Publié le 05 déc 2022Lecture 4 min
L’EBM de l’attachement
Caroline GUIGNOT, Lille, D’après la communication « Sécurité physique - sécurité affective : Indissociables ? »
Dans les processus construisant l’attachement mère-enfant, la dimension affective ne peut être dissociée de la dimension physique. Les données de la littérature décrivent parfaitement le rôle de la composante sensorielle dans le neuro-développement et la construction du lien.
La théorie de l’attachement, qui a été développée au cours du XXe siècle a battu en brèche l’idée admise d’un lien mère-enfant fondé en premier lieu sur le besoin en nourriture du second. Il a été scientifiquement démontré que le besoin de contact physique et de proximité est un besoin primaire au premier temps de la naissance. Selon cette théorie, au comportement de l’enfant, qui est celui d’un individu vulnérable en situation de stress envers un proche, répond celui de la mère et de son caregiving, qui fournit le réconfort et la protection nécessaire à assouvir cet appel à l’aide. Ce lien neuro biologique vital existe dans toutes les espèces animales et a notamment été décrit chez le singe dans les années 1950 (expériences de Harlow). Il repose à la fois sur des déterminants affectifs mais aussi sur tous les stimuli sensoriels favorisés par le contact physique et qui ont un rôle neurodéveloppemental essentiel. La rupture de ce lien crée un stress aigu chez l’enfant. Le peau-à-peau à, à l’inverse, été décrit comme réduisant le risque d’hypothermie, d’hypoglycémie et les pleurs chez l’enfant né à terme. Chez le prématuré, ce peau-à-peau participe également à la réduction de la mortalité périnatale, du risque d’infections nosocomiales ; il favorise la stabilité cardio respiratoire et la prise de poids.
Il existe différentes échelles permettant de mesurer l’attachement de la mère en post partum comme le PBQ-25. Les données de la littérature prouvent qu’une indisponibilité psychique de la mère, par exemple secondaire à une dépression, se traduit par des scores plus faibles, avec un risque d’altérer la mise en place des liens d’attachement. À noter que l’enfant n’a pas de préférence pour une figure d’attachement spécifique dans les premiers temps de vie.
Sensorialité fœtale
La synchronie de l’interaction mère-enfant repose sur la variation simultanée des états affectifs et comportementaux. Elle instaure une aptitude mutuelle à agir et réagir aux signaux échangés entre eux. Mais la synchronie existe déjà durant la période foetale.
De nombreuses expérimentations ont décrit l’impact d’un stimuli sensoriel endogène ou exogène sur le foetus au niveau cardiaque ou moteur, ainsi que l’existence d’une réactivité auditive et chimiosensorielle au cours de la seconde moitié de la grossesse. Parmi eux, la voix maternelle influence, par exemple, le rythme cardiaque du foetus, de façon spécifique par rapport aux autres sons ou à d’autre voix. Après la naissance, des expériences réalisées à l’aide d’une tétine permettant au nouveau-né de changer le son auquel il est soumis en fonction de son rythme de succion non nutritive montrent que l’enfant reconnaît la différence entre la voix de sa mère et les autres, et adapte son rythme de succion pour l’entendre.
Plus récemment, des études d’imagerie fonctionnelle conduite chez les femmes au début du troisième trimestre de grossesse ont confirmé que le traitement du son par le foetus ne se produit pas uniquement au niveau sous-cortical réflexe mais est également traité par le cortex auditif primaire. La reconnaissance de la voix maternelle a lieu entre la 33e et la 34e semaine de grossesse.
L’olfaction joue aussi un rôle déterminant, comme l’a par exemple montré une expérience au cours de laquelle la synchronie a été analysée par imagerie fonctionnelle entre l’enfant et selon les tests, soit la mère soit une autre femme en présence ou non d’un t-shirt imprégné de l’odeur maternelle. Cette expérience a confirmé, d’une part, que le partage du regard et des vocalisations, favorise la synchronisation intercérébrale, et que cette dernière est plus intense lorsque les échanges ont lieu avec la propre mère qu’avec une femme inconnue, la présence de l’odeur maternelle favorisant les interactions (attention visuelle aux visages, excitation positive, etc.).
De l’EBM à la pratique
Au vu des données accumulées sur le sujet, l’implication de tous les acteurs de la périnatalité est essentielle pour mettre en place une prise en charge et un suivi permettant d’observer et de repérer des situations de vulnérabilité. Il est nécessaire de repérer des éléments témoignant d’une insécurité au cours du suivi de grossesse, mais aussi de s’assurer des éléments cliniques qui encadrent la mise en place de ces premiers liens au moment de l’accouchement. Toutes les procédures devraient alors favoriser le peau-à-peau, y compris à la suite d’une césarienne (approche développée dans les pays scandinaves et anglosaxons), et intégrer le père (ou la seconde figure d’attachement). Les temps de séparation mère-enfant-père, notamment en néonatologie, devraient être proscrits autant que possible.
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