular Endothelial Growth Factor). À côté de cette forme classiquement observée, il peut exister une forme Milroy-like avec une mutation du gène VEGFC (ligand du récepteur VEGFR3s). Cette anomalie génétique est à l’origine d’une hypoplasie ou aplasie concernant les vaisseaux lymphatiques. Comme nous pouvons le noter dans notre cas clinique, l’expressivité de cette pathologie est très variable. De fait, au sein d’une même famille, les membres concernés par cette maladie auront des manifestations cliniques différentes. Ainsi, 85 à 90 % des patients ayant cette anomalie génétique auront des manifestations cliniques en rapport alors que seulement 10 à 15 % d’entre eux seront asymptomatiques.   Caractéristiques cliniques   Dans la plus grande majorité des cas, on observe un lymphœdème bilatéral et asymétrique des membres inférieurs. Il survient dans les premières années de vie (avant l’âge de 2 ans). L’importance de l’œdème est très variable en fonction du patient, et très progressif alors qu’il était au départ réversible, il ne l’est plus secondairement du fait de l’accumulation de fibroblastes. Parfois, d’autres manifestations cliniques peuvent être mises en évidence : hydrocèle (37 % des garçons), œdème de la vulve, proéminence du système veineux périphérique sous le genou (23 % des cas), malformations unguéales (14 % des cas) avec koïlonychie ou dystrophie unguéale, présence de papillome au niveau des orteils ou de l’avant-pied (10 % des cas), anomalies urologiques (4 % des cas) avec hypospadias, anomalies urétrales. Dans certains cas, il est possible d’observer également une pleurésie qui peut être bilatérale, des entéropathies exsudatives (conséquence de diarrhées favorisées par la perte de protéines, ascite chyleuse), et enfin des ictères secondaires à une cholestase. Compte tenu de ces anomalies du système lymphatique, il est possible d’observer des dermo-hypodermites qui majorent secondairement l’insuffisance lymphatique et surviennent fréquemment chez les patients de sexe masculin. Œdème du pied gauche observé à la naissance.   Les examens complémentaires   La lymphographie est l’examen de choix qui permet dès les premiers mois de vie d’objectiver une hypoactivité ou une absence totale de réseau lymphatique. De plus, en cas d’atteinte qui semble unilatérale, cet examen peut infirmer ou non l’existence d’une atteinte modérée du membre inférieur considéré comme étant sain. En parallèle, il est important également d’évaluer le caractère génétique ou non du lymphœdème de l’enfant.   La prise en charge   Elle repose sur la kinésithérapie avec un recours précoce et intensif à une rééducation suivant la méthode Leduc. Cette méthode de drainage lymphatique repose sur deux principes : le captage de la lymphe par le réseau lymphatique dans la région de l’œdème et la vidange du surplus lymphatique vers une région non surchargée. La réalisation de cette technique est d’une durée d’environ 30 minutes. Les manœuvres sont faites de mouvements circulaires dirigés vers un même centre, dit concentrique. La pression est légère ne dépassant pas 40 mmHg de pression en déprimant délicatement la peau tout en l’étirant sur les plans plus profonds. Une dépression longitudinale le long d’un membre, qui peut être faite avec les doigts ou les pouces, permet un étirement cutané, ce qui favorise une absorption des capillaires lymphatiques. Ce sont des manœuvres dites en tampon buvard. Elles sont répétées plusieurs fois sur la même région. Une des variances dans cette technique est la pression en bracelet qui est une pression intermittente avec une étape de relâchement. Dans certains cas, on peut recourir à la chirurgie (en cas de déformation peu esthétique). Par ailleurs, il est important également d’effectuer une contention au moyen de bandages peu élastiques, multicouches, qui sont portés quotidiennement au niveau des membres inférieurs. La prévention des problèmes infectieux sera tout aussi importante, ces derniers survenant plus facilement dans ce cadre. On préconise aussi une bonne hygiène des pieds : lavage rigoureux et administration d’antifongiques en cas de mycoses interdigitales. Il est ainsi important de consulter régulièrement une pédicure. Pierre FRANCES*, Claire Aimée RINUY**, Béatrice BATIFOL***, André DE BRITTO XAVIER****, NGUYEN Quoc-Tuan***** *Médecin généraliste, Banyuls-sur-Mer, **Interne en médecine générale, Montpellier, ***Toulouges, ****Paris, *****Externe, Montpellier

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