Le « phénotype comportemental du prématuré »

Les troubles comportementaux sont fréquents chez les enfants nés prématurés. Ils apparaissent dès l’âge préscolaire et persistent jusqu’à l’âge adulte(1). Dans l’étude EPIPAGE-2(2), les taux d’incapacités neurodéveloppementales sévères/modérées à l’âge de 5 ans et demi étaient de 28 %, 19 % et 12 % respectivement selon 24-26, 27-31 et 32-34 semaines d’aménohrrée, et les taux d’incapacités légères étaient de 38,5 %, 36 % et 34 %. Ces troubles du comportement/émotionnels apparaissent dès l’âge préscolaire et certains peuvent même se révéler entre 5 et 6 ans. À ce propos, les enfants prématurés affichaient les taux les plus élevés de problèmes persistants (8,2 %) et émergents (5,2 %) par rapport à ceux nés à terme, et les enfants modérément prématurés avaient les taux les plus élevés de résolution de problèmes (8,7 %). « Ces troubles du comportement/émotionnels sont tellement fréquents qu’est apparu dans les années 2010 le concept de « phénotype comportemental du prématuré », indique Elie Saliba (Université François Rabelais, Tours), associant des troubles de l’attention, des troubles d’internalisation (anxiété) mais aussi d’externalisation, c’est-à-dire des problèmes d’autorégulation (crises de colère) et des troubles émotionnels, avec des problèmes d’interrelations sociales (difficultés de communication et de reconnaissance des émotions). » Il existe une variété de troubles comportementaux qualitativement distincts, et non un phénotype comportemental unique. « Concernant la prévalence de ce phénotype, on estime que 20 % des enfants nés prématurés peuvent le présenter, contre 12 % de ceux nés à terme », affirme E. Saliba. « Fort heureusement, plus de 50 % des enfants prématurés rencontrent des problèmes minimes dans les domaines comportementaux. Néanmoins, l’augmentation de la sévérité des difficultés comportementales est associée à une baisse des performances cognitives (lecture, logique mathématique) et scolaires. »   Les TDAH, plus souvent rencontrés chez les enfants prématurés   Une part des enfants nés avant terme ont un authentique diagnostic catégoriel et la prévalence du TDAH s’avère beaucoup plus élevée chez les enfants prématurés (16-19 % contre 4-5 %), avec un risque triplé pour un âge gestationnel < 28 semaines d’aménorrhée (SA) comparativement à ceux nés entre 34 et 37 SA(1). De plus, la prématurité produit surtout un effet très important sur la composante « inattention » du TDAH avec, dans une étude, 32,7 % de formes inattentives chez les prématurés contre 20 % chez des enfants nés à terme(3). « Le processus attentionnel chez les enfants prématurés est perturbé, confirme E. Saliba, et une immaturité au niveau du lobe frontal a été objectivée à l’imagerie. » Quant à la vulnérabilité socio-émotionnelle du prématuré, des études ont constaté beaucoup de difficultés à utiliser des indices non verbaux et des indices situationnels avec, par exemple, des difficultés à reconnaître des émotions exprimées par des visages. « Plusieurs facteurs pourraient expliquer cette vulnérabilité socio-émotionnelle, propose E. Saliba : génétique, obstétricale, liés à la prématurité elle-même et à ses atteintes cérébrales, ou encore une perturbation des liens d’attachement (du fait des problèmes dans la synchronisation bio-comportementale avec la mère) qui interviennent dans la constitution des structures cérébrales du réseau social, en particulier au sein du gyrus fusiforme, etc. » Enfin, les troubles du spectre autistique apparaissent plus fréquemment chez le prématuré, avec un taux de 7 % contre 0,6-1,4 % en population générale(4).